Le président de la FIFA, Gianni Infantino, n’est plus à même de préserver l’indifférence de son organisation face aux atteintes aux droits humains commises au Qatar, a déclaré Amnesty International jeudi 14 avril, à la suite de la publication d’un rapport mettant en lumière de graves failles concernant la politique et les pratiques de la FIFA. La FIFA a demandé en décembre 2015 à John Ruggie, enseignant à la Kennedy School de Harvard, d’examiner les pratiques commerciales de cette organisation et de présenter un rapport. Ce rapport présente des réformes de grande ampleur en matière de droits humains, mais il ne pointe pas spécifiquement du doigt la crise des droits humains au Qatar, où des milliers de travailleurs embauchés sur des chantiers de la Coupe du monde sont exposés à des abus. « La FIFA pratique la politique de l’autruche en ce qui concerne les abus commis au Qatar depuis plus de cinq ans, et préfère se dire et déclarer à la face du monde que les autorités qatariennes vont régler les problèmes. Il n’en est rien, et à présent seule une action concertée de la FIFA visant à empêcher les abus sur les sites de la Coupe du monde permettra de sauver l’âme de la Coupe du monde Qatar 2022, a déclaré Mustafa Qadri, chercheur sur les droits des migrants dans les pays du Golfe à Amnesty International. « Le rapport Ruggie souligne que la FIFA a "un long chemin à parcourir" pour que soit respecté son "engagement initial en matière de droits humains". Mais les travailleurs migrants au Qatar ne peuvent plus attendre. Ils ont besoin maintenant d’une protection de leurs droits humains. Alors que la FIFA tarde à réagir, ils sont exposés à toute une série d’abus, y compris au travail forcé. Gianni Infantino ne peut pas se réfugier derrière ce rapport. Il doit sans plus tarder prendre des mesures concrètes pour remédier aux abus commis au Qatar. » Un ensemble de mesures claires ont déjà été formulées à l’intention de la FIFA Le 31 mars 2016, Amnesty International a rendu public un rapport exposant des abus commis contre des ouvriers des chantiers de construction du Khalifa international stadium à Doha, au Qatar, qui accueillera une demi-finale de la Coupe du monde en 2022. La FIFA a réagi avec indifférence face à ces abus, qui dans certains cas constituaient du travail forcé. Ce rapport, intitulé Le revers de la médaille. Exploitation sur un site de la Coupe du monde de football Qatar 2022 (Synthèse), exhortait la FIFA à : · rendre public un cadre pour les droits humains comprenant des mesures concrètes et des comptes rendus périodiques permettant de veiller à ce que la Coupe du monde 2022 ne soit pas bâtie par des travailleurs exploités ;
· mener ses propres inspections indépendantes et régulières des conditions de travail au Qatar, et rendre publics les activités d’enquête, les résultats de ces enquêtes et les mesures prises pour remédier aux problèmes ;
· appeler publiquement les autorités qatariennes à publier un calendrier de réformes systématiques à mettre en œuvre en amont du pic d’activité prévu pour mi-2017, où le nombre d’ouvriers travaillant sur les chantiers de la Coupe du monde devrait alors atteindre les 36 000. La FIFA n’a pas encore mis en œuvre ces recommandations. Complément d’information – Une longue liste d’abus mis en lumière Le rapport d’Amnesty International présentait des informations sur les conditions de vie des travailleurs, qui vivaient dans des logements sordides et surpeuplés, faisaient l’objet de menaces visant à les dissuader de se plaindre au sujet de ces conditions, et étaient privés de paie pendant plusieurs mois. Des employeurs ont également confisqué des passeports de travailleurs, ou refusé de leur remettre un permis de séjour ou de sortie du Qatar, ce qui signifie que ces derniers ne pouvaient pas quitter le pays ou leur travail, sous peine d’être arrêtés ou expulsés du pays en tant que travailleurs « fugueurs ».
Amnesty International a également rassemblé des éléments prouvant qu’une entreprise de fourniture de main-d’œuvre a menacé des migrants de leur imposer des pénalités afin de les obliger à travailler ; elle a notamment menacé de retenir leur salaire, de les livrer à la police ou de les empêcher de quitter le Qatar. De telles pratiques constituent une forme de travail forcé aux termes du droit international.