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Mauritanie. Peine de mort obligatoire en cas de blasphème

La loi a été adoptée alors que le pays accueillait la CADHP.
Les autorités mauritaniennes doivent abroger la récente loi sur les infractions liées à l’apostasie, qui rend la peine de mort obligatoire en cas de « propos blasphématoires » et d’« actes sacrilèges », ont déclaré 21 organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales le 4 mai 2018.

Elles doivent également mettre fin à la détention arbitraire et garantir la sécurité du blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir. L’adoption de ce texte de loi pourrait être en lien avec l’affaire Mkhaïtir. Il a été déclaré coupable d’apostasie et condamné à mort en décembre 2014 mais sa peine a ensuite été ramenée à deux ans d’emprisonnement. Bien qu’il ait purgé sa peine, les autorités le maintiennent en détention.

Le 27 avril 2018, l’Assemblée nationale a adopté un texte qui remplace l’article 306 du Code pénal et rend la peine de mort obligatoire en cas de « propos blasphématoires » et d’« actes sacrilèges ».

La nouvelle loi supprime ainsi la possibilité, prévue par l’article 306, de remplacer la peine capitale par une peine d’emprisonnement pour certaines infractions liées à l’apostasie lorsque l’auteur se repent immédiatement. En outre, elle étend le champ d’application de la peine de mort aux « actes de rébellion ».

Elle prévoit également une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 600 000 ouguiyas (environ 13 804 euros) au maximum pour « atteinte à la décence publique et aux valeurs de l’islam » et « non-respect des interdictions prescrites par Allah » ou facilitation de leur non-respect.

L’Assemblée nationale a adopté ce texte alors que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) tenait sa 62e session ordinaire à Nouakchott, la capitale. L’ACHPR a déclaré à maintes reprises que les États devaient abolir la peine de mort ou du moins instaurer un moratoire, dans le droit fil de la tendance observée sur le continent et dans le monde entier. Plus particulièrement, elle a souligné : « Il est essentiel que, dans les États n’ayant pas encore aboli la peine de mort, celle-ci ne soit utilisée que pour les crimes les plus graves (compris comme étant ceux qui sont commis dans l’intention de tuer). […] Les personnes condamnées à mort ont le droit de solliciter la clémence, la grâce ou la commutation moyennant une procédure transparente dans laquelle toutes les garanties de procédure ont été pleinement respectées. »

Par ailleurs, l’Organisation des Nations unies (ONU) a rappelé à plusieurs reprises que le droit international relatif aux droits humains interdisait l’imposition obligatoire de la peine de mort, même pour les crimes les plus graves.

La Mauritanie n’a procédé à aucune exécution depuis 1987. Elle a ratifié de nombreux traités internationaux concernant les droits humains, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention contre la torture et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui protègent le droit à la vie. L’adoption d’un texte qui rend la peine capitale obligatoire pour certaines infractions liées à l’apostasie est un véritable retour en arrière, qui éloigne la perspective d’une abolition.

Cette adoption semble être en lien avec le cas du blogeur Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir. En 2014, un tribunal de Nouadhibou a condamné cet homme à mort pour apostasie, en vertu de l’article 306, parce qu’il avait publié sur Internet un article dénonçant le fait que la religion serve à légitimer les pratiques discriminatoires dont est victime la caste des forgerons, à laquelle il s’identifie.

Cependant, le 9 novembre 2017, la cour d’appel de Nouadhibou a ramené sa peine à deux ans d’emprisonnement et l’a assortie d’une amende, après avoir reconnu qu’il s’était repenti. Une semaine plus tard, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi visant à abroger et remplacer l’article 306.

Étant donné que Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir avait déjà passé près de trois ans en détention au moment où la cour d’appel a commué sa peine, il aurait dû être libéré. Or, il est toujours détenu au secret. Le 2 mai 2018, les autorités mauritaniennes ont informé le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) que cet homme était « en détention administrative pour sa propre sécurité ».

Tout au long de la procédure engagée à l’encontre de Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue, notamment à Nouakchott et Nouadhibou, pour réclamer sa condamnation à mort et son exécution. Pendant sa détention, Mkhaïtir a continué à recevoir des menaces de mort. Sa famille, ses amis et ses sympathisants en ont aussi reçu.

Comme Mkhaïtir, d’autres Mauritaniens qui dénoncent ouvertement l’esclavage et la discrimination dans leur pays risquent de subir des représailles, notamment d’être arrêtés arbitrairement, d’être victimes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements et de voir leurs activités ou leurs organisations interdites.

ORGANISATIONS SIGNATAIRES :

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture France, Amnesty International, Anti-Slavery International, Association des femmes chefs de famille (Mauritanie), Association mauritanienne des droits de l’homme (Mauritanie), Coalition mondiale contre la peine de mort, Comité pour la protection des journalistes, Comité de solidarité avec les victimes des violations des droits humains (Mauritanie), Ensemble contre la peine de mort, Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Forum des organisations nationales des droits de l’homme en Mauritanie (Mauritanie), Freedom Now, Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement économique et social (Mauritanie), Human Rights Watch, Initiative de la résurgence du mouvement abolitionniste (Mauritanie), Union internationale humaniste et éthique, PEN America, PEN International, Reporters sans frontières, SOS Esclaves (Mauritanie), Touche pas à ma nationalité (Mauritanie).

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