Des dizaines de pays membres de l’ONU demandent que la situation « désespérée » de la Syrie soit immédiatement déférée à la CPI

Le Conseil de sécurité des Nations unies doit immédiatement confier le dossier syrien au procureur de la Cour pénale internationale (CPI), conformément à une demande faite lundi 14 janvier au matin par des dizaines de pays membres des Nations unies, a déclaré Amnesty International.

Dans une lettre conjointe adressée au Conseil, la Suisse et 56 autres pays de tous les continents, parmi lesquels le Luxembourg, ont constaté le manquement des autorités syriennes à leur devoir de mener des enquêtes et d’engager des poursuites sur les crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis depuis mars 2011.

Depuis lors, d’après cette lettre, « la situation sur le terrain n’a fait que s’aggraver, prenant un tour de plus en plus désespéré, les attaques contre les civils et la commission d’atrocités étant presque devenues la norme ». « Cela fait près de deux ans que le Conseil de sécurité reste passif face aux crimes contre l’humanité, ainsi que devant les crimes de guerre observés depuis le début du conflit armé interne, commis dans l’impunité la plus totale contre le peuple syrien », a rappelé José Luis Díaz, représentant d’Amnesty International auprès des Nations unies à New York.

« On ne saurait laisser cette situation durer. Il faut immédiatement saisir la CPI pour que les personnes concernées, quel que soit leur camp, fassent l’objet d’enquêtes et – si suffisamment de preuves recevables sont réunies – soient poursuivies pour ces crimes, les plus graves aux termes du droit international. » Amnesty International a elle aussi commencé à demander dès avril 2011 que la question soit soumise au procureur de la CPI. Depuis le début des troubles, l’organisation a recensé des violations des droits humains systématiques et généralisées constituant des crimes contre l’humanité.

Amnesty International a par ailleurs recueilli des éléments prouvant l’existence de graves atteintes au droit international, dont des crimes de guerre, perpétrées par les autorités syriennes depuis que la situation a dégénéré en conflit armé interne dans la majeure partie du pays. Des groupes d’opposition armée, dont ceux associés à l’Armée syrienne libre, ont également été accusés d’avoir commis des violations du droit international humanitaire, dont des crimes de guerre présumés – des prises d’otages et l’homicide illégal de captifs notamment.

L’inaction de l’ONU

Une Commission d’enquête internationale indépendante, établie sous l’égide les Nations unies, a également mis au jour des éléments attestant que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont été perpétrés en Syrie, et la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a aussi demandé à maintes reprises que le Conseil de sécurité défère la situation en Syrie à la CPI.

Le Conseil de sécurité s’est cependant abstenu d’agir jusqu’à présent, ne se risquant qu’à des déclarations selon lesquelles « les responsables des violences devront rendre compte de leurs actes. » La Russie et la Chine en particulier ont bloqué des résolutions qui auraient permis d’exercer des pressions internationales plus fortes sur les autorités syriennes.

« Le discours pusillanime du Conseil de sécurité sur la Syrie n’a pas permis d’obtenir justice pour les victimes, et a en outre donné aux auteurs d’atteintes aux droits humains toute latitude pour continuer à commettre de graves crimes de droit international sans avoir à en assumer les conséquences », a déploré José Luis Díaz.

« Persister dans l’inaction enverrait un message choquant, selon lequel la communauté internationale a perdu la volonté de protéger les civils dans les situations de conflit. »

Outre la saisine de la CPI, Amnesty International a demandé à plusieurs reprises à l’ensemble des États d’exercer leur compétence universelle à l’égard des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en Syrie.