D’innombrables personnes à travers le monde souffrent déjà des effets catastrophiques des inondations, des canicules et des sécheresses aggravées par le changement climatique : les gouvernements doivent se fixer des objectifs beaucoup plus ambitieux en matière de réduction des émissions afin de limiter la hausse des températures moyennes mondiales, ou bien assumer la responsabilité des pertes en vies humaines et autres violations des droits humains d’une ampleur sans précédent, a déclaré Amnesty International le 8 octobre 2018.
La nouvelle étude du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publiée le 8 octobre, montre que le fait de maintenir le réchauffement planétaire en-dessous de 1,5° C par rapport aux niveaux de la période préindustrielle peut encore enrayer les pires conséquences du changement climatique sur les droits humains. Si les émissions se poursuivent au rythme actuel, alors les experts estiment que nous dépasserons 1,5° C entre 2030 et 2052, et atteindrons 3° C à la fin de ce siècle.
« Le rapport du GIEC est sinistre à lire, mais n’offre pas aux dirigeants mondiaux le luxe de prétendre qu’il est déjà trop tard. Cette étude est très claire : une élévation de la température mondiale de 1,5° C aura des effets dramatiques et dévastateurs, une hausse de 2° C rendra notre monde méconnaissable. Il est encore temps d’éviter le pire des scénarios, a déclaré Kumi Naidoo, secrétaire général d’Amnesty International.
« Le monde s’est déjà réchauffé de plus de 1° C et nous voyons les souffrances engendrées – des canicules mortelles dans l’hémisphère nord aux cyclones destructeurs balayant l’Asie du Sud-Est. Le rapport du GIEC ne laisse pas de place au doute : l’objectif de 1,5° C n’est plus une aspiration, c’est une nécessité absolue, et notre meilleur espoir si nous voulons avoir une chance de protéger les droits humains au cours des prochaines années. »
Aux termes de l’Accord de Paris de 2015, 197 pays se sont mis d’accord sur l’objectif à long terme consistant à maintenir la hausse de la température mondiale moyenne nettement en-dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels. Ils se sont également fixés comme objectif de limiter cette hausse à 1,5° C.
Le rapport du GIEC précise les différences énormes entre les deux scénarios – hausse de 1,5° C ou de 2° C. Par exemple, il prévoit que d’ici à 2100, si le réchauffement est de 1,5° C et non de 2° C, le niveau de la mer montera d’environ 10 centimètres de moins, ce qui permettrait à 10 millions de personnes d’échapper aux risques afférents, comme les décès et les déplacements causés par les inondations.
Amnesty International demande aux États d’adopter des mesures d’atténuation du changement climatique qui limiteraient le réchauffement à 1,5° C au-dessus des niveaux de l’ère préindustrielle et invite les gouvernements à ne plus – ou presque – dépendre des techniques d’élimination du carbone. Les technologies actuellement disponibles auraient très certainement des impacts néfastes sur les droits humains. Les techniques de bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS en anglais) nécessitent d’énormes quantités d’eau et surfaces de terres – ce qui veut sans doute dire des expulsions forcées, des pénuries d’eau et de nourriture et des hausses des prix, entre autres écueils.
Le rapport du GIEC explique qu’il faut notamment accélérer la réduction des émissions, afin de limiter la dépendance à l’élimination du carbone et d’éviter les techniques de bioénergie avec capture et stockage du carbone.
« Laisser les émissions monter en flèche et s’attendre ensuite à ce que les personnes déjà marginalisées souffrent encore davantage afin de réparer les dommages causés est une solution à la fois paresseuse et non viable. Comme d’habitude, ce seront les plus défavorisés qui paieront le prix de la cupidité et de la myopie des gouvernements les plus riches », a déclaré Kumi Naidoo.
Les mesures d’atténuation du changement climatique qui ne respectent pas les droits humains se traduisent déjà par des violations. En mai 2018, Amnesty International a dévoilé que les membres du peuple autochtone Sengwer dans la forêt Embobut, au Kenya, ont été contraints de quitter leur foyer, parfois sous la menace d’armes à feu, et dépossédés de leurs terres ancestrales en raison de la volonté du gouvernement de réduire la déforestation. Il accuse en effet les Sengwers de nuire à la forêt, sans fournir aucun élément venant étayer cette allégation.
De tels projets devraient toujours inclure des évaluations d’impacts en termes de droits humains avant d’être réalisés, afin de jauger de manière précise les préjudices potentiels.
« Protéger les droits humains et protéger la planète vont de pair, et cela suppose de s’efforcer de limiter les émissions en amont, avant qu’elles ne se produisent, a déclaré Kumi Naidoo.
« Les gouvernements devraient concentrer leurs efforts pour faire décliner au maximum les émissions, aussi rapidement que possible, tout en respectant les droits humains, en vue d’éviter les pires effets des changements climatiques comme des stratégies d’élimination du carbone. »