Le bulletin d’information d’Amnesty International Luxembourg
Chères et chers membres, donateurs·trices et sympathisant·e·s,
Au niveau international, la société civile a subi des coups durs au cours des derniers mois. L’une des organisations de défense des droits humains les plus anciennes et les plus respectées de Russie, Memorial, a été fermée fin décembre par les autorités pour des raisons fallacieuses. Le gouvernement indien continue lui aussi à harceler les organisations non gouvernementales qui lui sont défavorables en prétextant, comme récemment dans le cas du prestigieux « Centre for Promotion of Social Concerns », des irrégularités financières. C’est d’ailleurs sous ce motif qu’Amnesty International Inde a été fermée. Fin 2021, ce sont nos bureaux à Hong Kong qui ont été forcés à fermer. En effet, la loi sur la sécurité nationale et la répression des autorités chinoises envers les organisations de défense des droits humains a atteint un point qui rendaient impossible le travail sur place.
Un autre aspect du rétrécissement de l’espace civil est l’ampleur que prend l’espionnage numérique des acteurs de la société civile. Dans la foulée des révélations inquiétantes de l’été sur l’utilisation à grande échelle du logiciel espion Pegasus, Amnesty International a participé ces derniers mois à plusieurs enquêtes qui ont démontré l’utilisation de ce programme contre des journalistes au Salvador, des défenseurs palestiniens des droits humains, des activistes kazakhs et un politicien polonais de l’opposition.
Météo sombre pour les droits humains ! Mais espoir également, avec par exemple le succès important de l’ édition 2021 de notre campagne « Write for Rights » et des nombreuses victoires en faveur des droits humains dont quelques-unes sont abordées dans cette AIL News. Nous continuerons à nous mobiliser ici au Luxembourg et depuis quelques mois nous avons entamé un travail profond de structuration de la section pour s’engager plus encore et mieux. En souhaitant continuer de vous avoir à nos côtés, merci pour votre soutien,
Olivier PIROT
Directeur d’Amnesty International Luxembourg
UNE FIN D’ANNÉE MOUVEMENTÉE
La Journée des droits humains 2021 restera longtemps dans nos mémoires pour ses bonnes et ses mauvaises surprises. À la suite de l’annonce par les opposant·e·s aux mesures Covid de leur intention de s’approprier notre marche aux flambeaux prévue le 10 décembre pour faire valoir leurs revendications, nous avons décidé, le cœur lourd, d’annuler notre traditionnelle manifestation.
UN SOUTIEN IMPRESSIONNANT
À la place, nous avons spontanément appelé à une action décentralisée, à laquelle se sont jointes environ 300 personnes. Elles se sont rendues devant leurs portes avec une bougie afin de rendre visible leur engagement pour les droits humains. Le collage ci-dessous est le résultat des photos qu’elles nous ont envoyées ou qu’elles ont publiées sur les réseaux sociaux. De plus, beaucoup ont changé leur photo de profil sur les réseaux sociaux en une bougie Amnesty et ont partagé des publications exprimant leur indignation et leur solidarité. nous avons reçu d’innombrables messages de soutien et des dons et un concert de bienfaisance a même été organisé spontanément en faveur d’Amnesty.
RÉSULTAT RECORD POUR « WRITE FOR RIGHTS »
Nous sommes particulièrement content·e·s que les dix personnes pour lesquelles nous nous sommes mobilisé·e·s dans le cadre de la campagne Write for Rights ne soient pas tombées dans l’oubli après l’annulation de la marche aux flambeaux qui leur était consacrée. Le Tageblatt les a même mis à la une et a accordé une page complète à leurs histoires. De nombreuses personnes ont partagé en ligne des informations sur Wendy, Janna, Mikita, Ciham, Rung, Bernardo, l’ONG Sphere, Mohamed, Imoleayo et Zhang et ont organisé des événements d’écriture de lettres en leur faveur. Le résultat est impressionnant : plus de 12 000 lettres aux autorités, cartes de solidarité et signatures de pétitions ont été récoltées au Luxembourg !
NOS BOUGIES ONT ILLUMINÉ LA JOURNÉE DES DROITS HUMAINS
Grâce notamment au soutien de nombreux bénévoles, de pharmacies, de Naturata, d’écoles et du Comptoir Pharmaceutique, nous avons vendu environ 4 000 bougies Amnesty pour promouvoir notre travail en faveur des droits humains. L’édition spéciale avec une image colorée créée pour nous par Irina Moons a été particulièrement appréciée.
