Anniversaire de Srebrenica : mettre fin à l’impunité !

Le 11 juillet 2010 marque le 15ème anniversaire du massacre de Srebrenica, qui est entré dans l’histoire comme la plus grosse atrocité jamais survenue depuis la seconde guerre mondiale en Europe : 7 000 hommes et jeunes garçons furent massacrés par les forces serbes et beaucoup de femmes et de filles violées. Ces actes, furent reconnus par le Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie (TPIY) et par la Cour internationale de justice comme actes de génocide.

Si Srebrenica est resté gravée dans les esprits à cause de l’envergure du massacre mis en œuvre dans l’espace de quelques jours, selon les estimations, 130 000 personnes auraient trouvé la mort lors des conflits armés qui ont déchiré l’ex-Yougoslavie (Croatie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo) dans les années 1990. Quelque 30 000 personnes auraient été enlevées ou victimes de disparition forcée. Elles ont généralement été contraintes de quitter leur domicile et n’ont jamais été revues en vie depuis lors. La majorité de ces personnes ont été tuées. Beaucoup de corps ont été retrouvés dans des fosses communes, exhumés et restitués aux familles, mais au moins 15 000 personnes sont toujours portées disparues.

Dans la plupart des pays de l’ex-Yougoslavie, l’absence de volonté politique et, dans certains cas, des actes délibérés d’obstruction, bloquent toujours les enquêtes et les poursuites pour crimes de guerre et les victimes ou leurs familles vivent dans l’attente que justice leur soit rendue, de connaître la vérité sur les faits et d’obtenir réparation.

Bien souvent, les systèmes judiciaires locaux, ne disposent que de faibles capacités pour traiter ces cas, ayant pour conséquence de traiter peu de cas et donc de traduire peu de responsables devant la justice. Une récente étude d’Amnesty sur la Croatie, a par exemple montré qu’il n’y a que très peu d’enquêtes rapides, impartiales, indépendantes et complètes sur les cas de crime de guerre, et les préjugés ethniques influent grandement sur les jugements. Par ailleurs, les mesures de soutien et de protection prises en faveur des témoins demeurent insuffisantes dans toute la région des Balkans, empêchant les victimes d’obtenir justice et notamment celles qui avaient fait l’objet de violences sexuelles constituant des crimes de guerre.

Malgré que plus d’une décennie se soit écoulée depuis la fin des conflits qui ont déchiré l’Ex-Yougoslavie, travailler afin que les auteurs des crimes de guerre, contre l’humanité et de génocide soient traduits en justice, présente encore aujourd’hui de grands risques. C’est le cas, entre autre, de Nataša Kandić, avocate et défenseure des droits humains serbe, et de Drago Hedl, journaliste croate récompensé par de nombreux prix internationaux pour ses enquêtes sur les crimes de guerre commis en Croatie entre 1991 et 1995. Parce qu’ils tentent de mettre à jour la vérité concernant les crimes de guerre, ces deux personnes sont constamment menacées. Dans le cadre de sa profession, Nataša Kandić dénonce le climat d’impunité entourant les crimes de guerre commis par l’armée, la police et les forces paramilitaires lors des conflits qui ont eu lieu au moment de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, dans les années 1990. Comme d’autres défenseurs des droits humains serbes qui tentent de mettre fin à l’impunité dont jouissent les criminels de guerre, Nataša Kandić a été menacée et agressée à plusieurs reprises par des représentants du gouvernement, des militaires, des policiers, des journalistes et des groupes de droite. Elle a été accusée de trahir son pays et a été persécutée par des fonctionnaires, d’éminents hommes politiques et des personnes inculpées de crimes de guerre. Quant à Drago Hedl, il a reçu plusieurs menaces de mort suite à ses investigations mettant en lumière l’implication d’un homme politique croate de premier plan dans le meurtre de Serbes de Croatie à Osijek durant la guerre de 1992-1995.

Si les arrestations de hauts responsables comme Milosevic ou Radovan Karadzić, entre autres, ont permis à la justice pour les dizaines de milliers de victimes de Bosnie-Herzégovine de faire un grand bond en avant, ceci reste symbolique. Il est important que les pays de cette région du monde prennent des initiatives concertées pour enquêter sur les dizaines de milliers d’autres crimes commis durant cette période et de traduire en justice les auteurs présumés, notamment les suspects de moins haut rang qui pour l’instant jouissent pour une bonne partie d’une totale impunité, allant jusqu’à vivre aux côtés de leurs victimes.

Dans le cadre du 17 juillet, journée mondiale de la justice internationale, AI-Luxembourg tiendra un stand d’information sur la place « Piquet » afin de sensibiliser le public sur l’importance de la justice internationale et la nécessité de lutter contre l’impunité des auteurs présumés de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. A cette occasion des signatures seront collectées pour soutenir le travail de Nataša Kandić dans sa lutte contre l’impunité.

Pour que l’Ex-Yougoslavie puisse tourner cette page sombre de son histoire, il est primordial que justice soit rendue à l’ensemble des victimes. Tant que l’impunité demeurera, le rétablissement de la justice dans toute l’Ex-Yougoslavie restera une tâche inachevée, et ce sont les milliers de victimes de crimes qui en paieront le prix.