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Les États-Unis ne doivent pas « ouvrir les vannes » de l’exportation d’armes vers l’Irak et la Syrie

Le Congrès américain risque de fournir de nouvelles armes à des forces et groupes armés présentant des bilans désastreux en termes de droits humains en Irak et en Syrie, s’il approuve les propositions de l’administration Obama qui suggèrent de se passer des critères de sélection de droits humains pour le transfert d’aide militaire, a déclaré Amnesty International à la veille d’un vote du Sénat sur une loi militaire majeure mardi 9 décembre 2014.

« Dans sa hâte dedégrader et détruire " le groupe armé de l’État islamique (EI), le gouvernement du président Barack Obama ne doit pas piétiner ses obligations internationales relatives aux droits humains, a déclaré Sunjeev Bery, directeur du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Amnesty International États-Unis.

« Si elles sont adoptées, ces propositions législatives pourraient ouvrir les vannes et mettre de nouvelles armes entre les mains de groupes armés qui commettent semble-t-il de graves atteintes aux droits humains en Irak comme en Syrie. »

La Loi de prérogatives de la défense nationale (NDAA) actuellement examinée par le Congrès permettrait au gouvernement de ne pas tenir compte des conditions de sélection relatives aux droits humains pour fournir des armes et des formations militaires américaines à des destinataires en Irak et en Syrie. Ces destinataires sont notamment l’armée et les forces de sécurité irakiennes, les forces de sécurité kurdes et tribales, et des forces de sécurité locales. Déjà approuvé par la Chambre des Représentants le 4 décembre, le projet de loi est sur le point d’être voté au Sénat.

Amnesty International exhorte le Congrès à rejeter ce texte législatif et à suivre de près les propositions législatives de la Maison-Blanche dans les mois qui viennent.

La Loi Leahy interdit de fournir la plupart des aides et formations militaires à des unités étrangères des forces de sécurité, de l’armée et de police soupçonnées de manière crédible d’avoir commis « des violations majeures des droits humains ». Le Traité sur le commerce des armes, que les États-Unis ont signé mais pas encore ratifié, oblige tous les gouvernements à évaluer le risque que présente un transfert d’armes, de munitions ou de composantes vers un pays et à l’interdire en cas de risque majeur qu’elles soient utilisées pour commettre des violations graves du droit international humanitaire ou relatif aux droits humains ou pour y contribuer.

« Les membres du Congrès doivent voter contre ces propositions figurant dans la NDAA et d’autres lois. Quelle que soit la forme sous laquelle est adopté ce type de législation, le Congrès doit surveiller étroitement la fourniture d’aide militaire par le gouvernement. Il doit pousser la Maison-Blanche et le Pentagone à veiller à ce que tous les destinataires étrangers soient contrôlés avec soin, dans le respect des lois américaines en vigueur », a déclaré Sunjeev Bery.

Amnesty International a recensé de graves atteintes au droit international humanitaire et relatif aux droits humains imputables aux forces étatiques, aux milices soutenues par l’État et aux groupes armés opérant en Irak et en Syrie. Une aide militaire américaine démesurée pourrait faire empirer la situation.

« Pour les victimes d’atrocités perpétrées durant le conflit armé, la couleur de l’uniforme des responsables n’a guère d’importance. Avant d’envoyer une nouvelle aide militaire en Irak, les autorités américaines doivent contrôler avec soin tous les destinataires, qu’il s’agisse ou non de forces soutenues par l’État, afin d’écarter tout risque que cette aide ne serve à commettre de nouvelles violations », a déclaré Sunjeev Bery. 

La prolifération des armes – notamment de stocks d’armes et de munitions fabriquées aux États-Unis – est déjà très préoccupante en Irak et en Syrie ; des armes et munitions sont détournées vers des groupes armés et des milices en raison du trafic illégal, de la corruption généralisée et des captures sur le terrain. Étant donné le passé marqué par la prolifération d’armes et le fort risque actuel de détournement, les États-Unis, ainsi que tous les fournisseurs d’armes et de munitions de la région doivent faire preuve d’une extrême prudence.

Tout nouveau transfert d’armes vers la région risque de contribuer à de graves violations des droits humains, si des garanties adéquates ne sont pas mises en place, notamment :

  •   Un registre détaillé de toutes les armes et munitions envoyées dans la région.
  •    Des enquêtes efficaces et la vérification du bilan des droits humains des destinataires potentiels de formation ou d’armes.
  •   L’évaluation de la chaîne de commandement et des mécanismes d’obligation de rendre des comptes afin de garantir que les armes et les équipements fournis soient gérés et utilisés de manière légale.
  •    Les formations dispensées par les États-Unis aux forces et groupes armés doivent respecter le droit international humanitaire et relatif aux droits humains.
  •   Un système approprié de stockage et d’enregistrement de toutes les armes, munitions et équipements connexes, qui rende également compte de leur utilisation par les combattants et les responsables de l’application des lois.
  •   Un marquage réel de toutes les armes, munitions et équipements connexes ; un stockage dans des conditions sûres des armes et des réserves. Une gestion rigoureuse des données portant sur les réserves, les fournisseurs, les stocks, la détention, l’utilisation et l’élimination des armes, des munitions et des équipements connexes.
  •   Des systèmes stricts d’enregistrement des personnes habilitées à détenir et à utiliser des armes et des munitions.
  •   Un accord explicite selon lequel ne sera fournie aucune arme ni munition non discriminante par définition, qui est prohibée par le droit international – mine terrestre anti-personnel, bombe à sous-munitions ou armes chimiques.

Amnesty International invite les États-Unis à ratifier le Traité international sur le commerce des armes, qui entrera en vigueur le 24 décembre.

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