Quelle que soit la manière dont vous vous êtes engagé·e·s avec nous en faveur des droits humains au cours de l’année écoulée, nous vous en remercions.
L’APARTHEID ISRAÉLIEN ENVERS LES PALESTINIEN·NE·S
Dans un nouveau rapport de 280 pages, Amnesty International démontre qu’Israël impose un régime d’oppression et de domination aux Palestinien·ne·s dans toutes les zones sous son contrôle, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO), ainsi qu’aux personnes réfugiées palestiniennes, au profit de la population juive israélienne. La conclusion de l’enquête : ce régime constitue un système d’apartheid au sens du droit international.
Les lois, politiques et pratiques destinées à maintenir un système cruel de contrôle sur la population palestinienne ont abouti à une fragmentation géographique et politique des Palestinien·ne·s, souvent paupérisés et vivant constamment dans la peur et l’insécurité.
Lorsque vous êtes en détention administrative, vous connaissez la date de votre détention, mais pas celle de votre libération, qui est entre les mains de celui qui a donné l’ordre de détention. C’est une forme de torture psychologique continue pour le détenu et sa famille, qui subissent à nouveau ce traumatisme lorsque l’ordre de détention est renouvelé.
Ahmad Qatamesh, écrivain de Cisjordanie et professeur d’université, détenu à plusieurs reprises en raison de l’expression pacifique de ses opinions politiques
QU’EST CE QUE L’APARTHEID ?
L’apartheid est une violation du droit public international, une grave violation des droits humains garantis par le droit international, ainsi qu’un crime contre l’humanité en vertu du droit pénal international.
À l’origine, le terme « apartheid » a été utilisé pour désigner le régime politique de l’Afrique du Sud à l’époque où celle-ci imposait explicitement la ségrégation raciale, ainsi que la domination et l’oppression d’un groupe ethnique par un autre. Il a par la suite été adopté par la communauté internationale pour condamner et réprimer pénalement de tels systèmes et pratiques, où qu’ils existent dans le monde.
Le crime d’apartheid selon la Convention sur l’apartheid, le Statut de Rome et le droit international coutumier est constitué lorsque des actes inhumains sont « commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial […], dans l’intention de maintenir ce régime. » En d’autres termes, l’apartheid est un régime dans lequel un traitement discriminatoire prolongé et cruel est infligé par un groupe d’êtres humains à un autre dans le but de contrôler ce second groupe.
Je portais ma veste de presse et mon casque et je me souviens que je voulais prendre une photo d’un manifestant près de la barrière. Je suis allé prendre la photo, et à la seconde où j’ai levé mon appareil, la prochaine chose dont je me souviens, c’est que je me suis évanoui, puis j’ai réalisé qu’on m’avait tiré dessus. Je n’ai cessé de perdre conscience. Heureusement, un autre photographe m’a porté jusqu’au médecin de campagne, puis à l’hôpital Al-Shifa. Je portais ma veste de Presse et tenais clairement un appareil photo, et les snipers pouvaient le voir.
Adham Al-Hajjar, un journaliste de Gaza touché par balle en 2018 alors qu’il couvrait des manifestations
Depuis la création de l’État d’Israël, en 1948, les gouvernements qui se sont succédés ont progressivement élaboré et maintenu en place un système de lois, de politiques et de pratiques conçues pour opprimer et dominer les Palestinien·ne·s. Ce système fonctionne de différentes manières dans les différentes zones où Israël contrôle l’exercice des droits des Palestinien·ne·s, mais l’intention est toujours la même : privilégier la population juive israélienne par rapport à la population palestinienne.
Pour ce faire, les autorités israéliennes s’appuient sur quatre stratégies principales :
Dépossession de terres et de biens : des décennies de pratiques discriminatoires qui consistent à saisir des terres et des biens, démolir des logements et procéder à des expulsions forcées.
Ségrégation et contrôle : un système de lois et de politiques qui confinent les Palestinien·ne·s dans des enclaves, les soumettent à diverses mesures de contrôle de leur vie, et les séparent de la population juive israélienne.
Fragmentation en domaines de contrôle : le fait de maintenir les Palestinien·ne·s séparés les uns des autres dans des sphères territoriales, juridiques et administratives distinctes est au coeur du système.
Privation des droits économiques et sociaux : la paupérisation délibérée des Palestinien·ne·s fait qu’ils sont très défavorisés par rapport
à la population juive israélienne.
