Manifestations pour la justice raciale suite à la mort de George Floyd lors d'un violent affrontement avec la police dans le Minnesota. Centre de Washington, DC, États-Unis, 3 juin 2020. © Amnesty International (Photo: Alli Jarrar)

Il est déplorable que l’Union africaine demande l’immunité pour les hauts responsables gouvernementaux

Amnesty International déplore que l’Union africaine (UA) ait fait une déclaration affirmant qu’aucun haut responsable gouvernemental ne devrait comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI) et demandant que les procès des dirigeants kényans soient ajournés, lors d’un Sommet extraordinaire de l’UA sur la question des liens entre l’Afrique et la CPI à Addis-Abeba, les 11 et 12 octobre.
« Cette déclaration adresse un message injuste : les politiciens sur le continent africain pourront placer leurs intérêts politiques au-dessus de ceux des victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide », a expliqué Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Droit et stratégie politique d’Amnesty International.
Le Sommet de l’UA a demandé l’ajournement des procès devant la CPI du président kényan Uhuru Kenyatta et du vice-président William Ruto par le Conseil de sécurité de l’ONU, et la mise sur pied d’un groupe de contact du Conseil exécutif de l’UA chargé d’aborder la question avec le Conseil de sécurité.
« Demander le report des procès d’Uhuru Kenyatta et de William Ruto revient à dire que les victimes des violences postélectorales au Kenya ne comptent pas, a souligné Tawanda Hondora.
« Amnesty International reconnaît que le Kenya a subi une attaque d’une grande violence, qui a causé de nombreuses victimes et fait beaucoup de dégâts, mais ces agissements ne doivent pas être utilisés pour éviter au président kényan et à son vice-président une comparution devant la CPI.
« Les victimes des violences postélectorales attendent depuis plus de cinq ans que les rouages de la justice se mettent en route, la CPI étant intervenue après que le Kenya s’est abstenu de faire avancer la justice.

Ces procès doivent se poursuivre. Toute initiative du Conseil de sécurité prise sur la base de la demande de l’UA de retarder la justice constituerait une ingérence politique dans une procédure judiciaire indépendante. »
Les dirigeants de l’UA ont débattu de la possibilité de demander le retrait collectif des 34 États africains du Statut de Rome de la CPI, si les poursuites contre les dirigeants kényans n’étaient pas abandonnées ou ajournées ; ils ne sont pas allés aussi loin. Amnesty International les avait appelés à faire barrage à une telle proposition, craignant que les États qui critiquent la CPI ne suivent l’exemple du Parlement kényan qui, le 5 septembre, a voté le retrait de la Cour.
« Les États africains ont joué un rôle vital dans la création de la CPI et sont face à un enjeu de taille pour en faire un outil juste, équitable et efficace », a conclu Tawanda Hondora.