Arménie. Il faut enquêter sur les violences policières signalées lors de l’arrestation de manifestants dispersés avec un canon à eau

Les autorités arméniennes doivent diligenter sans délai une enquête impartiale, indépendante et approfondie sur les allégations indiquant que la police a eu recours à une force excessive – notamment en arrosant des personnes à l’aide d’un canon à eau – pour disperser une manifestation majoritairement pacifique avant d’arrêter plus de 200 manifestants dans les rues de la capitale Erevan mardi 23 juin à l’aube, a déclaré Amnesty International.

La police d’Erevan affirme avoir arrêté 237 personnes après qu’une foule a défilé vers le palais présidentiel depuis une place centrale où se déroulent actuellement des manifestations en continu. Depuis le 19 juin, plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre la hausse des prix de l’électricité à Erevan et dans d’autres villes, notamment à Gyumri, où 12 autres manifestants ont été arrêtés.

« La dispersion par les autorités arméniennes d’une manifestation jusqu’alors pacifique est une méthode brutale qui doit être évitée pour protéger le droit à la liberté d’expression et de réunion. Les vidéos où l’on voit de puissants jets de canon à eau projeter à terre des manifestants pacifiques sont préoccupantes, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Même si des sommations ont eu lieu, les jets de canon à eau sont susceptibles de provoquer des blessures et ne doivent jamais être utilisés contre des manifestants pacifiques. Par nature, l’utilisation de ce matériel est inconsidérée et peut affecter les passants.

« Nous avons appris que les autorités arméniennes enquêtent sur les manifestants pour “hooliganisme” et non sur la réaction brutale de la police. Elles ne doivent pas le faire au détriment d’une enquête impartiale et indépendante sur le recours présumé des policiers à une force excessive, notamment à des jets de canon à eau, contre des manifestants qui ont peut-être bloqué la circulation mais étaient pacifiques. Tout membre des forces de sécurité identifié comme responsable de violations doit faire l’objet de mesures disciplinaires ou de poursuites pénales. »

Selon des militants locaux, lundi soir, plusieurs centaines de personnes sont parties d’une manifestation pacifique plus grande qui se tenait sur une place centrale d’Erevan pour marcher vers le palais présidentiel, après l’expiration de leur ultimatum lancé aux autorités pour qu’elles annulent la hausse des prix de l’électricité prévue le 1er août.

Les policiers ont soutenu que ce défilé était illégal et l’ont intercepté en formant un cordon. Les manifestants ont, semble-t-il, rejeté la proposition du président de recevoir un petit groupe pour qu’il lui remette leur pétition. Puis ils se sont assis sur la route, bloquant la circulation.

Un témoin a indiqué à Amnesty International que des policiers en civil frappaient des manifestants pacifiques.

Vers 5 h 30 mardi 23 juin, la police a utilisé un canon à eau contre les manifestants. Une vidéo montre comment ce matériel a été employé pour disperser une foule majoritairement pacifique. Certains manifestants ont tenté de se lever sans violence, mais les jets d’eau les ont repoussés dans la foule avant que des policiers, dont plusieurs en civil, n’arrêtent certains d’entre eux. En réaction, des manifestants ont jeté des bouteilles d’eau vers les policiers. Aucune violence ne semble avoir eu lieu avant l’emploi du canon à eau.

Dans une déclaration, la police a affirmé que des pierres avaient été lancées et qu’au moins sept manifestants et 11 policiers avaient été blessés. Aucune blessure grave n’a toutefois été signalée.

Des policiers et un témoin ont par ailleurs confirmé que des journalistes avaient été pris pour cible en plus des manifestants pacifiques. Bien que ceux-ci aient montré leur carte de presse, les policiers ont saisi et endommagé une partie de leur matériel vidéo.

« Les allégations selon lesquelles des policiers s’en sont pris spécifiquement aux journalistes ont des conséquences inquiétantes sur la liberté d’expression et doivent également faire l’objet d’une enquête indépendante », a déclaré Denis Krivosheev.