Le jugement de culpabilité prononcé mardi 2 juin 2015 à l’encontre d’un opposant au Myanmar pour « insulte à la religion » est un sérieux coup porté à la liberté d’expression et à la tolérance religieuse dans le pays, a déclaré Amnesty International. Htin Lin Oo, écrivain et ancien responsable de l’information au sein de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), principal parti d’opposition au Myanmar, a été reconnu coupable et condamné mardi 2 juin à une peine de prison de deux ans assortie de travaux forcés par un tribunal de la région de Sagaing. Il a été condamné pour avoir prononcé un discours en octobre 2014, dans lequel il critiquait l’utilisation que certains font de la religion afin de promouvoir la discrimination. Peu après, un montage vidéo de 10 minutes de ce discours a été diffusé sur les médias sociaux et a provoqué l’indignation de certains groupes bouddhistes nationalistes, ce qui a conduit à l’arrestation de Htin Lin Oo. Il a été acquitté d’un deuxième chef d’accusation, avoir « heurté les sentiments religieux ». « Le jugement rendu aujourd’hui est un nouveau coup porté à la liberté d’expression au Myanmar et doit être annulé immédiatement. Htin Lin Oo n’a rien fait d’autre que de prononcer un discours prônant la tolérance religieuse. Nous le considérons comme un prisonnier d’opinion qui doit être libéré sans conditions, a déclaré Rupert Abbott, directeur des recherches pour la région Asie du Sud-Est et Pacifique à Amnesty International. « Cette décision de justice nous rappelle tristement que le gouvernement du Myanmar continue de s’appuyer sur une série de lois draconiennes pour réduire au silence et enfermer ses détracteurs. Malgré les promesses de libérer les prisonniers d’opinion incarcérés dans les geôles birmanes, les arrestations de militants pacifiques se sont en fait accélérées de manière alarmante depuis deux ans. » Les groupes bouddhistes extrémistes qui prônent un programme nationaliste ont gagné en influence au Myanmar ces dernières années. Ils sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux, où le discours de Htin Lin Oo a été pour la première fois diffusé auprès d’un large public, et ont joué un rôle clé dans les poursuites engagées à son encontre. Des ONG birmanes et internationales ont fait part de leurs préoccupations concernant les groupes bouddhistes extrémistes, dont les propos incendiaires incitent à l’hostilité, à la violence et à la discrimination à l’égard des populations non-bouddhistes, en particulier des musulmans Rohingyas, minorité en butte à une discrimination systématique au Myanmar depuis des dizaines d’années. « L’influence croissante des nationalistes bouddhistes extrémistes et leurs discours de haine sont très inquiétants. Au lieu de prendre des mesures contre l’incitation à la discrimination et à la violence que distillent ces groupes, le gouvernement semble déterminé à aggraver le problème en emprisonnant ceux qui dénoncent l’intolérance religieuse, à l’instar de Htin Lin Oo », a déclaré Rupert Abbott.