PÉTITION : IL FAUT DÉMOLIR L’APARTHEID, PAS LES HABITATIONS PALESTINIENNES
Les privations de logement subies par la population palestinienne sont au coeur du système israélien d’apartheid. À titre de première étape vers le démantèlement de ce système, Amnesty International appelle Israël à mettre fin à la pratique des démolitions d’habitations.
Signez notre pétition pour demander au Premier ministre israélien Naftali Bennet d’annuler immédiatement tous les ordres d’expulsions forcées et de démolition d’habitations des Palestinien·ne·s.
1ER MARS : REMISE DES PRIX MÉDIAS
À travers l’Amnesty Mediepräis, nous mettons en lumière la contribution des journalistes au Luxembourg au débat public sur les droits humains et encourageons les professionnel·le·s du métier à continuer d’éclairer les injustices au Grand-Duché et dans le monde. Car quand on met en lumière ceux et celles qui éclairent le monde, l’humanité gagne.
Le retour en présentiel de la remise de notre prix médias aura lieu le 1er mars à partir de 18h aux Rotondes, partenaire de l’événement. Le public est invité à suivre les présentations des nominé·e·s et à en apprendre davantage sur les thèmes des droits humains qui ont occupé les journalistes au Luxembourg en 2021.
9 MARS : « LA RÉVOLUTION A UN VISAGE FÉMININ. LE CAS DU BELARUS »
Féminin, pacifique, post-national – c’est ainsi que la philosophe et auteure Olga Shparaga caractérise les bouleversements survenus dans son pays et replace les événements dans le contexte des mouvements d’émancipation européens et mondiaux. Elle en parlera en détail le 9 mars à 19h à l’Abbaye de Neimënster, lors d’un événement organisé par l’Institut Pierre Werner en collaboration avec ACAT et Amnesty International Luxembourg. La soirée se tiendra en allemand. Olga Shparaga est membre du groupe féministe du Conseil de coordination, l’organe politique de l’opposition au dictateur Alexandre Loukachenko. Elle avait été emprisonnée en octobre 2020 et a ensuite fui le pays. Actuellement, elle reste exilée et est membre du collège scientifique à Berlin.
26 MARS : ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Nous nous réjouissons de pouvoir à nouveau nous retrouver en personne pour l’Assemblée générale 2022. Elle se tiendra le 26 mars de 14h à 18h suivie par un apéro dinatoire au « Drescherhaus » à Dommeldange. Cette réunion est le moment le plus important de l’année pour la vie démocratique de notre association. Elle offre l’occasion de passer en revue les activités de la section durant l’année écoulée et d’exposer les projets et le budget de l’année en cours et d’échanger sur la stratégie de la section. Nos membres recevront bientôt une invitation formelle avec tous les autres détails par courrier.
LES VICTOIRES POUR LES DROITS HUMAINS
ACQUITTEMENT DES MILITANT·E·S LGBTIQ EN TURQUIE
18 étudiant·e·s et un universitaire ont été relâché·e·s après avoir été poursuivi·e·s pour leur participation à une Pride pacifique sur leur campus, à Ankara, en mai 2019. La police avait utilisé du spray au poivre, des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène pour disperser les manifestant·e·s. Cet acquittement est l’aboutissement d’une longue bataille juridique et une victoire pour la justice. Le cas des étudiant·e·s de l’Université technique du Moyen-Orient, notamment de Melike Balkan et Özgür Gür, a été relayé dans le cadre de la campagne Write for Rights en 2020. Plus de 445.000 personnes de 43 pays ont réclamé leur acquittement.
VERDICT HISTORIQUE CONTRE UN RESPONSABLE SYRIEN
Un tribunal en Allemagne a condamné Anwar Raslan, ancien responsable des services de renseignement syriens, à la réclusion à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Les États dans le monde entier doivent suivre cet exemple et intenter des procédures analogues contre les auteurs présumés de crimes de droit international. Puisqu’il est inconcevable d’engager des poursuites pénales en Syrie et qu’il n’y a pas de moyen de saisir la Cour pénale internationale de ces dossiers, la compétence universelle est le seul moyen d’obtenir justice.
FIN DU PROCÈS CONTRE DES ACTIVISTES POLONAISES
L’appel contre la décision d’acquitter trois femmes militantes en faveur des droits humains en Pologne a été rejeté. Elżbieta, Anna et Joanna étaient poursuivies pour avoir distribué des affiches représentant la Vierge Marie auréolée des couleurs de l’arc-en-ciel du drapeau LGBTIQ. Vous étiez nombreux·ses à les avoir soutenues. Merci beaucoup !