Le Conseil Paix et sécurité de l’Union africaine (UA) doit agir sans délai et apporter des précisions sur le déploiement de la nouvelle mission de maintien de la paix dirigée par l’Afrique en vue d’enrayer la crise humanitaire et des droits humains qui enfle en République centrafricaine, a déclaré Amnesty International jeudi 12 décembre.
Une semaine s’est écoulée depuis que le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité la transformation de la force des États d’Afrique centrale déjà présente sur le terrain pour protéger les civils en une mission de maintien de la paix, dirigée par l’Afrique, dotée d’un mandat d’un an et renforcée par des troupes françaises.
Dans sa lettre, Amnesty International exhorte le Conseil Paix et sécurité de l’UA à rompre le silence et à détailler l’action concrète qu’il compte mener de toute urgence pour déployer les troupes sur le terrain et protéger efficacement les civils.
« L’UA doit mettre en œuvre sans attendre un plan très clair et une action concrète pour éviter que la crise en République centrafricaine n’échappe à tout contrôle, a estimé Netsanet Belay, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.
« L’équipe d’Amnesty International sur le terrain a constaté que des dizaines de milliers de civils ont un besoin vital de la protection que leur offrira la force de maintien de la paix dirigée par l’Afrique. Or, il ne reste plus qu’une semaine avant le début de sa mission et sa composition, son calendrier et ses priorités doivent être clarifiés. »
Le 5 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé à l’unanimité le déploiement de troupes pour une année, dans le cadre de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Les dirigeants africains se sont ensuite entendus pour porter le nombre de soldats à 6 000 ; ils doivent prendre la relève du contingent de soldats de la paix des États d’Afrique centrale le 19 décembre.
Dans une déclaration faite le lendemain de l’adoption de la résolution de l’ONU, le directeur de la Commission de l’UA a souligné le « besoin urgent de tout faire pour mettre un terme à cette situation inacceptable ».
Cependant, une semaine avant la date prévue pour l’arrivée des troupes, la confusion règne quant aux États africains qui vont les fournir et à quelle date. On ignore également quelle forme prendra la coopération avec les 1 600 soldats français déployés séparément en République centrafricaine la semaine dernière.
L’équipe d’Amnesty International, présente sur le terrain à Bangui depuis une semaine, a constaté une rapide dégradation de la situation, caractérisée par un cycle infernal d’atrocités commises en représailles entre les communautés chrétienne et musulmane.
Avec près de 500 personnes tuées dans le cadre des violences intercommunautaires et interreligieuses, de nombreux cadavres s’entassent à la morgue centrale et dans les mosquées de la ville. Selon divers témoignages, des corps sont également enterrés dans les arrière-cours.
Plus de 100 000 personnes déplacées, trop effrayées pour rentrer chez elles, vivent dans la misère, dans des camps improvisés sur une trentaine de sites à travers la capitale, à l’aéroport notamment. Dans ce camp-là, à la nuit tombée, la population grossit pour dépasser les 40 000 personnes – elles recherchent la protection qu’offrent les troupes africaines et françaises qui y sont stationnées.
« Protéger les civils face aux atrocités et veiller à ce que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui en ont besoin sont les priorités absolues. Mais pour cela, il est indispensable que les forces de maintien de la paix sur le terrain disposent de ressources suffisantes et que les forces africaines et françaises collaborent sur la base de directives claires », a indiqué Netsanet Belay.
Amnesty International a noté que la force de la MISCA a déjà fait appel à l’aide internationale pour permettre son déploiement ; les États-Unis ont par exemple proposé de transporter des troupes burundaises de maintien de la paix jusqu’à Bangui.
L’organisation a engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour aider les soldats de la paix à mettre fin aux atrocités, à protéger les civils – notamment les personnes déplacées – et à rétablir la loi et l’ordre public.
« Avant qu’il ne soit trop tard pour enrayer la situation, le secrétaire général de l’ONU doit évaluer rapidement l’impact des forces de maintien de la paix sur le terrain – dans les semaines, et non les mois, qui viennent. Et il doit lancer les préparatifs pour faire intervenir, si besoin, une solide force de maintien de la paix de l’ONU dès que possible », a conclu Netsanet Belay.