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Israël et territoires palestiniens occupés. Baisse record du nombre d’autorisations de sortir de Gaza pour raisons médicales: 54 Palestiniens décédés en 2017 dans l’attente d’un permis israélien

Jérusalem – Le nombre particulièrement faible d’autorisations de sortie accordées par Israël à des Palestiniens qui avaient besoin de soins médicaux vitaux en dehors de Gaza souligne la nécessité de mettre fin de toute urgence au blocus de la bande de Gaza, en place depuis dix ans, ont déclaré conjointement Amnesty International, le Centre de défense des droits humains al Mezan, Human Rights Watch, Medical Aid for Palestinians (MAP) et Physicians for Human Rights Israel (PHRI) mardi 13 février 2018. Les délais plus longs que jamais pour obtenir les autorisations nécessaires de la part de l’Autorité palestinienne en 2017, ainsi que le maintien de la fermeture par l’Égypte du poste-frontière de Rafah, ont restreint encore davantage la circulation des personnes et causé des souffrances supplémentaires.

En 2017, les autorités israéliennes n’ont donné une suite favorable qu’à 54 % des demandes de sortie pour rendez-vous médical, soit le taux le plus faible depuis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a commencé à tenir des statistiques à ce sujet en 2008. Selon l’OMS, 54 Palestiniens, dont 46 souffraient d’un cancer, sont morts en 2017 faute d’avoir obtenu leur autorisation ou pour l’avoir obtenue trop tard.

« Nous constatons que, de plus en plus souvent, Israël refuse ou retarde l’accès à des traitements vitaux contre le cancer ou d’autres maladies en dehors de Gaza, ce qui provoque la mort d’un nombre scandaleusement élevé de patients palestiniens, tandis que le système de santé à Gaza, affaibli par un demi-siècle d’occupation et dix ans de blocus, est de moins en moins à même de répondre aux besoins de la population », a déclaré Aimee Shalan, directrice de MAP.

Israël devrait lever les restrictions considérables et illégales qui privent la population de Gaza de sa liberté de circuler, tout particulièrement pour les personnes qui souffrent de graves problèmes de santé, ont déclaré les cinq organisations.

Depuis deux décennies, et en particulier depuis l’instauration en 2007 d’un blocus aérien, terrestre et maritime à Gaza, Israël soumet la bande de Gaza à un bouclage quasiment total, privant illégalement sa population de ses droits fondamentaux. Les Nations unies et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), entre autres, ont qualifié cette politique de « sanction collective » et ont appelé Israël à lever ce blocus. Israël contrôle tous les accès à Gaza, sauf le poste-frontière de Rafah à la frontière égyptienne, ainsi que tous les points de passage entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, y compris la frontière entre la Cisjordanie et la Jordanie. Les autorités israéliennes n’autorisent pas les Palestiniens de Gaza à rouvrir leur aéroport ni à construire un port, ce qui les oblige à passer par des ports étrangers pour se rendre dans d’autres pays.

La traversée au poste-frontière d’Erez, point de passage entre Gaza et Israël, la Cisjordanie et le monde extérieur, est réservée à ce que l’armée israélienne appelle les « cas humanitaires exceptionnels », c’est-à-dire principalement aux personnes souffrant de graves problèmes de santé et à leurs accompagnants, ainsi qu’aux hommes d’affaires importants. La baisse progressive du taux de permis pour raisons médicales accordés par Israël – 92 % de demandes acceptées en 2012, 88,7 % en 2013, 82,4 % en 2014, 77,5 % en 2015, 62,07 % en 2016 et 54 % en 2017 selon l’OMS – montre que le passage est de plus en plus restreint même pour les « cas humanitaires exceptionnels ». En 2017, le nombre de passages au poste-frontière d’Erez a représenté moins de 1 % des passages enregistrés en septembre 2000.

Les Palestiniens de Gaza ont raté au moins 11 000 rendez-vous médicaux parce qu’ils n’ont pas obtenu l’autorisation des autorités israéliennes ou l’ont reçue trop tard. Des recherches menées par le Centre al Mezan, avec l’aide du MAP, sur les cas de 20 Palestiniens décédés après avoir manqué des rendez-vous à l’hôpital faute d’autorisation ont montré que 14 d’entre eux, dont neuf femmes, souffraient d’un cancer. PHRI a souligné que les femmes de Gaza atteintes d’un cancer se heurtaient à de plus grandes difficultés pour accéder aux soins médicaux et, par conséquent, dépensaient leur énergie à combattre la bureaucratie plutôt que leur maladie. 

