Luxembourg, le 8 octobre 2018. En réponse à l’Agenda des droits humains d’Amnesty International Luxembourg, les partis politiques luxembourgeois ont présenté leur position sur quatre sujets clés : la protection des défenseur·e·s des droits humains, la responsabilité des entreprises et des banques, les droits des réfugié·e·s et la protection des femmes victimes de violence.
« Par les temps qui courent et au vu de la dégradation des droits humains que nous observons dans de nombreux pays, il est primordial que les partis politiques luxembourgeois se positionnent de manière franche et ferme », a déclaré David Pereira, président d’Amnesty International Luxembourg. « Pourtant, s’il est positif que tous les partis politiques qui ont pris position se disent aux côtés des défenseurs des droits humains, leur engagement reste malheureusement trop vague – en particulier en ce qui concerne les plus grands partis ».
À l’occasion des élections législatives luxembourgeoises de 2018, la section luxembourgeoise d’Amnesty International avait partagé ses recommandations avec les partis candidats à la Chambre des députés ainsi qu’avec les électeurs et électrices. Seul l’ADR et déi Konservativ [rectification du 09/10/2018 : nous avons à tort nommé le PID et le Parti Pirate ici, voir explication ci-dessous] n’ont pas répondu à la demande de se positionner par rapport à l’Agenda des droits humains.
« Le fait que certains partis politiques n’ont même pas répondu à notre demande de présenter leur position à propos des droits humains en dit long. Il manque également des engagements concrets, notamment à propos de la responsabilité des entreprises. C’est ainsi que seul un parti a abordé le sujet du financement d’armes illégales ou destinées à un usage illégal », a ajouté Stan Brabant, directeur d’Amnesty International Luxembourg.
L’Agenda des droits humains, développé en collaboration avec des activistes d’Amnesty International, propose des solutions aux défis actuels qui menacent les libertés et les droits fondamentaux, au Luxembourg et ailleurs. Il constitue un programme à long terme dont Amnesty International Luxembourg souhaite assurer le suivi dans les années à venir avec le nouveau gouvernement et la Chambre des députés.
Il est important de garder à l’esprit que les partis politiques ont répondu de manière très variable et ne se sont pas prononcés par rapport à l’ensemble des recommandations de l’Agenda des droits humains. Fidèle au principe d’impartialité et à son caractère non partisan, Amnesty International Luxembourg n’appelle pas à voter pour ou contre un parti politique.
Promouvoir une protection effective des défenseur·e·s des droits humains dans le monde
Tous les partis politiques soulignent l’importance des droits humains et de ses défenseurs, et ce même s’il convient de noter des différences en termes de raisonnement et de formulations. Ainsi, le LSAP et le CSV soulignent la responsabilité de la politique étrangère pour les droits humains. Déi gréng et déi Lénk vont plus loin : déi gréng en demandant que les relations bilatérales soient « soumises à des critères clairs relatifs aux droits de l’homme », tandis que déi Lénk appelle le Luxembourg à « conditionner la nature des relations diplomatiques et économiques avec des pays tiers au [strict] respect des droits humains ». Le parti Piraten envisage quant à lui d’ « envoyer des observateurs des droits humains sur chaque mission diplomatique ». Le DP mentionne la promotion des droits humains, mais uniquement au regard de l’aide au développement. Le LSAP, le DP et le CSV citent les projets « Protect.Defenders.eu » et « Shelter Cities » comme autant de mécanismes de protection positive.
Déi Lénk, déi gréng et le parti Piraten se prononcent pour une législation qui protège les lanceurs d’alerte. Le CSV et le DP font référence à la législation existante, le CSV n’est cependant « pas fermé au dialogue » et le DP « soutient les travaux du gouvernement à étendre le champ d’application ». Le KPL se positionne en lutte pour les droits économiques, sociaux et culturels comme le droit au travail, le droit à la santé et le droit à l’éducation, mais ne propose pas de projets concrets.
Garantir la responsabilité des entreprises et des banques domiciliées et basées au Luxembourg en matière de droits humains
Déi Lénk est le seul parti à demander une interdiction stricte « de toute activité financière liée à des armes illégales ou [destinée] à un usage illégal ».
Le LSAP, déi Lénk, le CSV, le DP et le parti Piraten font tous référence au Plan d’action (PAN) national du Luxembourg sur la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Déi Lénk demande l’élaboration d’un PAN II « qui soit plus conséquent et qui aille plus loin dans l’engagement pour les droits humains ». Déi Lénk, déi gréng et le LSAP se prononcent en plus en faveur de l’introduction d’un devoir de vigilance pour les entreprises afin qu’elles respectent les normes des droits humains, et ce même si ces trois partis diffèrent sur les détails de ce devoir de vigilance. Le CSV veut assurer la responsabilité des entreprises en termes de respect des droits humains par la loi si le PAN devait « prouver l’inefficacité de l’engagement volontaire des entreprises ». Le DP souligne que la responsabilité sociale offre des réels avantages concurrentiels pour les entreprises tandis que le KPL demande la nationalisation des banques afin de limiter, voire même d’éliminer, des « opérations pour le moins immorales ».
