L’arrêt rendu mardi 8 avril 2014 par la Cour suprême des Philippines, qui a jugé constitutionnelle une loi historique sur la santé reproductive, est une importante victoire pour les millions d’habitantes de ce pays, a déclaré Amnesty International.
Cette décision, qui entraîne l’obligation pour le gouvernement de fournir une contraception gratuite aux millions de femmes les plus pauvres du pays, est saluée par les militants philippins.
« L’arrêt de la Cour suprême est une victoire pour l’indépendance de la justice et permettra à des millions de femmes et de filles d’avoir accès aux services médicaux et aux informations dont elles ont besoin », a déclaré Hazel Galang-Folli, chercheuse d’Amnesty International sur les Philippines.
« Les autorités philippines doivent résister à toutes les tentatives de revenir sur cette loi historique relative aux droits sexuels et reproductifs. Céder aux pressions reviendrait à priver les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux. »
Toutefois, quelques concessions décevantes ont été consenties, dont certaines sont contraires aux obligations internationales des Philippines en matière de droits humains. Au total, huit dispositions ont été jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême – dont des dispositions clés qui auraient interdit aux professionnels de la santé de refuser de fournir des services de santé reproductive et imposé à tous les établissements médicaux privés de proposer des méthodes de planification familiale.
Dans ce pays dont 80 % de la population est catholique, les sondages ont montré que 72 % des habitants étaient favorables à cette loi.
« Cette loi n’est pas parfaite, mais elle ouvre la voie à la suppression de certains des obstacles qui existent actuellement en matière de protection du droit des femmes et des filles de recevoir les soins nécessaires dans le domaine de la santé sexuelle, reproductive et maternelle. L’enjeu va maintenant être de veiller à ce que cette loi soit correctement appliquée et à ce que des moyens suffisants soient alloués à sa mise en œuvre concrète et efficace », a déclaré Hazel Galang-Folli.
Complément d’information
Parmi les changements notables apportés à la loi, on peut citer le rejet de l’article 23, qui aurait interdit aux professionnels de la santé de refuser d’offrir des services de santé reproductive – ou de refuser d’orienter les patients vers d’autres professionnels susceptibles de leur fournir de tels services. L’article 23 aurait aussi autorisé les personnes mariées à entreprendre des démarches en matière de santé reproductive sans l’autorisation de leur conjoint.
La Cour suprême a également déclaré inconstitutionnel l’article 7, qui aurait imposé aux établissements médicaux privés, y compris ceux qui appartiennent à des groupes religieux, de proposer des méthodes de planification familiale (consultations médicales, contraceptifs, procédures, etc.). Cet article aurait aussi permis aux filles de moins de 18 ans qui sont déjà mères ou qui ont subi une fausse-couche de bénéficier de méthodes de planification familiale modernes, telles que la contraception, sans avoir besoin de l’autorisation écrite de leurs parents.
À cause de la suppression de ces dispositions, des femmes et des adolescentes risquent de ne pas pouvoir bénéficier des services dont elles ont besoin et auxquels elles ont légalement droit. L’État philippin doit, au minimum, respecter ses obligations internationales relatives aux droits humains et veiller à ce que le pays dispose de professionnels prêts à fournir ces services et en capacité de le faire. Il doit également faire en sorte que l’autorisation obligatoire du conjoint ou des parents n’empêche pas les femmes et les adolescentes d’accéder aux services de santé sexuelle et reproductive.
Concernant les avancées, cette loi va non seulement permettre aux établissements médicaux publics de distribuer des contraceptifs, mais aussi introduire l’éducation à la santé reproductive dans toutes les écoles du pays, qui est l’un des États d’Asie dont le taux de natalité est le plus fort (aux alentours de 25 pour 1 000). Les Philippines doivent veiller à ce que cette éducation à la santé reproductive soit conforme à leurs obligations internationales relatives aux droits humains, notamment à ce que les informations fournies soient exactes et exhaustives et comprennent une promotion de l’égalité des genres.