La baisse significative du nombre de permis accordés est en contradiction avec la hausse incessante des besoins médicaux à Gaza. Les deux millions d’habitants de Gaza sont confrontés à ce que l’ONU qualifie de « crise humanitaire durable ». Dans un contexte de pauvreté et de chômage généralisés, au moins 10 % des jeunes enfants souffrent de malnutrition chronique, les réserves de la moitié des médicaments et des produits médicaux sont totalement vides ou inférieures à un mois, et la pénurie chronique d’électricité a conduit les autorités à fermer des services de base, dont des services de santé.

Les trois offensives militaires israéliennes menées contre Gaza depuis 2008 ont aussi détruit de nombreuses infrastructures essentielles et sapé encore plus le système de santé et l’économie de Gaza. Compte tenu du contrôle qu’Israël exerce de fait sur la vie de la population de Gaza, c’est à lui que revient la responsabilité ultime d’assurer son bien-être en vertu du droit de l’occupation, comme l’ont souligné, entre autres, le CICR et les Nations unies.

« Il est inadmissible qu’Israël ait empêché tant de malades dans un état critique à bénéficier des soins qui auraient pu les sauver, a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice Moyen-Orient à Human Rights Watch. Le contrôle permanent exercé par ce pays sur la circulation des personnes à l’entrée et à la sortie de Gaza lui confère l’obligation de faciliter l’accès humanitaire, plutôt que de l’empêcher. »

Les Palestiniens de Gaza ont besoin d’une autorisation pour accéder à des soins médicaux plus pointus à Jérusalem-Est et ailleurs en Cisjordanie, ainsi qu’en Israël. Les services pour lesquels les patients doivent être orientés ailleurs qu’à Gaza sont principalement la cancérologie, la pédiatrie, la cardiologie et l’hématologie. Les autorités israéliennes affirment pouvoir traiter les demandes prioritaires en une journée, mais le temps d’attente est en moyenne de deux semaines, tandis que le traitement des demandes « ordinaires » doit se faire officiellement en 23 jours maximum, mais dépasse souvent ce délai.

L’OMS a estimé que le processus d’examen des demandes n’était « ni transparent ni effectué dans des délais appropriés », et le coordonnateur des Nations unies en charge de l’aide humanitaire et activités de développement dans les territoires palestiniens occupés a déclaré :« Une montagne d’entretiens, de papiers à remplir, de procédures opaques et d’obstacles logistiques se dresse entre le patient atteint de cancer et le traitement dont il a besoin de toute urgence. »

Les acceptations de prise en charge financière que l’Autorité palestinienne doit délivrer aux personnes ayant besoin de soins médicaux essentiels en dehors de Gaza ont aussi diminué en 2017, et au moins une personne en est morte. Selon l’OMS, alors que l’Autorité palestinienne a accepté environ 2 000 demandes par mois au cours du premier trimestre de 2017, ce chiffre est tombé à moins de 500 en juin, avant de remonter à plus de 2 000 à la fin de l’année, sur fonds de tentatives de réconciliation entre le Fatah et le Hamas. Par ailleurs, les autorités palestiniennes ont restreint un certain nombre de services de base dans la bande de Gaza entre juillet et décembre 2017 – notamment l’approvisionnement en électricité et les équipements médicaux –, ce qui a aussi porté atteinte au droit des Palestiniens à la santé.

L’Égypte maintient le poste-frontière de Rafah presque totalement fermé à la population de Gaza depuis 2013, ce qui limite également l’accès aux soins de santé. Avant juillet 2013, plus de 4 000 Palestiniens passaient chaque mois la frontière à Rafah pour des raisons médicales. En tant que pays voisin d’un territoire touché par une crise humanitaire durable, l’Égypte devrait faciliter l’accès de la population à l’aide humanitaire, même si la responsabilité première incombe toujours à la puissante occupante, Israël.

« Les restrictions à la liberté de circuler imposées par Israël sont directement responsables de décès de patients et de l’aggravation des souffrances des malades qui demandent une autorisation de sortie. Ces pratiques s’inscrivent dans le système de blocus et de permis qui prive les patients de leur droit à la dignité et viole leur droit à la vie, a déclaré Issam Younis, directeur du Centre al Mezan. Le blocus doit être levé afin que les patients puissent accéder en toute sécurité aux soins médicaux dans les hôpitaux des territoires palestiniens occupés et ailleurs. Il faut défendre le droit des victimes et de leurs familles à la justice et à des réparations. »