Protéger les droits des réfugié·e·s au Luxembourg et ailleurs
Tous les partis politiques qui ont répondu se prononcent pour une amélioration des conditions d’accueil au Luxembourg, notamment pour les mineurs non-accompagnés et en regard de l’accès au marché du travail. déi gréng veut en outre que les réfugiés puissent s’occuper « de manière autonome et responsable de leurs vêtements et de leurs repas » et déi Lénk demande l’interdiction des « tests osseux utilisés sur les jeunes étrangers isolés pour déterminer leur minorité ou leur majorité ». Ce dernier parti veut également abolir la rétention administrative en cas de séjour irrégulier, contrairement au CSV qui ne voit pas une possibilité « de se priver complètement du centre de rétention ». Déi gréng souhaite en plus que « sous certaines conditions, comme p.ex. dans le cas où un réfugié suit une formation professionnelle au Luxembourg, les personnes disposant d’un permis de séjour provisoire sur une longue période devraient pouvoir rester de manière permanente » au Luxembourg. Le parti Piraten veut que « chaque demande de protection doit avoir une réponse dans les 6 mois. Si après 12 mois aucune décision n’a été prise, la demande devra être considérée comme acceptée. »
Le DP et le LSAP se prononcent pour la mise en place d’une politique effective de retours. Ce dernier veut de plus une réforme de la politique d’asile européenne et du système Dublin, « fondée sur le principe de la solidarité » tandis que déi Lénk envisage une « refonte complète » du système Dublin et la mise en place des voies d’accès sûres et légales pour les réfugiés. Déi Lénk s’engage par ailleurs « pour la fermeture de tous les centres d’expulsion et d’externalisation du contrôle migratoire financé par l’UE » et pour le retrait de l’agence FRONTEX (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures) « qui a un rôle principalement répressif ».
Le CSV mise sur le renforcement des frontières extérieures de l’Europe et considère une liste des « pays-tiers sûrs » comme étant utile, alors que déi Lénk souhaite l’abolir. Le parti Piraten plaide en faveur de la fin des abus et des atteintes contre les droits humains des réfugié·e·s et migrant·e·s issus des accords sur le contrôle des frontières.Le KPL se prononce pour le droit de circuler librement et critique « l’accord infâme avec la Turquie pour se débarrasser des réfugiés » ainsi que la « politique d’intervention néocolonialiste » de l’Union européenne mais ne mentionne pas de projets concrets.
Garantir la protection des femmes victimes de violence et œuvrer pour la prévention des violences domestiques
Tous les partis se disent sensibles au sujet de la violence à l’égard des femmes et le DP précise qu’il s’engage également contre la violence à l’égard des hommes. Les partis du gouvernement actuel (le DP, le LSAP et déi gréng) ainsi que le CSV rappellent la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) en juillet 2018, ainsi que d’autres mesures prises pendant cette dernière législature.
Déi gréng et le DP prévoient de renforcer le cadre légal par rapport aux violences domestiques. Le CSV, déi Lénk et déi gréng veulent améliorer l’accueil et l’accompagnement des femmes victimes de violences, le CSV et déi Lénk plaidant pour une attention accrue pour les personnes dans les situations les plus vulnérables comme les femmes migrantes.
Le DP veut abolir le délai de prescription de 10 ans pour les viols au Luxembourg et le CSV souscrit à la proposition d’Amnesty International de déplacer les dispositions relatives au viol « Des crimes et des délits contre l’ordre des familles et contre la moralité publique » du Livre Ii du Code pénal luxembourgeois et de les intégrer au niveau « Des crimes et des délits contre les personnes ». Le CSV envisage également d’élaborer des dispositions pénales relatives au harcèlement sexuel.
Déi Lénk précise que le fait qu’ « une éducation affective et sexuelle basée sur l’égalité de genre et de sexe soit dispensée et appliquée dans tous les établissements scolaires et structures de garde et/ou de loisirs extra-scolaires » est important pour la prévention des violences domestiques. Déi gréng veut « aussi mieux encadrer les auteurs de violences avec des concepts efficaces d’accompagnement et de traitement, afin d’éviter la récidive ». Le KPL souhaite par ailleurs lutter contre la violence en général en mettant fin à la banalisation de la violence dans les médias.
Le DP prévoit d’« évincer la prostitution des rues luxembourgeoises » et souhaite examiner si « une légalisation partielle de la prostitution dans des établissements déclarés et contrôlés par l’État peut aider à atteindre cet objectif ». Le DP ainsi que le KPL plaident pour les femmes et les hommes reçoivent un salaire égal pour un travail égal.
Les partis suivants ont été sollicités : l’ADR, le CSV, le DP, déi gréng, déi Konservativ, le KPL, déi Lénk, le LSAP, le Parti Pirate et le PID.
Vous trouverez l’Agenda des droits humains ainsi que les réponses complètes des partis politiques ici : https://www.amnesty.lu/elections2018/
Rectification du communiqué du 8 octobre
Nous devons rectifier une information de notre communiqué de presse du 8 octobre 2018 : en effet, la réponse du parti PIRATEN (coalition Piratepartei-PID) nous a malheureusement échappé alors qu’elle nous avait été envoyée le 2 octobre 2018. Nous regrettons l’effet potentiel que notre communiqué de presse a eu pour le parti et nous vous prions d’excuser cette erreur et les problèmes causés.
Le parti PIRATEN nous a fait remarquer cette erreur ce matin et nous a donc