Manifestations pour la justice raciale suite à la mort de George Floyd lors d'un violent affrontement avec la police dans le Minnesota. Centre de Washington, DC, États-Unis, 3 juin 2020. © Amnesty International (Photo: Alli Jarrar)

Viêt-Nam. Quatre militants pacifiques arrêtés arbitrairement pour leurs liens avec un avocat des droits humains détenu de longue date

Le 30 juillet 2017, les autorités vietnamiennes ont arrêté quatre militants à Hanoï, à Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon) et dans la province de Thanh Hoa. Il s’agit de Nguyn Trung Tôn, 45 ans, pasteur protestant de la province de Thanh Hoa, Phm Văn Tri, 45 ans, de Hanoï, Trương Minh Đc, 57 ans, de Ho Chi Minh-Ville et de Nguyn Bc Truyn, 49 ans, de Ho Chi Minh-Ville. Chacun d’eux a déjà été emprisonné en raison de ses activités pacifiques. Ces quatre hommes sont des prisonniers d’opinion, car ils ont été privés de liberté uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression et d’association. Amnesty International appelle les autorités vietnamiennes à les libérer immédiatement et sans condition, à relâcher tous les autres prisonniers d’opinion et à mettre fin à leur politique d’intimidation, d’arrestation et de répression à l’égard des militants pacifiques.

Les quatre militants ont été inculpés d’« activités visant à renverser le gouvernement populaire » en vertu de l’article 79 du Code pénal de 1999. Cette infraction, qui relève de la section « sécurité nationale » du Code, au libellé vague, est passible de sanctions pouvant aller jusqu’à la peine capitale, en passant par la réclusion à perpétuité.

Ces arrestations interviennent sur fond de répression croissante de l’exercice pacifique des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association au Viêt-Nam, alors que de longues peines de prison ont été prononcées contre deux éminentes militantes des droits humains au cours des cinq dernières semaines. Avant ces arrestations récentes, au moins sept autres militants avaient été arrêtés au cours des six derniers mois.

Les quatre hommes appréhendés dimanche sont supposés avoir des liens avec l’avocat des droits humains Nguyn Văn Đài, lui-même arrêté à Hanoï le 16 décembre 2015 et détenu sans jugement, comme sa collègue Lê Thu Hà, depuis plus de 18 mois. Dans un premier temps, Nguyễn Văn Đài et Lê Thu Hà ont été inculpés de « propagande » contre le régime au titre de l’article 88 du Code pénal de 1999. Cependant, selon la police vietnamienne et les médias d’État, Nguyn Văn Đài et Lê Thu Hà sont maintenant poursuivis pour avoir enfreint l’article 79, comme les hommes récemment arrêtés.

Nguyn Văn Đài est un célèbre avocat spécialiste des droits humains. En 2006, il a fondé la Commission des droits humains au Viêt-Nam, aujourd’hui appelée Centre des droits humains du Viêt-Nam. Il a également été l’un des premiers signataires d’une pétition en ligne appelant à la liberté et à la démocratie au Viêt-Nam, qui a recueilli le soutien de milliers de personnes. Entre 2007 et 2011, Nguyễn Vãn Ðài a purgé une peine de quatre ans d’emprisonnement après avoir été déclaré coupable de « propagande » contre le régime. En avril 2013, il a fondé la Fraternité pour la démocratie, un mouvement coordonné et collectif visant à l’instauration de la démocratie au Viêt-Nam.

Le pasteur Nguyn Trung Tôn a écrit des textes sur la liberté de religion et la corruption au Viêt-Nam. Arrêté en janvier 2011, il a été déclaré coupable de « propagande » contre le régime et a purgé une peine de deux ans d’emprisonnement.   Phm Văn Tr a été arrêté en septembre 2008. Il lui était reproché d’avoir déployé des banderoles, distribué des tracts, diffusé sur Internet des propos critiques à l’égard de la politique du gouvernement et appelé à l’instauration de la démocratie au Viêt-Nam. Il a été déclaré coupable de « propagande » contre le régime en octobre 2010 et a purgé une peine de quatre ans d’emprisonnement.   Le journaliste et défenseur des droits des travailleurs Trương Minh Đc a écrit des textes sur la corruption et l’abus de pouvoir au Viêt-Nam. Appréhendé en mai 2007, il a été déclaré coupable, en mars 2008, d’avoir « abusé des libertés démocratiques pour porter atteinte aux intérêts de l’État » en vertu de l’article 258 du Code pénal. Il a purgé une peine de cinq années d’emprisonnement.   Nguyn Bc Truyn est un avocat des droits humains qui, en 2007, a été reconnu coupable de « propagande » contre le régime et condamné à une peine de trois ans et demi d’emprisonnement. Depuis sa libération, en mai 2010, il fait partie d’une association d’anciens prisonniers d’opinion au sein de laquelle il s’exprime ouvertement.   Une campagne prolongée de répression contre les droits humains

Le Viêt-Nam est actuellement le théâtre d’une campagne prolongée de répression contre les droits humains. Ces cinq dernières semaines, deux éminentes militantes des droits humains ont été reconnues coupables de « propagande » contre le régime et condamnées à de longues peines de prison.

