Au Mali, des mineurs, dont certains âgés de 13 ans seulement, qui ont été engagés comme enfants soldats par des groupes armés ou sont soupçonnés d’être liés à ces groupes, sont actuellement détenus avec des adultes par les forces maliennes. Certains affirment avoir été torturés. C’est ce qu’Amnesty International révèle à l’issue d’une visite de quatre semaines dans le pays.
Les délégués de l’organisation se sont entretenus avec neuf enfants âgés de 13 à 17 ans, détenus avec des adultes à la Maison centrale d’arrêt et au Camp I de la gendarmerie à Bamako, la capitale, parce qu’ils étaient soupçonnés d’association avec des groupes armés.
L’un d’eux, un berger âgé de 15 ans, avait été arrêté par les forces tchadiennes à Intouké – dans la région septentrionale de Kidal – puis remis aux forces françaises. Il a raconté qu’on ne lui avait pas demandé son âge, et qu’aucun entretien n’avait eu lieu dans sa langue maternelle, le tamasheq (la langue touareg), avant qu’il ne soit remis à la gendarmerie malienne à Bamako. Pendant le voyage en avion, il avait les yeux bandés et les mains et les pieds liés.
Certains des enfants ont déclaré avoir été torturés ou maltraités par les forces maliennes.
« Ils m’ont suspendu au plafond pendant un quart d’heure et ils m’ont menacé de me donner des décharges électriques. Ils ont menacé de me tuer, » a raconté l’un d’eux à Amnesty International.
« Aux termes du droit international, les enfants détenus doivent être séparés des adultes. Le droit malien interdit également de placer des enfants en détention avec des adultes. Il incombe aux autorités maliennes de prévenir l’UNICEF lorsqu’elles arrêtent des enfants soupçonnés d’association avec des groupes armés, afin que leurs familles puissent être identifiées et leur cas traité par des professionnels de la protection de l’enfance », a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur d’Amnesty International sur le Mali.
Ces enfants ont été inculpés de diverses infractions : association de malfaiteurs, rébellion, atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État et actes de terrorisme.
D’autres enfants, arrêtés en raison de leurs liens présumés avec des groupes armés, ont été remis à l’UNICEF par la gendarmerie malienne et les forces françaises.
Certains s’étaient rendus ou avaient été arrêtés par les forces armées maliennes, françaises ou tchadiennes à la suite de l’opération militaire qui avait été lancée en janvier de cette année pour reprendre le nord du Mali, tombé aux mains de groupes armés en avril 2012.
D’autres enfants n’ont pas encore été localisés, ce qui fait craindre qu’ils ne soient encore liés à des groupes armés ou qu’ils ne se cachent au sein de leurs communautés de peur de subir des représailles ou d’être placés en détention.
Depuis le début du conflit au Mali, en janvier 2012, des organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International ont dénoncé le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats par des groupes armés et des milices d’autodéfense soutenues par les autorités maliennes.
Amnesty International exhorte les autorités maliennes, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et d’autres organes de l’ONU de tenter d’établir des contacts avec des communautés locales afin d’aider les enfants qui avaient rejoint des groupes armés et qui, actuellement, se retrouvent dans la clandestinité. Il appartient en outre à ces instances de développer des programmes de réinsertion et de réintégration des anciens enfants soldats.
L’organisation a aussi demandé la libération de tous les enfants détenus par des groupes armés – dont le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, un mouvement touareg), et Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) – ainsi que par des milices d’autodéfense soutenues par les autorités maliennes.
Le Rapport 2012 du Secrétaire général des Nations unies sur le sort des enfants en temps de conflit armé, publié cette semaine, a pour la première fois explicitement nommé des parties au conflit au Mali comme étant responsables du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats, ainsi que de violences sexuelles à l’encontre d’enfants.
« Les responsables de la MINUSMA doivent absolument mettre au premier plan des priorités la question des enfants soldats et des autres enfants associés aux forces armées », a déclaré Gaëtan Mootoo.