Amnesty International et Médecins sans Frontières appellent le Luxembourg à défendre le droit d’asile

Alors que l’Union européenne (UE) est en train d’envisager un nouveau plan d’action dont le seul et unique objectif est d’endiguer la migration à tout prix, Amnesty International Luxembourg (AIL) et Médecins sans Frontières (MSF) – Luxembourg appellent le gouvernement luxembourgeois à rejeter tout accord qui risquerait d’alimenter des violations des droits humains ou instrumentaliserait l’aide humanitaire au profit du contrôle des frontières. Les deux associations exhortent également le Luxembourg à dénoncer l’accord conclu entre l’UE et la Turquie avec lequel les États européens se sont déchargés de leur responsabilité d’accueillir ceux et celles fuyant les conflits et la persécution. " Il faut changer de politique, et ce de manière radicale, avant que le droit d’asile tel qu’on le connaît aujourd’hui, cesse d’exister ", préviennent les deux organisations.

Négocié actuellement à Bruxelles, le nouveau plan d’action trouve son inspiration dans l’accord entre l’UE et la Turquie qui est utilisé comme modèle pour déléguer la responsabilité du contrôle des migrations à des pays tiers. Alors que cet accord est présenté comme un succès par l’UE, les États refusent de voir le coût humain et les violations des droits humains qui en découlent. Les arrivées en Grèce ont peut-être chuté à la suite de l’accord, mais à quel prix? Aujourd’hui, 8 000 hommes, femmes et enfants, y compris des centaines de mineurs non accompagnés, sont bloqués sur les îles grecques, coincés dans des camps inadaptés, sans accès suffisant aux services de base, y compris la nourriture, le logement, l’eau, les soins médicaux et psychologiques ou des conseils juridiques que MSF et d’autres ONG tentent de leur fournir.

L’objectif principal de la réponse européenne est de renvoyer les réfugiés vers la Turquie, le plus rapidement possible Or, des recherches récentes menées par Amnesty International (AI) ont exposé les failles du système d’asile turc et les difficultés auxquelles se heurtent en Turquie les personnes réfugiées, qui rendent leur renvoi dans ce pays illégal.

" Notre recherche montre qu’il est erroné de penser que la Turquie est à même de respecter les droits et de subvenir aux besoins de plus de trois millions de personnes réfugiées et en quête d’asile ", explique Stan Brabant, directeur d’AIL.

Par ailleurs, le paquet financier de l’accord UE-Turquie comprend un milliard d’euros pour l’aide humanitaire. Il y a des besoins sans aucun doute en Turquie, un pays qui accueille actuellement près de trois millions de réfugiés syriens, mais cette aide a été négociée comme une récompense pour les promesses de contrôle des frontières, plutôt que d’être uniquement fondée sur les besoins humanitaires.

" L’UE est en train de conditionner l’aide humanitaire à des objectifs politiques dans le but de contrôler les flux migratoires. MSF rejette cette instrumentalisation de l’aide humanitaire", déclare Paul Delaunois, directeur général de MSF- Luxembourg.

Le droit d’asile menacé

Le droit d’asile est un droit fondamental garanti par le droit international. " Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ", rappelle l’article 14 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Or, l’accord entre l’UE et la Turquie représente une attaque sans précédent contre ce droit humain. En effet, il externalise l’octroi de l’asile à la Turquie et remet ainsi en question l’obligation légale des États d’accorder l’asile aux personnes fuyant la persécution, telle que définie par la Convention de Genève.

Un effet domino

Le 7 juin, la Commission européenne a révélé une nouvelle proposition qui vise à reproduire la logique de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie avec plus de 16 autres pays dans l’objectif de contrôler les flux migratoires. Cela inclut l’Erythrée, la Somalie, le Soudan et l’Afghanistan, quatre des dix pays qui produisent le plus grand nombre de réfugiés dans le monde. Cela signifierait enfermer les gens dans les pays mêmes qu’ils cherchent désespérément à fuir. L’Union européenne projette également de coopérer plus étroitement avec la Libye, au risque de favoriser les mauvais traitements endémiques et la détention pour une durée indéterminée, dans des conditions terribles, que subissent des milliers de réfugiés et de migrants.

Au lieu d’encourager le partage des responsabilités face à une crise migratoire internationale, ce nouveau plan d’action envoie un mauvais signal à toute la communauté internationale. L’approche restrictive de l’UE a déjà été citée par le Kenya – un pays avec une longue histoire dans l’accueil des réfugiés – pour justifier la fermeture du plus grand camp de réfugiés du monde à Dadaab. Cela impliquerait l’envoi de 330.000 personnes en Somalie, un pays en guerre.

Changeons de cap en 2016

AI et MSF appellent l’UE et ses États membres à changer radicalement leur politique envers les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants et d’abandonner leur politique de dissuasion. " Au lieu de cacher la souffrance au large des côtes, en dehors des frontières de l’Europe, les gouvernements européens et l’UE devraient accueillir les personnes de telle sorte qu’elles aient au moins une réelle opportunité de demander l’asile ", déclare David Pereira, Président d’AIL.

Pour ce faire, il est nécessaire d’améliorer les conditions de parcours des demandeurs d’asile à travers la création de voies migratoires légales et sécurisées comme par exemple les réunifications familiales, les visas humanitaires, la simplification des demandes de visas ainsi que les programmes de réinstallation et relocalisation.

Dans ce contexte, les deux organisations appellent le gouvernement luxembourgeois à dénoncer publiquement l’accord entre l’UE et la Turquie et à ne pas soutenir des accords qui risqueraient d’alimenter des violations des droits humains et instrumentaliseraient l’aide humanitaire au profit du contrôle des frontières. Le Luxembourg devrait également montrer un engagement fort en faveur de l’établissement de voies sûres et légales qui permettraient aux personnes en besoin de protection de rejoindre un lieu sûr.

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