Current regulations ban countries in the European Union from exporting goods such as restrain chairs.© Eric Tadsen, courtesy of The Progressive magazine

L’UE doit remédier aux lacunes de la réglementation du commerce de la torture

L’Union européenne (UE) doit sans délai renforcer sa législation afin de permettre aux États membres d’interdire le commerce de nouveaux équipements et technologies n’ayant pas d’autre usage que d’infliger la peine capitale, la torture ou des mauvais traitements, ont déclaré Amnesty International et l’Omega Research Foundation, alors que des experts se réunissent mardi 29 juillet à Bruxelles pour durcir les réglementations en vigueur.

Les deux organisations demandent aussi à l’UE de combler les lacunes juridiques qui permettent dans les faits de prom ouvoir, négocier et fournir des formations techniques sur les équipements et technologies susceptibles d’être utilisés par les responsables de l’application des lois aux fins de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

" La réglementation européenne contre le commerce des biens utilisés à des fins de torture est révolutionnaire et unique au monde, mais des failles demeurent, a déclaré Brian Wood, responsable du programme Contrôle des armes et droits humains à Amnesty International.

" La gamme des articles déjà interdits compose une véritable chambre des horreurs : poucettes, chaises d’immobilisation, matraques métalliques et systèmes permettant d’administrer des injections létales, pour n’en citer que quelques-uns. Toutefois, ce n’est pas en se contentant d’étendre les listes de contrôle tous les deux ou trois ans que l’UE pourra proscrire les nouveaux équipements et technologies destinés à la torture. "

" C’est une première mesure importante dans la refonte tant attendue du contrôle de ce commerce. Les experts de l’UE qui se réunissent aujourd’hui ont l’occasion de mieux protéger les citoyens à travers le monde contre les technologies liées à la torture et à la peine de mort, en comblant des lacunes connues de la loi et en veillant à ce que les entreprises européennes ne se rendent pas complices d’atteintes aux droits humains perpétrées à l’aide de ces instruments ", a déclaré Michael Crowley, chercheur associé à l’Omega Research Foundation.

La nouvelle réglementation juridiquement contraignante adoptée par l’UE le 16 juillet étend la liste des biens utilisés aux fins de torture qui doivent être interdits et la liste des équipements de sécurité devant faire l’objet de contrôles stricts. Elle renforce la première législation adoptée en juin 2005, mais les représentants de l’UE débattent encore de modifications à apporter aux mécanismes de contrôle afin d’empêcher les entreprises de faire le commerce de biens conçus pour la torture ou l’exécution d’êtres humains. Parmi la liste élargie des biens ne pouvant plus être exportés par les entreprises ou les citoyens de l’UE figurent :

  •  les biens utilisés pour procéder à des exécutions, notamment : potences et guillotines, chaises électriques, chambres hermétiques conçues pour l’administration d’un gaz mortel, systèmes d’injection automatique conçus pour l’exécution d’êtres humains par l’administration d’un agent chimique mortel ;
  • les équipements de contrainte, notamment : les poucettes, les menottes pour les doigts et les vis pour les pouces et les doigts, les chaînes, les entraves lestées pour les jambes, les chaises d’immobilisation, les panneaux et lits équipés de menottes, et les lits-cages ;
  • les boucliers et matraques métalliques hérissés de pointes, les fouets à lanières multiples. La liste des biens dont l’exportation est strictement contrôlée recouvre une gamme élargie d’équipements de sécurité pouvant être utilisés de manière légitime pour maintenir l’ordre, mais susceptibles d’être utilisés de façon abusive à des fins de torture et de mauvais traitements, tels que :
  • les dispositifs incapacitants à décharge électrique ciblant une personne et désormais les dispositifs destinés à infliger des décharges électriques à des groupes de personnes ;
  • les équipements destinés à lancer des agents chimiques incapacitants ou irritants sur des individus à des fins de lutte contre les émeutes, ainsi que les dispositifs qui diffusent ces agents chimiques sur de vastes zones ;
  • les entraves et les chaînes multiples.

Les experts se penchent aujourd’hui sur les mécanismes de contrôle de la réglementation, et remettront au Parlement européen et au Conseil de l’Europe un projet qui sera examiné dans les trois prochains mois.

Les lacunes précises identifiées par Amnesty International et l’Omega Research Foundation permettent aux entreprises enregistrées au sein de l’UE de :

  • vendre des instruments de torture à des pays tiers hors de l’UE tant qu’ils ne touchent pas le sol de l’UE ;
  • promouvoir des instruments de torture dans les foires et expositions d’armement de l’UE ;
  • fournir une assistance technique, notamment une formation aux techniques susceptibles de faciliter la torture et les autres mauvais traitements ;
  • introduire sur le marché de nouveaux dispositifs et technologies et les proposer aux responsables de l’application des lois, même s’il y a de fortes probabilités qu’ils soient utilisés dans le cadre d’exécutions, de torture ou d’autres mauvais traitements.

Complément d’information

Les 28 et 29 juillet, le Groupe de travail sur le Commerce du Conseil de l’UE se réunit pour examiner, entre autres, des propositions d’amendements au règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil concernant " le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ".

En adoptant ce règlement en juin 2005, l’UE s’est dotée d’un texte sans précédent et contraignant sur le commerce d’équipements souvent utilisés pour infliger la peine capitale, la torture et les mauvais traitements (" instruments de torture "), mais que les États membres de l’UE n’incluent généralement pas dans leurs listes de contrôle d’exportation de biens militaires, à double usage ou stratégiques.

Amnesty International, en collaboration avec l’Omega Research Foundation, a publié trois rapports en 2007, 2010 et 2012, qui mettent le doigt sur des lacunes spécifiques dans la réglementation de l’UE et sur des omissions dans les listes des biens interdits et contrôlés, qui ont permis au commerce d’" instruments de torture " et de certaines substances utilisées pour infliger la peine capitale de se poursuivre.

No more delays: Putting an end to the EU trade in "tools of torture", ACT 30/062/2012, 29 juin 2012 

Europe: From words to deeds: Making the EU ban on the trade in ‘tools of torture’ a reality, EUR 01/004/2010, 17 mars 2010 .

European Union: Stopping the Trade in Tools of Torture, POL 34/001/2007, 27 février 2007

La sensibilisation effectuée au niveau de l’UE autour du rapport de 2010 a débouché en 2011 sur la décision de la Commission européenne d’étoffer les deux listes afin d’y inclure d’autres équipements, par exemple les substances destinées à des exécutions. Toutefois, les experts ont reconnu que cela restait insuffisant pour juguler ce commerce et la Commission a entrepris une révision globale de la réglementation.

Le 16 juillet 2014, la Commission a adopté le Règlement d’exécution (UE) n° 775/2014 qui a allongé la liste des biens interdits et contrôlés couverts par le règlement.