Iran. Le journaliste du Washington Post jugé sur la base d’accusations absurdes doit être immédiatement libéré

Les autorités iraniennes doivent mettre fin à l’attente excessive relative au jugement de Jason Rezaian, un journaliste américano-iranien, et le libérer immédiatement et sans condition, car cet homme est un prisonnier d’opinion, a déclaré Amnesty International mardi 18 août.

L’organisation de défense des droits humains a appelé à sa libération après qu’un porte-parole de l’appareil judiciaire iranien a affirmé que les charges retenues contre ce journaliste du Washington Post – espionnage et « propagande contre le système »- ne sont pas en relation avec sa profession. Des experts des Nations unies figurent parmi les voix qui se sont élevées dans le monde afin de demander aux autorités iraniennes de le remettre en liberté.

« Après avoir soumis Jason Rezaian à près d’un an de détention provisoire – dont plus de six mois à l’isolement sans pouvoir s’entretenir avec un avocat -, le maintenir en détention ne serait-ce qu’un jour de plus est un nouvel affront à la justice. Il exerçait sa profession de journaliste légalement et ouvertement en Iran, et les poursuites engagées contre lui sont clairement motivées par une volonté d’écraser la diffusion d’informations indépendantes dans le pays », a déclaré Said Boumedouha, directeur par intérim du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Le bilan de l’Iran en termes d’incarcération de journalistes est désastreux. L’arrestation et le maintien en détention de Jason Rezaian constituent la dernière en date d’une longue série d’attaques menées par les autorités iraniennes contre des journalistes qui effectuent leur travail de manière pourtant pacifique et légitime. »

Amnesty International estime que le procès, qui s’est ouvert le 26 mai et s’est déroulé à huis-clos lors de quatre audiences devant la 15e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, a été entaché de graves irrégularités.

S’exprimant devant des journalistes après la dernière audience, le 10 août, Leila Ahsan, l’avocate de Jason Rezaian, a déclaré qu’aucun élément de preuve étayant les charges retenues contre le journaliste n’avait été produit devant le tribunal. Elle a ajouté que, faute de temps, elle n’avait pas été en mesure de présenter sa défense dans son intégralité après la déclaration du ministère public, et qu’elle avait été obligée de soumettre son argumentation par écrit.

Selon le Washington Post, un des « éléments de preuve » présentés par l’accusation était une candidature en ligne pour un poste au sein du gouvernement Obama aux États-Unis, soumise par Jason Rezaian en 2008 et qui n’avait pas été retenue. Parmi les autres éléments « à charge » – d’après l’agence de presse iranienne Mehr, en partie contrôlée par l’État – figurait sa visite au consulat des États-Unis à Doubaï, aux Émirats arabes unis, laquelle était selon Jason Rezaian en rapport avec une demande de visa pour son épouse, qui est iranienne.

Au cours de la première audience, lorsque le juge l’a interrogé à propos de ses relations avec le consulat des États-Unis aux Émirats arabes unis, Jason Rezaian a répondu : « Je ne suis qu’un journaliste, et j’ai mené toutes mes activités en tant que journaliste, et toutes ces activités sont légales. »

Jason Rezaian a été arrêté le 22 juillet 2014, un jour après que le ministère de la Culture et de l’Orientation islamique a renouvelé sa carte de presse.

« Deux ans après l’investiture du président Rouhani, la situation des droits humains en Iran est peu réjouissante et le harcèlement, les actes d’intimidation et les incarcérations dont les journalistes font l’objet ne faiblissent pas », a déclaré Said Boumedouha.

Complément d’information

Jason Rezaian n’a pu s’entretenir avec un avocat qu’au bout de neuf mois de détention, mais a pu recevoir la visite de sa famille. Son épouse, Yeganeh Salehi, qui signe des articles pour le journal émirien d’État The National, a été arrêtée en même temps que lui, et tous deux se sont vu confisquer leur passeport. Pendant un certain temps après leur arrestation, leur famille n’a pas su où ils se trouvaient. Yeganeh Salehi a été libérée sous caution en octobre 2014. Une photographe et son mari avaient également été appréhendés avec les Rezaian et ont été relâchés le mois suivant.

Le gouvernement américain a exhorté à plusieurs reprises les autorités iraniennes à libérer Jason Rezaian, encore tout récemment en marge des négociations sur le nucléaire qui ont débouché sur un accord entre les deux pays le mois dernier.

Les journalistes en activité en Iran continuent à faire l’objet d’actes de harcèlement et d’intimidation, d’arrestations et d’incarcérations en raison de leurs activités journalistiques légitimes. D’autres professionnels des médias, par exemple des producteurs de films, sont également passés en jugement sur la base d’accusations vagues en relation avec la sécurité de l’État ou ont été frappés par des interdictions judiciaires qui les ont empêchés de faire leur travail.

En 2015, l’Iran a été classé 173e sur 180 au regard de l’indice de la liberté de la presse établi par l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières. Un certain nombre de journalistes sont maintenus en détention en Iran, notamment Mohammad Sadiq Kabudvand (Kaboudvand), un journaliste et prisonnier d’opinion kurde qui purge actuellement une peine de 11 ans de prison pour ses activités journalistiques pourtant pacifiques.

Depuis des années, Amnesty International rassemble des informations sur la façon dont les journalistes et autres professionnels des médias sont systématiquement pris pour cible en Iran et arrêtés en raison de leurs activités pacifiques sur la base de charges formulées en termes vagues.

Pour en savoir plus:

consultez la synthèse d’Amnesty International intitulée Jailed for being a journalist.