Les Palestiniens élus au Parlement israélien, la Knesset, sont la cible d’un règlement et de lois discriminatoires qui nuisent à leur capacité de représenter et de défendre les droits de la population palestinienne minoritaire en Israël, souligne Amnesty International dans un nouveau rapport publié le 4 septembre, en amont des élections qui se tiendront en Israël le 17 septembre.
Le rapport Elected but restricted: Shrinking space for Palestinian parliamentarians in Israel’s Knesset (en anglais), montre que le droit à la liberté d’expression des députés palestiniens à la Knesset est menacé par des modifications de la législation, des propositions de loi et un règlement de la Knesset discriminatoires. Il attire aussi l’attention sur les déclarations incendiaires de ministres du gouvernement israélien visant à stigmatiser les députés palestiniens et sur le fait que des propositions de loi soumises par des députés palestiniens ont été injustement invalidées pour des motifs discriminatoires.
« Les députés palestiniens à la Knesset font de plus en plus souvent l’objet d’attaques discriminatoires. Alors qu’ils ont été élus démocratiquement tout comme leurs homologues israéliens juifs, les députés palestiniens à la Knesset sont la cible d’une discrimination profondément enracinée et de restrictions injustifiées qui nuisent à leur capacité de défendre les droits du peuple palestinien, a déclaré Saleh Higazi, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
« Comme Israël commet systématiquement des violations des droits humains contre les Palestiniens en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, il est indispensable qu’au Parlement les voix palestiniennes soient entendues, prises en considération et respectées. »
Les restrictions croissantes auxquelles sont confrontés les députés palestiniens à la Knesset font partie d’un ensemble de pratiques discriminatoires évidentes exercées par les autorités israéliennes contre les citoyens palestiniens d’Israël.
Les Palestiniens représentent 20 % de la population en Israël, et alors que leurs droits à la représentation et à la participation politiques sont reconnus par Israël et par le droit international, dans la pratique ils sont en butte à une discrimination généralisée, y compris en ce qui concerne la citoyenneté, le logement, l’éducation et les soins de santé.
La loi sur « l’État-nation » (appelée par le passé la Loi fondamentale : Israël, État-nation du peuple juif), qui est entrée en vigueur en 2018, dispose qu’Israël est l’État-nation du peuple juif, et inscrit dans la Constitution l’inégalité et la discrimination à l’égard des non-juifs. Cette loi accorde le droit à l’autodétermination exclusivement aux juifs, dispose que l’immigration conduisant automatiquement à la citoyenneté est réservée aux juifs exclusivement, promeut la construction de colonies juives et retire à l’arabe son statut de langue officielle.
Ces dernières années, les autorités israéliennes ont intensifié leur discours incitant à la division à l’encontre des minorités et des communautés marginalisées, réduisant la marge de manœuvre pour les personnes qui veulent défendre les droits des Palestiniens. Elles menacent et diffament les défenseurs des droits humains palestiniens et israéliens, les organisations de la société civile et les organisations internationales telles qu’Amnesty International.
Une discrimination manifeste à la Knesset
Amnesty International a repéré une série de modifications de la législation, de règlements et de pratiques à la Knesset qui facilitent la discrimination à l’encontre des députés palestiniens. Par exemple, une modification de la législation datant de 2016 prévoit que les membres de la Knesset peuvent décider à la majorité des voix d’exclure des députés palestiniens élus, ce qui signifie que les députés palestiniens qui expriment des opinions politiques pacifiques jugées inacceptables par la majorité des députés peuvent être exclus du Parlement. Un député palestinien a déclaré au sujet de cette modification de la loi : « [il s’agit d’]une épée suspendue au-dessus de nos têtes par les membres de la Knesset qui sont opposés à nous politiquement », indiquant ainsi qu’elle vise à intimider les députés palestiniens pour les réduire au silence.
Le rapport met aussi en évidence l’attitude discriminatoire évidente et le discours clivant des représentants politiques israéliens à l’égard de leurs homologues palestiniens. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a ouvertement déclaré : « Israël n’est pas un État pour tous ses citoyens […] elle est l’État-nation du peuple juif uniquement ». Il a aussi déclaré que les partis politiques palestiniens essaient d’éradiquer l’État d’Israël.
De hauts représentants du gouvernement israélien et des députés israéliens recourent régulièrement à des propos incendiaires et stigmatisants pour décrire leurs homologues palestiniens, cherchant ainsi apparemment à ôter toute légitimité à ces personnes et à leur travail. Les députés palestiniens qui ont osé critiquer la politique israélienne ont été qualifiés de « traitres » et des appels ont été lancés pour qu’ils soient considérés comme des « hors-la-loi » ou jugés pour « trahison ».
Le règlement de la Knesset qui visait à l’origine à faire respecter des pratiques éthiques, a été utilisé à mauvais escient pour restreindre indument le droit à la liberté d’expression des députés palestiniens. Deux députés palestiniens n’ont pas pu faire un voyage à l’étranger avec des fonds provenant d’ONG inscrites sur une « liste noire » du gouvernement israélien, en raison d’une modification apportée en 2018 aux règles d’éthique de la Knesset interdisant d’effectuer un voyage si ce voyage est financé par une entité « appelant au boycott de l’État d’Israël ». Amnesty International ne lance pas d’appels spécifiques au boycott ni n’en soutient, mais elle estime que le droit d’appeler au boycott ou de participer à un boycott fait partie du droit à la liberté d’expression, et qu’il doit donc être respecté et protégé par les autorités.
Le rapport d’Amnesty International révèle en outre que depuis 2011, quatre propositions de loi au moins portant sur les droits des Palestiniens, y compris leur droit de participer à la vie publique, ont été invalidées avant même d’avoir été soumises à débat au Parlement.
« Le Parlement israélien doit de toute urgence abroger ou modifier toutes les dispositions législatives qui facilitent la discrimination à l’encontre des députés palestiniens et des autres citoyens palestiniens en Israël, à commencer par la "loi sur l’État-nation", a déclaré Saleh Higazi.
« Les autorités israéliennes doivent mettre fin aux restrictions discriminatoires visant les députés palestiniens à la Knesset, et veiller à ce que le droit à la liberté d’expression soit respecté. Elles doivent aussi cesser d’utiliser des propos incendiaires qui ostracisent des élus qui défendent les droits humains et l’égalité, et suscitent l’hostilité à l’égard des Palestiniens de manière générale. »