L’Assemblée nationale du Burundi doit remédier aux graves insuffisances de la loi historique adoptée en 2016 contre les violences liées au genre, ainsi qu’aux incohérences avec d’autres textes en la matière, afin de garantir une prévention, une protection et une justice efficaces pour les victimes, indique Amnesty International mercredi 6 décembre dans une nouvelle synthèse.
« La Loi de 2016 relative aux violences basées sur le genre a constitué une avancée majeure au Burundi, mais elle est encore en-deçà des meilleures pratiques régionales et internationales. Elle comporte plusieurs améliorations importantes, notamment en fournissant une définition du viol prenant en compte la question du consentement et en interdisant des pratiques traditionnelles nocives. Malheureusement, elle comprend aussi des dispositions contraires à certains droits humains, dont les droits au respect de la vie privée et au principe de non-discrimination, elle n’adopte pas une perspective centrée sur la victime et elle rend les victimes de violences liées au genre passibles de poursuites dans certains cas », a déclaré Sarah Jackson, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.
Les incohérences entre la Loi relative aux violences basées sur le genre et la révision de 2017 du Code pénal créent une incertitude sur les dispositions que les juges doivent appliquer. Elles risquent donc de remettre en cause certaines des dispositions progressistes de la loi de 2016. À titre d’exemple, lorsque le Code pénal a été révisé en 2017, il n’a pas repris la définition du viol introduite dans la Loi relative aux violences basées sur le genre, mettant l’accent sur l’absence de consentement, et a conservé l’ancienne définition reposant sur l’usage de la force ou d’autres moyens coercitifs. Il est essentiel de savoir clairement quelle définition est applicable – qui devrait être celle qui figure dans la Loi relative aux violences basées sur le genre pour se conformer au droit international relatif aux droits humains – afin d’éviter la confusion chez les juges, magistrat·e·s, agent·e·s de police et toute autre personne affiliée aux institutions judiciaires et au maintien de l’ordre. Des réformes juridiques seront pour cela vraisemblablement nécessaires.
Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre
Amnesty International demande l’abrogation des dispositions de la Loi relative aux violences basées sur le genre qui interdisent la cohabitation en dehors des liens du mariage et les actes sexuels privés entre adultes consentants, car elles portent atteinte au droit à la vie privée, à la vie familiale, à l’égalité et au principe de non-discrimination. En plus de criminaliser l’adultère, cette loi interdit les « unions libres » (cohabitation d’un couple en dehors des liens du mariage).
L’article 60 de la Loi relative aux violences basées sur le genre, portant sur l’incitation à la violence liée au genre, a suscité l’indignation lors de la promulgation de la loi car elle dispose qu’un « habillement indécent » peut constituer une forme d’« incitation ». Cet article et toute autre disposition risquant d’incriminer des victimes de violences – en sus de les stigmatiser et de renforcer des stéréotypes néfastes de genre – doivent être retirés.
La Loi relative aux violences basées sur le genre prévoit par ailleurs dans certains cas des peines moins lourdes que pour des infractions comparables visées dans d’autres textes, comme par exemple l’enlèvement d’une fille pour se marier avec elle ou la marier de force avec une autre personne, qui est passible d’une peine nettement plus légère que la traite d’un enfant au moyen de l’enlèvement. Les infractions constituant des violences liées au genre ne sont donc pas traitées aussi sérieusement que des infractions pénales comparables.
Outre les réformes juridiques nécessaires, les autorités burundaises doivent allouer des ressources suffisantes et mettre en place des formations adaptées pour garantir l’application efficace de la loi, et veiller à ce que les victimes de violences liées au genre bénéficient de tout le soutien et l’assistance dont elles ont besoin. Ces dernières doivent être consultés dans le cadre de la révision de la loi et dans les décisions concernant son application.
Amnesty International appelle également le Burundi à ratifier de toute urgence le Protocole de Maputo relatif aux droits des femmes, qu’il a signé il y a 20 ans. Le cadre juridique exhaustif contenu dans ce texte a joué un rôle crucial dans la promotion des droits des femmes et leur accès à la justice en Afrique.
Complément d’information
La Loi portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre a été adoptée par l’Assemblée nationale du Burundi en 2016, après l’examen d’amendements portés par le Sénat sur le projet de loi de 2015. Le président Pierre Nkurunziza, depuis décédé, l’a promulguée le 22 septembre 2016.
Le Burundi a signé le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) le 3 décembre 2003, mais il ne l’a pas encore ratifié.