Le bilan s’alourdit en Égypte. La police doit se montrer impartiale et protéger les manifestants de tous les camps.

Les forces de sécurité doivent faire davantage pour protéger les manifestants contre les attaques violentes, et ne pas faire usage d’une force excessive contre les rassemblements pacifiques, a déclaré Amnesty International à la veille des grandes manifestations rivales prévues pour le 26 juillet.
« Les forces de sécurité se sont montrées à maintes reprises incapables de protéger les manifestants, les simples passants et les habitants contre les attaques d’agresseurs armés, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Elles ne sont pas davantage intervenues de manière efficace lorsqu’il s’agissait de mettre un terme à des heurts violents entre groupes rivaux. »
Plus de 180 personnes ont été tuées dans des affrontements et d’autres violences politiques depuis les manifestations de masse organisées le 30 juin pour réclamer le départ du président Morsi. L’escalade de la violence entre partisans et adversaires du président déchu à laquelle on assiste depuis lors ne cesse d’alourdir le bilan en vies humaines.
« Si les forces de sécurité continuent à ne pas assurer correctement le maintien de l’ordre lors des manifestations politiques rivales, le nombre de victimes va augmenter encore et les violations des droits humains s’intensifier davantage », a souligné Hassiba Hadj Sahraoui.
L’appel lancé par le ministre de la Défense, le général Abdel Fatah al Sissi, qui a demandé aux citoyens de manifester massivement vendredi 26 juillet afin de donner à l’armée mandat pour en finir avec « le terrorisme et la violence », laisse redouter de nouvelles effusions de sang dans les jours qui viennent.

La campagne Tamarud, qui a coordonné le mouvement de contestation à l’origine de l’éviction du président Morsi, a apporté son soutien à cet appel. Des partisans du président déchu vont descendre dans la rue le même jour.
L’appel du général al Sissi laisse craindre que les forces de sécurité ne s’apprêtent à faire usage de la force pour disperser les sit-in et les manifestations de sympathisants de Mohamed Morsi. Le 8 juillet, au moins 51 manifestants pro-Morsi ont été tués aux abords du siège de la Garde républicaine, au Caire, à la suite de l’utilisation par les forces de sécurité d’une force meurtrière excessive et disproportionnée.
« Dans un contexte où les forces de sécurité recourent régulièrement à une force excessive, cette déclaration risque de donner lieu à de nouveaux homicides illégaux et de nouvelles violences et autres violations des droits humains », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.  
Amnesty International a constaté au cours des jours derniers de nombreux exemples d’usage d’armes à feu aussi bien par des partisans que par des adversaires du président déchu, en particulier au Caire et à Mansoura.

L’organisation demande instamment aux dirigeants politiques de tous bords de dénoncer les atteintes aux droits humains commises par leurs sympathisants et d’appeler ces derniers à ne plus s’en prendre violemment aux manifestants rivaux.
Lors d’un rassemblement pro-Morsi le 19 juillet à Mansoura, les forces de sécurité ont laissé faire des agresseurs non identifiés qui ont attaqué les manifestants. Deux jeunes femmes et une fillette ont été tuées par balles. Frappée à la tête, une autre manifestante a été grièvement blessée.
Aux premières heures du 23 juillet, des affrontements au Caire ont fait au moins 12 morts – partisans et adversaires de l’ancien président, et simples passants. Neuf personnes – des partisans de Mohamed Morsi et des habitants du faubourg de Guizeh qui lui sont opposés – ont été tuées par balles lors de heurts.
Le 22 juillet, Amr Eid Abel Nabi, un jeune homme de 21 ans sympathisant du camp anti-Morsi, a été tué par balle alors que des partisans du président déchu arrivaient place Tahrir, le centre symbolique de l’opposition à Mohamed Morsi. Sur des images vidéo tournées par un journaliste on voit des partisans supposés de Mohamed Morsi, équipés de casques et portant gourdins et armes à feu, tirer de manière sporadique en direction de la place Tahrir.
Deux autres personnes sont mortes à Qaliub, au nord du Caire.
Israa Lotfy Youssef, une étudiante âgée de 18 ans, est l’une des personnes tuées à Guizeh. La jeune fille participait au sit-in pro-Morsi organisé dans la soirée du 22 juillet, et priait avec le reste de sa famille.

« Vers 5 heures, a expliqué son frère à Amnesty International, nous avons entendu des coups de feu ; les gens se sont mis à crier et ont dit que les tirs venaient de la faculté des sciences de l’ingénieur. À ce moment-là, dans la confusion, ma mère est retournée sous la tente et elle a découvert Israa à terre, baignant dans une mare de son propre sang. »
Abdel Dayem Mekhemar Ahmed, un employé d’un café de la place de Guizeh, a été tué près de l’université du Caire, abattu dans le dos. Selon des témoins oculaires le tir venait du toit de la faculté d’agriculture.
L’insécurité est également très forte dans le reste du pays. Dans le nord du Sinaï, les attaques armées contre des postes de police et contre les forces de sécurité se sont multipliées depuis l’éviction du président Morsi, et auraient causé la mort de plus de 30 personnes (des membres des forces de l’ordre et des membres présumés de groupes armés).
Dans la soirée du 23 juillet, les services de police de Mansoura ont été la cible d’un attentat à la bombe. Un appelé a été tué et plus de 20 personnes ont été blessées, selon le ministère de la Santé.