Alors que se tient une audience clé dans les procès contre l’éminent groupe de défense des droits humains Memorial, Amnesty International Luxembourg s’est rassemblée devant l’ambassade de Russie pour appeler les autorités russes à mettre fin au harcèlement et aux menaces contre la société civile du pays. Amnesty International condamne la décision des procureurs russes de demander la liquidation judiciaire du groupe de défense des droits humains de premier plan Memorial International, et de son organisation affiliée le Centre russe des droits humains « Memorial ».
« Cette tentative des autorités russes d’anéantir l’un des groupes de défense des droits humains les plus influents du pays démontre leur détermination sans faille à mettre fin à l’engagement de la société civile. Nous demandons que les autorités russes cessent immédiatement les représailles à l’encontre de Memorial. En plus, la législation nationale régulant les associations doit être mise en conformité avec le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en ce domaine, en abrogeant notamment la loi sur les « agents de l’étranger” sur laquelle s’appuient l’attaque des procureurs russes contre Memorial, » a déclaré Olivier Pirot, directeur d’Amnesty International Luxembourg. Cette loi stigmatise les organisations de la société civile qui reçoivent des fonds de l’étranger en les obligeant à apposer la mention « agent étranger » sur leurs courriers aux autorités et sur leurs autres documents, et qui est appliquée de façon arbitraire pour faire taire les organisations de la société civile, les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s politiques.
« On ne peut pas surestimer l’urgence de veiller à ce que les deux entités de Memorial puissent poursuivre leur travail crucial de protection des droits humains. Memorial est au cœur même de la société civile russe, et en la prenant pour cible, les autorités espèrent détruire la société civile russe dans son ensemble. »
Les deux entités du Mémorial qui ont pour mission de préserver la mémoire des victimes des violations des droits humains durant la période soviétique, ont été étiquetées « agents étrangers » en 2014 et 2016 respectivement. La loi sur les « agents de l’étranger » est utilisée régulièrement en Russie pour réduire au silence les critiques du Kremlin, mais également l’ensemble des voix indépendantes. En novembre 2021, les procureurs ont engagé des poursuites pour leur liquidation, les accusant toutes deux de ne pas respecter la législation répressive sur les « agents étrangers » qui selon Amnesty International est contraire aux obligations internationales de la Russie en matière de droits humains. Ils ont également accusé le Centre des droits humains Memorial de manière absurde de « justifier le terrorisme et l’extrémisme », affichant un niveau de cynisme sans nom.
Les organisations jumelles Memorial ont été créé en 1988 pendant la vague de réformes de la pérestroïka. Le dissident soviétique et lauréat du prix Nobel de la paix Andreï Sakharov a été le premier président de Memorial jusqu’à sa mort en 1989.
Complément d’information
Les membres du personnel de Memorial sont fréquemment attaqués et menacés pour leur travail en faveur des droits humains dans le nord du Caucase et ailleurs. En 2009, Natalya Eestemirova, une membre du bureau de Memorial en Tchéchénie, a été kidnappée et tuée. Ses tueurs n´ont pas été trouvés à ce jour. L’assassinat de Natalia Estemirova n´est pas un cas unique, il a fait suite aux meurtres de l’avocat défenseur des droits humains Stanislav Markelov et de la journaliste Anastasia Babourova, commis à Moscou en janvier 2009, et d’Anna Politkovskaïa, perpétré en octobre 2006.
Depuis 2009 et le meurtre de Natalia, les journalistes, les défenseurs des droits de l´homme et les militants de la société civile en Tchétchénie continuent d’être harcelés, intimidés, attaqués, emprisonnés sous de fausses accusations et même tués comme la défenseure des droits humains Zarema Sadulaeva et son mari Alik Dzhabrailov. De nombreux enlèvements et meurtres ont été signalés depuis en Tchétchénie. De nombreux détracteurs publics des autorités tchétchènes ont été victimes de torture, de disparition forcée ou d´exécution extrajudiciaire. Les auteurs de ces crimes ont bénéficié d´une impunité totale.
Aujourd’hui encore, les collègues de Natalia travaillant à l´ONG Memorial sont menacés de mort, arrêtés arbitrairement et emprisonnés. L’inaction des autorités russes a en fait donné carte blanche aux dirigeants tchétchènes pour continuer à commettre des exactions et à réduire au silence quiconque ose s’exprimer. Récemment en 2018, le chef du bureau de Memorial en Tchétchénie, Oyub Titiev, a été arrêté sur base d´accusations de drogue forgées de toutes pièces et condamné à 4 ans. Le soutien en Russie et à l’étranger, a conduit à sa libération conditionnelle en 2019.