© NOEL CELIS/AFP/Getty Images

Philippines. Dans le cadre de la réponse à la pandémie de COVID-19, le président donne l’ordre de « tirer pour tuer »

En réaction aux ordres donnés par le président Rodrigo Duterte à la police, aux responsables de l’armée et aux chefs des barangays (communes ou quartiers) de tirer sur les « fauteurs de troubles » manifestant durant la quarantaine et en réaction aux informations faisant état de nouvelles arrestations pour violations de la quarantaine et de la détention de 21 habitants d’un village de Quezon City qui demandaient des secours au gouvernement local en lien avec la quarantaine imposée dans leur communauté, Butch Olano, directeur d’Amnesty International Philippines, a déclaré :

« Il est très inquiétant que le président Rodrigo Duterte étende la politique du " tirer pour tuer ", marque de fabrique dévastatrice de sa présidence, aux organes chargés du maintien de l’ordre dans le cadre de la quarantaine imposée aux communautés. Une force meurtrière et incontrôlée ne devrait pas être présentée comme un moyen de faire face à une urgence telle que la pandémie de COVID-19.

« Les méthodes violentes employées pour sanctionner les personnes accusées d’avoir enfreint la quarantaine et le grand nombre d’arrestations massives qui ont principalement visé jusqu’à présent des personnes pauvres, illustrent l’approche répressive choisie par le gouvernement contre celles et ceux qui ont bien du mal à répondre à leurs besoins essentiels.

« La police a notamment dispersé avec violence les habitants de San Roque, à Quezon City, qui manifestaient contre l’absence d’aide d’urgence fournie par le gouvernement local. Les violences policières pour répondre aux appels à l’aide sont cruelles et injustifiables, surtout à la lumière d’une situation qui prive des millions de Philippins de la possibilité de gagner leur vie.

« Nous demandons au président de revenir immédiatement sur ses propos dangereux incitant à user de violence contre les personnes qui pourraient critiquer le gouvernement durant la pandémie de COVID-19. Le gouvernement local doit ouvrir le dialogue avec les habitants et apporter une aide indispensable, particulièrement aux populations les plus démunies. En outre, les organismes compétents doivent enquêter sur les membres des forces de police ayant recouru à une violence disproportionnée, libérer les habitants de San Roque en état d’arrestation et enquêter dûment sur cet événement. La vie des personnes les plus à risque doit être une question prioritaire, dans le but de réduire la menace du virus. »

Complément d’information

Le 1er avril 2020, dans une allocution télévisée, le président Rodrigo Duterte a menacé ceux qui pourraient causer des « troubles » pendant la quarantaine décrétée face à la pandémie de COVID-19. Faisant allusion à la gauche politique, mais aussi semble-t-il à celles et ceux qui seraient tentés de contester ou de remettre en cause les mesures gouvernementales, il a ouvertement donné l’ordre à la police, à l’armée et aux responsables locaux de les abattre : « Je n’hésiterai pas. Mes ordres sont adressés à la police et à l’armée, ainsi qu’aux chefs des barangays : en cas de troubles ou si une situation se présente où des personnes se battent et que vos vies sont en jeu, tuez-les. Vous comprenez ? Tuez-les. Au lieu de causer des ennuis, je vous enverrai dans la tombe. »

D’après les dernières informations de la police nationale des Philippines, plus de 17 000 personnes ont déjà été arrêtées pour avoir enfreint les ordonnances liées au confinement et au couvre-feu instaurés dans diverses régions du pays, notamment dans le Grand Manille, en réponse à la pandémie. Étant donné les risques élevés de transmission du COVID-19 dans les lieux de détention, prononcer des peines de prison pour faire appliquer les restrictions liées à la quarantaine au nom de la protection de la santé publique est contre-productif et donc disproportionné. Des informations font également état de sanctions inhumaines infligées à ceux qui enfreignent les mesures de quarantaine, notamment en les faisant asseoir pendant des heures en plein soleil ou en les enfermant dans des cages pour chiens.

Le 1er avril 2020, les habitants du village de San Roque, à Quezon City, se sont rassemblés le long d’une portion de l’EDSA, un axe majeur du Grand Manille, lorsqu’ils ont appris que des articles de secours allaient y être distribués. Selon l’organisation Save San Roque Alliance, la distribution n’ayant pas lieu, ils ont décidé de rester dans le secteur et ont organisé une manifestation pour réclamer l’aide du gouvernement de Quezon City. Des policiers leur auraient demandé de partir et, selon certaines informations, les ont arrêtés lorsqu’ils ont refusé d’obtempérer.

Toutefois, l’alliance des habitants a déclaré que la police a recouru à la violence pour disperser les manifestants et leur a asséné des coups de bâton. D’après un représentant avec lequel Amnesty International s’est entretenue, figurait parmi les victimes un homme avec son bébé qui était venu là pour récupérer une aide financière de son entreprise, dont le bureau se trouve aussi le long de l’EDSA. Le bébé aurait lui aussi été frappé lors des violences qui ont suivi.

Au total, 21 manifestants ont été conduits et détenus au siège de la police de Quezon City. Leurs soutiens et leurs proches n’ont pas été autorisés à leur parler ni à leur apporter de quoi manger après plusieurs heures de détention, selon ce représentant de l’alliance des habitants.

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