Afghanistan. L’attentat ayant visé des employés de Tolo TV est une atteinte à la liberté des médias

Amnesty International condamne fermement l’attentat-suicide ayant visé un bus transportant plus de 30 professionnels des médias liés à Tolo TV, qui a coûté la vie à sept d’entre eux et blessé 27 autres personnes, dont 26 employés de la chaîne.  

Les talibans ont revendiqué l’attentat, affirmant dans une déclaration jeudi 21 janvier qu’ils avaient tenu leur « promesse de prendre Tolo TV pour cible », ajoutant avoir commis l’attaque parce que les employés de la chaîne étaient des « éléments anti-djihad et anti-islam formés par des services de renseignement étrangers travaillant pour les Américains depuis de nombreuses années. »  

En octobre 2015, les talibans ont menacé Tolo TV, ainsi que 1 TV, déclarant que « tous les journalistes et collaborateurs de ces chaînes seront considérés comme des combattants ennemis, et leurs centres, locaux et équipes sur le terrain seront traités comme des objectifs militaires devant être directement éliminés. »  

Les journalistes qui ne prennent pas directement part aux hostilités sont définis comme des civils par le droit international humanitaire – les « lois de la guerre ». Prendre délibérément pour cible des civils ou des biens de caractère civil est une atteinte au droit international, et peut constituer un crime de guerre. Les talibans et d’autres groupes armés doivent immédiatement cesser de prendre pour cible des civils, y compris des professionnels des médias.  

Cette dernière attaque en date contre des journalistes est une atteinte à la liberté des médias dans le pays. La liberté d’expression, qui s’était développée après la chute des talibans en 2001, a subi une érosion progressive à la suite d’une série d’attaques violentes et d’actes d’intimidation visant des journalistes – notamment des homicides, attribués à des acteurs étatiques ou non -, parallèlement aux efforts déployés par le Conseil des oulémas (docteurs de la foi) et les autorités afin de réprimer la liberté des médias.  

L’organisme afghan de surveillance des médias Nai a signalé 73 attaques visant des journalistes et d’autres employés des médias en 2015, imputables dans la majorité des cas à des représentants de l’État.  

Des journalistes afghans sont victimes de menaces, de harcèlement et de violences pour avoir fait état de questions importantes d’intérêt général tel que les droits des femmes, la corruption, les chefs de guerre et l’extrémisme. Plusieurs journalistes ont déclaré à Amnesty International qu’ils s’autocensurent et s’abstiennent d’émettre des critiques ou de couvrir des questions sensibles, par crainte de représailles de la part de représentants de l’État et d’acteurs non étatiques.  

Amnesty International exhorte le gouvernement afghan à prendre de véritables mesures afin de lutter contre les violences visant les journalistes, et demande en particulier aux autorités de mener dans les meilleurs délais des enquêtes approfondies, impartiales et transparentes sur les attaques violentes, notamment celle-ci. Lorsque suffisamment d’éléments recevables sont réunis, les autorités doivent poursuivre les responsables présumés d’agressions violentes visant des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants ayant exercé leur droit à la liberté d’expression.  

Les autorités doivent également se préoccuper de la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits humains, et fournir une protection adéquate afin qu’ils puissent effectuer leur travail sans crainte d’être victimes de manœuvres d’intimidation et de harcèlement, ni d’attaques violentes.  

Le secteur des médias en Afghanistan doit par ailleurs veiller à proposer une formation, un soutien et une assistance adaptés aux journalistes, étape importante et pratique permettant de prévenir les menaces, le harcèlement et les violences auxquels ils sont exposés dans le cadre de leur travail.