Les mesures d’urgence introduites à la hâte devant le Parlement français à la suite des attentats meurtriers de Paris ne doivent pas s’installer de manière permanente dans l’arsenal anti-terroriste français, a mis en garde Amnesty International jeudi 19 novembre.
« Pour l’instant, la priorité absolue est, à juste titre, de protéger la population de nouvelles attaques imminentes. Cependant, les pouvoirs relevant de l’état d’urgence adoptés à la hâte par le Parlement prévoient un élargissement considérable du pouvoir exécutif, aux dépens des garanties essentielles en matière de droits humains. Ces pouvoirs ne doivent être exercés que lorsque cela est strictement nécessaire, et ne doivent pas compléter de manière permanente l’arsenal anti-terroriste français », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale à Amnesty International.
L’état d’urgence de 12 jours décrété à la suite des attentats du 13 novembre 2015 a élargi les pouvoirs accordés aux forces de sécurité. La proposition de loi déposée le 18 novembre prolonge l’état d’urgence de trois mois et comprend plusieurs mesures supplémentaires.
Parmi celles-ci figurent la possibilité de mener des perquisitions et d’assigner des personnes à résidence sans autorisation judiciaire préalable ainsi que le pouvoir de dissolution d’associations avec effet permanent.
Ces mesures extraordinaires ne peuvent être autorisées que dans le cadre d’un état d’urgence déclaré de façon formelle, car elles ne respectent pas le droit pénal ordinaire et restreignent les libertés fondamentales et les droits humains. Les mesures d’urgence doivent être indispensables et proportionnées dans leur champ d’application et leur durée. Elles doivent être temporaires, contrôlées et appliquées judicieusement, c’est-à-dire uniquement lorsque la situation l’exige.
« Alors que les jours passent et que les organes responsables de l’application des lois en France, et dans d’autres pays, œuvrent pour déférer à la justice les auteurs des attentats et contrer les menaces imminentes, la nécessité des pouvoirs d’exception qui ne respectent pas le droit commun et portent atteinte aux droits humains va devoir être réévaluée minutieusement. Il est paradoxal de mettre les droits humains entre parenthèses lorsque l’on veut les défendre », a déclaré John Dalhuisen.
Parmi les mesures problématiques proposées par le président français François Hollande figure une proposition de révision constitutionnelle visant à créer un « régime civil de l’état d’urgence ». Sont également proposées la révision des lois régissant le recours à la force par la police ; l’extension de la déchéance de nationalité pour les citoyens binationaux nés en France ; une procédure d’expulsion accélérée des étrangers qui « représentent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et la sécurité de la Nation ». L’opposition a également demandé qu’il soit possible de détenir de manière préventive les personnes soupçonnées de porter atteinte à la sûreté de l’État.
« Nous avons assisté à maintes reprises à l’extension et à la codification de mesures d’urgence jusqu’à ce qu’elles fassent partie intégrante du droit commun, en empiétant constamment sur les droits humains. À long terme, c’est en respectant les valeurs fondatrices de la République française que l’idéologie meurtrière derrière les attaques de Paris pourra être vaincue », a déclaré John Dalhuisen.
« Dans son allocution au Parlement lundi 16 novembre, le président François Hollande a affirmé l’engagement de la France à accueillir les réfugiés qui fuient des conflits, des persécutions et les mêmes horreurs qui ont frappé les rues parisiennes. Cette vision basée sur le respect des droits fondamentaux doit s’appliquer à la lutte contre le terrorisme ».