La Journée internationale des personnes disparues du 30 août, a pour but de demander que justice soit rendue aux victimes de disparitions forcées (personnes ayant été privées de liberté par des agents de l’État ou par des individus opérant avec le soutien ou l’assentiment des pouvoirs publics) et pour lesquelles les autorités affirment tout ignorer de leur détention ou de leur sort.
Les disparitions forcées sont un crime que certains Etats utilisent comme moyen de répression, pour faire taire des dissidents, éliminer des opposants et/ou persécuter des groupes ethniques, religieux et politiques, l’Europe et l’Asie centrale ne faisant pas exception à la règle. Les disparitions forcées sèment la terreur au sein de la population et bouleversent la vie des proches des victimes. Elles limitent l’exercice des droits humains, plongent dans l’angoisse des familles entières, dans l’impossibilité de faire leur deuil et dans l’incapacité de faire la lumière sur le sort de leurs proches, la recherche de la vérité étant une mission périlleuse et pratiquement impossible, les autorités affirmant ne rien savoir et les pressions tant sur les familles que sur les avocats et les témoins étant nombreuses (harcèlement, actes d’intimidation).
La nature même de ces disparitions fait qu’il est difficile de déterminer précisément leur nombre. D’après des estimations établies à partir de données collectées par les Nations unies et par d’autres organisations, plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde en ont été victimes depuis la Seconde Guerre mondiale. Certaines disparitions ne sont jamais élucidées, et de nouveaux cas continuent à être signalés. Soustraits à la protection de la loi, les disparus sont à la merci de ceux qui les détiennent. Parmi les nombreux droits qui leur sont déniés figurent le droit à la sécurité et à la dignité, le droit de ne pas être arbitrairement privé de liberté, le droit à des conditions de détention humaines, le droit à une personnalité juridique et le droit à un procès équitable. Mais également le droit à une vie de famille, les droits de l’enfant, le droit à la liberté de penser, d’expression, de religion et d’association et le droit de ne pas être victime de discrimination. Le pire peut arriver aux personnes disparues et c’est souvent le cas : nombre d’entre elles sont torturées, voire tuées.
L’ampleur des disparitions forcées et le contexte dans lequel elles s’inscrivent varient, mais toutes présentent des aspects communs qui en font un crime bien particulier et l’une des violations des droits humains les plus graves qui soient.
Les opposants à certains gouvernements s’exposent à des disparitions forcées ; ce sont les disparitions à caractère politique. Ce fut le cas par exemple au Turkménistan où des dizaines de personnes ont « disparu » à la suite de procès iniques en décembre 2002 et janvier 2003 et en Biélorussie où 4 hommes ont disparu sans laisser de traces en 1999 et 2000 et pour lesquels la présomption d’une exécution sommaire juste après leur disparition est forte. Malgré les pressions exercées sur les autorités biélorusses par la communauté internationale, aucune enquête sur ces disparitions forcées n’a vu le jour. Au cours de certains conflits armés, les disparitions forcées sont utilisées comme arme de guerre, parfois à très grande échelle, pour assurer la domination d’un groupe ethnique, religieux ou politique. Ce fut le cas lors du conflit au Kosovo en 1999 durant lequel plus de 3 000 albanais ont été victimes de disparitions forcées imputables à la police, aux groupes paramilitaires et à l’armée serbe. Nombre de familles du Kosovo ignorent toujours ce que sont devenus certains de leurs proches. Peu de poursuites judiciaires ont été engagées et l’impunité dans cette partie du monde perdure. Des disparitions forcées ainsi que d’autres graves violations des droits humains surviennent souvent lors d’opérations anti-insurrectionnelles ou antiterroristes, comme par exemple dans le cadre du programme mondial de « restitutions » et de détentions secrètes de la CIA aux Etats-Unis, mis en place suite aux attentats de 2001 ; de nombreuses personnes ont été victimes de disparitions forcées et maintenues secrètement en détention dans des prisons ou des sites secrets, soustraites à la protection de la loi. Certains pays tels la Pologne ou l’Allemagne ont été impliqué dans ces restitutions et des enquêtes, à l’issue incertaine, ont été ouvertes.
Une Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a vu le jour et a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 2006. Élaborée à partir de l’expérience des familles de disparus, avec le soutien d’organisations de défense des droits humains comme Amnesty International et l’appui de certains États, la Convention décrit les violations liées aux disparitions forcées et les problèmes que rencontrent les personnes cherchant à enquêter sur celles-ci et à amener les responsables présumés à rendre des comptes. Ce traité international est le premier à reconnaître aux familles de victimes le droit de connaître le sort de leur proche disparu et d’obtenir réparation. Les États parties à la Convention sont tenus de protéger les témoins et d’engager des poursuites pénales contre toute personne soupçonnée d’être impliquée dans une disparition forcée. Ils doivent instituer des garanties strictes pour protéger les personnes privées de liberté, engager des recherches pour retrouver la trace des personnes disparues et, en cas de décès, localiser leurs restes et les restituer aux familles. De plus, ils ont l’obligation de poursuivre ou d’extrader les responsables présumés de ces disparitions se trouvant sur leur territoire, indépendamment du lieu où le crime a été commis, à moins qu’ils ne décident de remettre les suspects à une juridiction pénale internationale.
Actuellement seules neuf ratifications manquent pour que cette Convention entre en vigueur. Chaque État devrait la ratifier dès que possible, montrant ainsi clairement que les disparitions forcées ne sauraient être tolérées et offrant aux personnes à la recherche de ceux qui leur sont chers un outil dont elles ont le plus grand besoin.
Sur les 47 États membres que compte le Conseil de l’Europe, seuls l’Albanie, la France et le Kazakhstan ont ratifié à ce jour la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Pour plus de détails : http://www.amnesty.org/fr/enforced-… http://www.icaed.org