© Jonas Gratzer/LightRocket via Getty Images

Viêt-Nam. Le nombre de prisonniers d’opinion a fortement augmenté, selon une nouvelle étude

  • Un prisonnier d’opinion sur dix est incarcéré en raison de ses activités en ligne, par exemple pour avoir partagé des points de vue sur Facebook
  • Les États-Unis sont encouragés à mettre le Viêt-Nam au défi lors du dialogue sur les droits humains cette semaine

Le nombre de personnes injustement emprisonnées pour leurs opinions au Viêt-Nam a augmenté d’un tiers, passant à 128, signe d’une répression grandissante contre le militantisme pacifique, a révélé lundi 13 mai une nouvelle étude d’Amnesty International.

Les autorités vietnamiennes détiennent au moins 128 personnes pour leurs opinions dans des prisons un peu partout dans le pays, soit une forte augmentation par rapport aux 97 personnes recensées l’année dernière. Les conditions de détention restent déplorables, des éléments prouvant que des personnes emprisonnées sont torturées et soumises à d’autres formes de mauvais traitements, régulièrement détenues au secret et à l’isolement, incarcérées dans des conditions sordides et privées de soins médicaux, d’eau potable et de sortie à l’air libre.

Parmi ces prisonniers d’opinion figurent un nombre accru de personnes incarcérées pour des commentaires sur des réseaux sociaux tels que Facebook, qui représentent désormais près de 10% de cette catégorie de prisonniers. Avec l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la nouvelle Loi relative à la cybersécurité, extrêmement répressive, l’utilisation de méthodes de surveillance invasives pour cibler les personnes perçues comme critiques à l’égard des autorités va probablement s’intensifier.

« Cette étude montre que le Viêt-Nam resserre son emprise sur tous les domaines de la vie publique et privée », a déclaré Nicholas Bequelin, directeur du programme Asie de l’Est et du Sud-Est à Amnesty International.

« Non contentes d’écraser tout signe d’opposition politique, les autorités vietnamiennes s’en prennent également à quiconque dénonce la corruption ou tente d’améliorer le bien-être collectif par ses activités et son militantisme dans le domaine des droits humains. Le droit de s’exprimer est en danger. »

Sur la liste des prisonniers d’opinion, dont le nombre exact est probablement sous-estimé, figurent notamment des juristes et des personnes qui tiennent des blogs, défendent les droits humains ou militent en faveur de l’environnement et de la démocratie, qui ont tous été incarcérés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux. Beaucoup ont été condamnés à de lourdes peines de prison à l’issue de simulacres de procès, et ont été détenus pendant de longues périodes avant d’être inculpés.

« La susceptibilité des autorités vietnamiennes s’accroît manifestement de jour en jour. Ce sont leurs propres citoyens qui paient très cher le simple fait d’avoir dit quelque chose ou rencontré quelqu’un », a déclaré Nicholas Bequelin.

Un nouveau code pénal est entré en vigueur au Viêt-Nam en 2018. Comme le précédent, il contient des dispositions vagues et excessivement générales qui sont souvent utilisées pour poursuivre des militants et d’autres détracteurs présumés. Au moins 34 des personnes qui figurent sur la liste des prisonniers d’opinion ont été poursuivies en vertu des dispositions du nouveau Code pénal.

Les États-Unis sont encouragés à mettre le Viêt-Nam au défi lors du dialogue sur les droits humains cette semaine

Cette nouvelle étude intervient alors que le Viêt-Nam cherche à resserrer ses liens diplomatiques et économiques avec les États-Unis et l’Union européenne.

Cette semaine, des représentants des États-Unis se rendront au Viêt-Nam pour participer à un « dialogue sur les droits humains » avec leurs homologues vietnamiens. Le « dialogue sur les droits humains » entre les États-Unis et le Viêt-Nam a lieu régulièrement depuis 2006, après une interruption de deux ans. En octobre 2018, une prisonnière d’opinion connue sous son nom de blogueuse, Mẹ Nấm (Mère champignon), a été libérée en marge d’une visite de James Mattis, alors secrétaire américain à la Défense.

« Le nombre croissant de prisonniers d’opinion montre la duplicité des autorités vietnamiennes lors des discussions officielles sur les droits humains », a déclaré Nicholas Bequelin.

« La libération de Mère champignon a été un immense soulagement, mais le prix de sa liberté a été l’exil, et toute l’opération a opportunément permis de détourner l’attention des dizaines d’autres personnes qui sont toujours incarcérées pour leurs opinions. »

Tran Hoang Phuc est actuellement emprisonné pour ses opinions alors que son militantisme pacifique a été reconnu par les États-Unis. Il a été membre de l’Initiative pour les jeunes dirigeants des pays de l’Asie du Sud-Est (YSEALI), un programme américain, et avait été invité à rencontrer Barack Obama, alors président des États-Unis, lors de sa visite officielle au Viêt-Nam en mai 2016, mais les autorités avaient empêché Tran Hoang Phuc d’assister à la réunion.

Militant prodémocratie et écologiste, Tran Hoang Phuc a été arrêté un an plus tard, en juin 2017. Jugé pour « propagande contre l’État » pour avoir réalisé et diffusé sur les réseaux sociaux des vidéos jugées critiques envers le gouvernement, il a été condamné à six ans d’emprisonnement, suivis de quatre ans en résidence surveillée.

« Tran Hoang Phuc illustre la façon dont le Viêt-Nam traite certains de ses citoyens les plus brillants et les plus engagés », a déclaré Nicholas Bequelin.

« Les autorités doivent libérer tous les prisonniers d’opinion immédiatement et sans condition. »

Lors du dialogue à venir, le gouvernement des États-Unis doit réaffirmer au plus haut niveau que sans réels progrès en matière de droits humains, les relations entre les États-Unis et le le Viêt-Nam resteront limitées. Ces progrès doivent être mesurés par des actions concrètes, notamment la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d’opinion.

Génocide à Gaza

X