Le 29 juin 2017, Nguyn Ngc Như Qunh, également connue sous son pseudonyme de blogueuse, M Nm (Mère Champignon), a ainsi été condamnée à 10 ans de réclusion en raison de ses activités sur Facebook et sur d’autres réseaux sociaux. Il lui était notamment reproché d’avoir rédigé, téléchargé et partagé des articles et des vidéos critiques à l’égard du Parti communiste vietnamien (au pouvoir) et des autorités. Le 25 juillet 2017, Trn Th Nga a quant à elle été condamnée à neuf ans d’emprisonnement pour avoir « publié sur Internet des clips vidéo et des documents contenant une propagande hostile au régime ». Les vidéos portaient sur des questions telles que la pollution de l’environnement et la corruption. Ces deux décisions de justice ont reçu une large couverture internationale et ont été condamnées par des groupes locaux et internationaux de défense des droits humains, des experts des Nations unies spécialisés dans les droits humains et des représentants diplomatiques des États-Unis et de l’Union européenne au Viêt-Nam.

Trn Th Nga et Nguyn Ngc Như Qunh avaient exprimé des inquiétudes face à la réaction des autorités à la catastrophe écologique provoquée par l’entreprise Formosa en 2016, qui a gravement affecté les stocks de poissons dans plusieurs provinces vietnamiennes. Cet accident, qui a eu des répercussions sur les moyens de subsistance de plus de 270 000 personnes, a donné lieu à un militantisme soutenu, et des manifestations d’une ampleur exceptionnelle ont eu lieu un peu partout dans le pays.

Parmi les autres personnes récemment arrêtées figurent Trn Hoàng Phúc, un militant de 23 ans appréhendé le 3 juillet en application de l’article 88 du Code pénal pour avoir publié des articles critiques à l’égard des autorités sur les réseaux sociaux, et Lê Đình Lượng, un dissident politique arrêté le 24 juillet en vertu de l’article 79 du Code pénal. Au moins cinq autres militants appréhendés depuis novembre 2016 sont actuellement soumis à un régime de détention provisoire au secret. La détention au secret peut faciliter la pratique de la torture et des autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants. Lorsqu’elle est prolongée, elle s’apparente en elle-même à une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain et dégradant. De plus, le droit de communiquer avec un avocat et de préparer sa défense dans les meilleurs délais fait partie intégrante du droit à un procès équitable. La prohibition de la torture et des autres formes de mauvais traitements, de même que le droit à un procès équitable, sont consacrés par des traités que le Viêt-Nam, étant partie à ces instruments, est légalement tenu de respecter, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU].

Le PIDCP protège également le droit à la liberté d’opinion et d’expression (article 19) ainsi que le droit de réunion pacifique (article 21) et d’association (article 22). Il protège aussi le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, y compris le droit de ne pas faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire (article 9).   Amnesty International appelle les autorités vietnamiennes à respecter les obligations du Viêt-Nam en matière de droits humains, et à abandonner toutes les charges pesant sur des personnes qui mènent pacifiquement des activités de promotion et de protection des droits humains ou qui exercent pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, d’opinion ou de conviction, de réunion ou d’association. La communauté internationale doit condamner avec la plus grande fermeté les mesures de répression qui visent actuellement les droits humains au Viêt-Nam, et réclamer la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion.     COMPLÉMENT D’INFORMATION

Amnesty International a recueilli des informations sur au moins 90 personnes actuellement privées de liberté, que l’organisation considère comme des prisonniers d’opinion. Il s’agit notamment de blogueurs, de défenseurs des droits du travail et des droits fonciers, de militants politiques, de membres de minorités ethniques et religieuses et de défenseurs des droits humains et de la justice sociale. Ces personnes ont été déclarées coupables alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits fondamentaux. Nombre d’entre elles ont été victimes d’un procès inéquitable, détenues au secret, voire torturées et soumises à d’autres formes de mauvais traitements en détention. Au Viêt-Nam, les conditions de détention sont très dures ; les obligations minimales prévues par l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela) et par d’autres normes internationales ne sont pas respectées en ce qui concerne la nourriture et les soins médicaux, qui sont insuffisants. Amnesty International a publié en juillet 2016 des informations détaillées sur le traitement réservé aux prisonniers d’opinion dans un rapport (en anglais) intitulé Prisons within prisons: torture and ill-treatment of prisoners of conscience in Viet Nam, disponible à l’adresse suivante : https://www.amnesty.org/en/documents/asa41/4187/2016/en/.

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