Manifestations pour la justice raciale suite à la mort de George Floyd lors d'un violent affrontement avec la police dans le Minnesota. Centre de Washington, DC, États-Unis, 3 juin 2020. © Amnesty International (Photo: Alli Jarrar)

Luxembourg, le 26 juin 2010 : Journée internationale de soutien aux victimes de la torture

A Rudni, dans le nord du Kazakhstan, Bassim Baïramov a été conduit en juillet 2008 au poste de police, les policiers devant « lui parler ». Selon Bassim, ces derniers ne se sont pas contentés de paroles mais l’ont sévèrement battus : coups de poing et de pied sur tout le corps, coups avec une chaise, pose d’un masque à gaz dont l’alimentation en air avait été coupée. Les policiers souhaitaient faire avouer à Bassim, ainsi qu’à l’un de ses amis, qu’ils avaient dérobé dans un magasin des environs de l’argent et trois bouteilles de bière, ce que les deux hommes niaient. Toutefois, après 48h00 de passages à tabac, de privation de sommeil et de menaces envers leur famille, les deux hommes ont signé des « aveux ». La torture est une pratique qui demeure, hélas, très répandue et l’histoire de Bassim et de son ami n’est qu’un exemple de torture parmi tant d’autres. La torture est un crime contre la personne, au même titre que le meurtre ou les violences physiques graves. Dans tous les cas, la torture a pour but, au travers de la cruauté, des menaces, des coups, des décharges électriques, des sévices sexuels, des douleurs épouvantables infligées, de l’atteinte à l’intimité même de la victime, de la réduire à la soumission. Cette pratique ignoble n’est pas seulement le fait de certains Etats, de certains gouvernements, de certains groupes armés, mais également de simples particuliers. La torture ne connaît pas de frontières et revêt mille visages. Pourtant, aux termes du droit international, la torture et les mauvais traitements sont prohibés en tous temps et en toutes circonstances. Depuis la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui énonce que nul se sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de nombreux autres instruments internationaux ou régionaux relatifs aux droits humains ont été adoptés (Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966, Convention européenne des droits de l’homme de 1950, Convention américaine relative aux droits de l’homme de 1969 par exemple). Ces textes, approuvés dans le cadre des Nations unies ou d’organisations intergouvernementales régionales comme par exemple l’Union africaine, l’Organisation des Etats américains ou le Conseil de l’Europe, fixent un certain nombre de normes auxquelles doivent se conformer les gouvernements et, indirectement, les particuliers. Ce 26 juin 2010 marque le 23ème anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée en 1984 et ouverte à la signature et la ratification à l’issue d’une longue campagne menée par Amnesty International et d’autres organisations. Son adoption a contribué à la rédaction de traités régionaux interdisant la torture et la torture a été incluse comme crime de guerre et crime contre l’humanité dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. A ce jour, 146 Etats ont ratifié cette Convention et 51 Etats (dont le Luxembourg le 19 mai dernier) ont ratifié le Protocole facultatif à cette Convention (OPCAT) adopté le 18 décembre 2002 et qui crée un système de visites régulières sur les lieux où des personnes sont privées de liberté, effectuées par des organes nationaux et internationaux composés d’experts indépendants. Pour autant, malgré tous les efforts engagés, tous les instruments créés pour lutter contre la torture, celle-ci n’a toujours pas disparu. La lutte pour faire respecter l’interdiction absolue de la torture et autres mauvais traitements continue d’être contestée par certains Etats, des groupes et même des universitaires qui tentent de l’affaiblir en affirmant, contre toute évidence, que l’interdiction n’est pas absolue, qu’elle ne s’étend pas aux mauvais traitements ou qu’il y a moyen de concilier interdiction absolue de la torture et impunité pour les tortionnaires. La « guerre au terrorisme » engagée par les Etats-Unis suite aux événements du 11 septembre 2001 en est un des exemples les plus parlants. Le combat pour débarrasser le monde de la torture et autres mauvais traitements est loin d’être gagné, mais l’horreur qu’ils inspirent incite de plus en plus l’opinion à réagir. Dans ses trois campagnes mondiales pour l’abolition de la torture de 1972, 1984 et 2000, Amnesty International a dénoncé des cas de torture et de mauvais traitements, a insisté sur la prévention de la torture en mettant sur pied un programme en 12 points résumant les principales mesures à prendre pour empêcher que des personnes ne soient torturées et a insisté sur le renforcement de la collaboration entre les ONG locales et internationales en matière de lutte contre la torture, contribuant ainsi de manière significative au combat contre la torture. Cette journée internationale de soutien aux victimes de la torture de ce 26 juin ne doit pas être une journée consacrée à se souvenir passivement mais une journée d’action : les gouvernements et les citoyens des pays du monde entier devraient œuvrer pour éradiquer ces pratiques cruelles et inhumaines que sont la torture et les mauvais traitements. Les Etats des diverses parties du monde doivent prendre leurs obligations internationales au sérieux. Il est temps que les tortionnaires fassent face aux conséquences de leurs actes, que les victimes ne soient plus abandonnées à leurs souffrances. Leur torture doit cesser, leurs tortionnaires doivent être punis et leur droit à réparation doit être respecté.