Algérie. Informations relatives à la pratique persistante de la torture par la Sécurité militaire dans des lieux tenus secrets

Selon le rapport publié aujourd’hui par Amnesty International, les coups, les décharges électriques et l’ingestion forcée d’eau sale, d’urine ou de produits chimiques font partie des nombreuses méthodes que les forces de sécurité algériennes continuent à utiliser en bénéficiant d’une impunité constante.

Fondé sur un certain nombre de cas concrets dont l’organisation a été informée entre 2002 et 2006, le rapport montre que la « guerre contre le terrorisme » sert d’excuse pour perpétuer les actes de torture et autres mauvais traitements commis par la Sécurité militaire algérienne, service de renseignement dont la dénomination officielle est Département du renseignement et de la sécurité (DRS).

« Dans un premier temps, le président Bouteflika doit prendre acte des allégations inquiétantes d’atteintes aux droits humains recueillies dans ce rapport et s’engager en public à enquêter à leur sujet. Il doit également veiller à ce que les agents du DRS n’arrêtent plus de suspects et n’en maintiennent plus en détention et à ce que toute personne responsable d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés à des détenus soit traduite sans délai en justice », a déclaré Malcolm Smart, directeur du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Le rapport, intitulé Des pouvoirs illimités : la pratique de la torture par la Sécurité militaire en Algérie, examine plusieurs cas où des agents du DRS ont pratiqué la torture et autres mauvais traitements dans des lieux de détention secrets, sur des suspects qui ne pouvaient entrer en contact ni avec un avocat , ni avec un médecin indépendant, ni avec leur famille et ne bénéficiaient d’aucune espèce de supervision civile.

Des Algériens soupçonnés d’activités terroristes ont été renvoyés en Algérie contre leur gré par un certain nombre de pays, dont le Canada, l’Espagne, la France, l’Italie, la Malaisie et les Pays-Bas, alors même que c’est généralement le DRS qui place en détention et interroge cette catégorie de personnes.

Bien que les autorités civiles n’exercent aucun contrôle sur la conduite et les pratiques du DRS, le gouvernement du Royaume-Uni a cherché à conclure un accord en vertu duquel les ressortissants algériens pourraient être renvoyés contre leur gré compte tenu d’« assurances diplomatiques » garantissant qu’ils ne seraient pas torturés.

Les procès-verbaux d’interrogatoire établis par le DRS semblent régulièrement retenus par les tribunaux à titre de preuves, et l’absence de toute enquête sur les plaintes faisant état de torture et d’autres mauvais traitements en Algérie préoccupe Amnesty International depuis longtemps.

Les mesures successives prises par les autorités pour mettre un point final à un conflit interne qui a duré une décennie, fait environ 200 000 morts et entraîné plusieurs milliers de « disparitions » n’ont pas répondu aux préoccupations relatives aux droits humains et ont accordé une impunité généralisée aux responsables d’atteintes à ces droits.

Amnesty International a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation à propos de ces mesures. Elle s’inquiète principalement de ce qu’une loi d’amnistie votée en février 2006 prévoit l’impunité pour les crimes de droit international, y compris les actes de torture, commis par les agents du DRS.

« La négation persistante par les autorités algériennes des violations généralisées qui ont été commises montre que l’Algérie a encore beaucoup à faire pour combattre la torture et autres mauvais traitements , a affirmé Malcolm Smart. Les autorités doivent parvenir à rompre avec un sinistre passé en veillant à ce que les auteurs d’actes de torture soient punis ».

Le rapport formule une série de recommandations à l’attention du gouvernement algérien, et notamment les suivantes :

  • En raison de la persistance d’allégations de tortures commises par le DRS et de l’absence de supervision efficace des procédures d’arrestation et de mise en détention, les agents du DRS ne devraient plus être autorisés à arrêter ou à placer en détention des suspects ;
  • la législation doit être modifiée pour que toute personne mise en détention ait la possibilité de consulter un avocat dans les plus brefs délais ;
  • il faut abroger les dispositions législatives adoptées en février 2006 qui sont contraires aux obligations imposant à l’Algérie d’ordonner des enquêtes et d’engager des poursuites contre les responsables de torture et de mauvais traitements, et pénalisent la liberté d’expression au sujet des violations perpétrées par des agents de l’État.
   Amnesty International demande en outre aux gouvernements étrangers de mettre un terme aux renvois forcés en Algérie de personnes qui risquent de subir des actes de torture ou autres mauvais traitements, de cesser de faire appel aux « assurances diplomatiques », de veiller à ce que des éléments recueillis à la suite d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés en Algérie ne soient pas retenus à titre de preuve dans une procédure judiciaire, de veiller aussi à ce que les personnes arrêtées en Algérie à leur demande ne soient pas incarcérées par le DRS .