Manifestations pour la justice raciale suite à la mort de George Floyd lors d'un violent affrontement avec la police dans le Minnesota. Centre de Washington, DC, États-Unis, 3 juin 2020. © Amnesty International (Photo: Alli Jarrar)

Les dirigeants d’Amnesty International demandent aux autorités égyptiennes d’intervenir

Une enquête exhaustive, impartiale et effective doit être menée à la suite du nombre choquant de victimes enregistré en Égypte au cours de la semaine du 12 août, et les personnes qui ont commis ou ordonné cette répression meurtrière injustifiée doivent être amenées à rendre pleinement compte de leurs actes, ont déclaré les dirigeants du monde entier d’Amnesty International, réunis lundi 19 août à Berlin.

« Le gouvernement intérimaire a déjà entaché son bilan en termes de droits humains, d’abord en ne recourant pas à des armes non létales pour disperser les sit-ins de manifestants pro-Morsi et en ne permettant pas l’évacuation des blessés en toute sécurité, alors qu’il s’y était engagé, ensuite en justifiant ses actions malgré les pertes humaines tragiques, a expliqué Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

« La réaction de la communauté internationale a été faible et inefficace, même si l’ensemble de ses membres se sont empressés de condamner ce massacre, a-t-il ajouté. La communauté internationale doit agir avec fermeté pour faire savoir clairement qu’aucun gouvernement ne peut se comporter ainsi et conserver sa crédibilité.

« Le recours à la violence par certains manifestants pro-Morsi ne peut en aucun cas justifier une réaction aussi disproportionnée. Les actes violents de certains manifestants ne doivent pas non plus servir de prétexte pour réprimer tous les sympathisants des Frères musulmans, sans distinction aucune entre ceux qui emploient la violence et prônent son usage et ceux qui expriment simplement leurs opinions. Dans quel pays est-il possible que les forces de sécurité fassent preuve de tant de brutalité et d’une telle irresponsabilité sans que des mesures décisives soient prises ? »

Les chefs de file du mouvement tout entier d’Amnesty International se réunissent cette semaine à Berlin, à l’occasion du Conseil international, réunion que l’organisation tient tous les deux ans. L’une des premières initiatives prises lors de cette réunion de dirigeants, militants et bénévoles œuvrant en faveur des droits humains a été de réunir publiquement tous les participants, qui ont demandé au gouvernement égyptien de ne plus recourir à une force excessive ou inutile et d’ouvrir des enquêtes indépendantes et impartiales. Une pétition a ensuite été remise à l’ambassade d’Égypte à Berlin.

« Alors que nous nous retrouvons tous, en tant que membres d’un mouvement mondial, pour débattre des grandes problématiques actuelles de droits humains, il est important que nous prenions un moment pour commémorer les pertes humaines terribles qu’a connues l’Égypte la semaine dernière, a indiqué Selman Caliskan, directeur de la section allemande d’Amnesty International.

« Le fait que plusieurs centaines de personnes dans tout le pays puissent être tuées par les forces de sécurité, et plusieurs milliers d’autres blessées, en quelques jours seulement, est à peine concevable, a-t-il ajouté. Une enquête exhaustive est indispensable pour que les victimes obtiennent justice et que les responsables aient à rendre des comptes. »

Depuis la destitution du président Morsi le 3 juillet, les chercheurs d’Amnesty International travaillant en Égypte ont mis en évidence toute une série de graves violations des droits fondamentaux, qui ont atteint leur paroxysme avec l’attaque systématique lancée par les forces de sécurité contre les sit-ins de manifestants pro-Morsi. Ils ont notamment constaté une hausse inquiétante et sans précédent des violences intercommunautaires visant les coptes dans tout le pays, en représailles semble-t-il du soutien qu’ils ont affiché envers la destitution du président Morsi. Des militants coptes ont fait état de plus de 60 attaques d’églises depuis la dispersion brutale des sit-ins de manifestants pro-Morsi, les forces de sécurité se montrant incapables d’intervenir efficacement pour mettre fin aux violences.

Amnesty International a également recueilli des informations sur des violations perpétrées par des manifestants pro-Morsi, y compris des coups, des tortures et des homicides. Ces derniers jours, les violences dont se sont rendus coupables des partisans du président déchu se sont de toute évidence intensifiées. Certains s’en sont notamment pris à des bâtiments publics, à des commissariats ainsi qu’à des agents de police. D’autres ont tiré à balles réelles contre des habitants, y compris des enfants, et contre des opposants présumés. Les manifestants faisant usage de la violence doivent être tenus pour pénalement responsables.

« Par le passé, les autorités égyptiennes n’ont guère amené les forces de sécurité à rendre des comptes à la suite de l’utilisation d’une force meurtrière excessive et injustifiée. Il est donc nécessaire que les experts des Nations unies, en particulier le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, puissent se rendre librement en Égypte pour enquêter sur les circonstances dans lesquelles se sont produites les violences et sur le recours systématique à une force meurtrière excessive et injustifiée, a déclaré Salil Shetty.

« Une violation manifeste du droit international et des normes internationales, au cours d’événements que l’on peut qualifier de véritable carnage, a été commise en Égypte. Les autorités égyptiennes doivent agir immédiatement pour empêcher de nouvelles pertes humaines et rétablir la sécurité et l’ordre public dans les rues », a-t-il ajouté.