Rick Perry, le gouverneur du Texas, doit suspendre l’exécution de Ramiro Hernández Llanas, un Mexicain présentant un handicap mental, a déclaré Amnesty International mardi 8 avril.
Pour obtenir la condamnation à mort de cet homme, l’État s’est appuyé sur des stéréotypes racistes et l’avis d’un « expert » discrédité. Son exécution doit avoir lieu peu après 18 heures, heure locale, mercredi 9 avril.
Après que le Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Texas a rejeté le recours en grâce de Ramiro Hernández Llanas lundi 7 avril, son dernier espoir est un sursis accordé par le gouverneur de l’État.
« Si un cas réclame que le gouverneur Perry use de son pouvoir d’octroyer un sursis c’est bien celui-ci. Le gouverneur doit reconnaître que l’État s’est appuyé sur une " expertise " de mauvaise qualité pour envoyer Ramiro Hernández Llanas dans la chambre d’exécution », a déclaré Rob Freer, spécialiste des États-Unis à Amnesty International.
Lors du procès qui s’est déroulé en 2000, le parquet a présenté le témoignage du Dr James Grigson, un psychiatre discrédité, pour réfuter les avis d’experts de la santé mentale cités par la défense. Le Dr Grigson, qui n’avait jamais examiné Ramiro Hernández Llanas, a affirmé qu’il était probable que celui-ci commette des actes violents dans le futur parce qu’il s’agissait d’un sociopathe dénué de sens moral. Convaincre le jury que l’accusé représente une « future menace » pour la société, même en prison, est une condition sine qua non de toute condamnation à mort au Texas.
« Les positions similaires à celle du Dr Grigson sont au fil des années tombées dans le discrédit, qualifiées de science de pacotille, et il a lui-même été radié de l’Association américaine de psychiatrie, en raison de déclarations aussi peu scientifiques que celles-ci dans des affaires où l’accusé encourt la peine capitale », a déclaré Rob Freer.
« Compte tenu de la suite des événements – un avis psychiatrique entaché de stéréotypes racistes –, le jugement prononcé au Texas dans cette affaire a donné lieu à une nouvelle injustice saisissante, qui est sur le point de devenir permanente dans la chambre d’injection létale. »
Le Dr Richard Coons, un autre psychiatre, a été convoqué par le parquet lors d’une audience en 2008 afin de réfuter les conclusions d’un expert présenté par la défense, selon lesquelles Ramiro Hernández Llanas souffrait d’arriération mentale – ce qui rendrait son exécution illégale en vertu d’un arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis en 2002.
Le Dr Coons, qui n’a jamais rencontré le prisonnier ni quiconque le connaissant et ne parle pas espagnol, a affirmé que le comportement criminel de cet homme « correspondait à son groupe culturel ».
« L’égalité de tous devant la loi et le droit de bénéficier d’une procédure judiciaire sans être victime de discriminations fondées sur l’appartenance ethnique, entre autres, sont des principes fondamentaux du droit international », a déclaré Rob Freer.
« Si Amnesty International a pour sa part la conviction que la peine de mort n’est jamais l’expression de la justice, nous imaginons que même les partisans des exécutions judiciaires se rendent compte de l’injustice que constitue une condamnation à mort se basant sur un témoignage aussi contestable. »
Le gouvernement mexicain a soumis un dossier à la Cour suprême des États-Unis en janvier, condamnant les « stéréotypes diffamatoires employés pour décrire les capacités fonctionnelles des personnes qui, comme M. Hernández, sont issues des couches défavorisées de la société mexicaine. ».
L’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities, fondée en 1876, ainsi que The Arc of the United States, la plus importante des organisations de terrain américaines qui œuvrent aux côtés de personnes atteintes de déficience intellectuelle et de retard de développement, ont également demandé à la Cour d’intervenir. Celle-ci a refusé.
La semaine dernière, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a adopté des « mesures conservatoires », exhortant les États-Unis à ne pas procéder à cette exécution, de sorte que la Commission dispose de suffisamment de temps pour examiner un recours qui lui a été présenté. Mardi 8 avril, la Commission a souligné que permettre que cette exécution ait lieu dans ces circonstances constituerait une violation grave des obligations des États-Unis en vertu du droit international.
« Le Texas n’en est pas à sa première injustice sur le terrain de la peine capitale », a déclaré Rob Freer.
« Le voici une nouvelle fois sur le point de procéder à une exécution, alors que la condamnation s’est appuyée sur des témoignages hautement contestables contre une personne dont le handicap mental remet en question la constitutionnalité de la mise à mort. Le gouverneur Perry doit agir de toute urgence. »
Complément d’information
Ramiro Hernández Llanas a été condamné à mort en février 2000 pour le meurtre de Glen Lich, son employeur, battu à mort dans son ranch du comté de Kerr le 14 octobre 1997.
L’enfance de Ramiro Hernández Llanas a été marquée par la violence et une pauvreté extrême au Mexique. Les membres de sa famille vivait dans une cabane faite de morceaux de carton, près d’une décharge où ils fouillaient dans les ordures. Des tests menés au cours des dix dernières années évaluent le quotient intellectuel de Ramiro Hernández Llanas à 50 ou 60. Il souffre de profonds troubles du comportement adaptatif concernant toute une série de compétences, notamment linguistiques, scolaires, conceptuelles, sociales, professionnelles et domestiques.
Quinze personnes ont été exécutées aux États-Unis depuis le début de l’année 2014, dont cinq au Texas. Depuis la reprise des exécutions judiciaires aux États-Unis en 1977,en vertu de lois révisées, les autorités américaines ont ôté la vie à 1 374 personnes à travers le pays. Parmi ces exécutions, 513 ont eu lieu au Texas, dont 274 sous le mandat du gouverneur Rick Perry.
Pour plus d’informations sur le cas de Ramiro Hernández, voir l’Action urgence diffusée par Amnesty International en sa faveur : http://www.amnesty.org/fr/library/info/AMR51/019/2014/fr