Lutter contre l’impunité en République démocratique du Congo (RDC) : le témoignage d’une défenseure des droits humains

Le 7 avril 2011, la section luxembourgeoise d’Amnesty a eu le plaisir d’accueillir au Luxembourg Marie Mossi, défenseure des droits humains congolaise, en visite au Grand-duché pour sensibiliser l’opinion publique et les décideurs politiques sur la situation des droits humains dans son pays, en particulier, sur l’impunité pour crimes de guerre et autres graves violations des droits humains, et sur les difficultés auxquelles font face les défenseurs des droits humains congolais. La RDC a connu l’un des conflits les plus sanglants du continent africain : 3,8 millions de civils auraient trouvé la mort entre 1993-2003. Mais aujourd’hui encore des civils sont la cible d’attaques dans la région du Kivu. La publication récente d’un rapport de cartographie des Nations unies, répertoriant des violations manifestes des droits humains de 1993 à 2003, constitue un premier pas important dans la lutte contre l’impunité. Il est cependant crucial de donner un suivi à ce rapport et de demander justice et réparation pour les victimes. Ce rapport « mapping » expose en effet plus de 600 incidents, mettant en cause les armées étrangères de plusieurs pays d’Afrique Centrale, y compris le Rwanda et l’Ouganda, mais aussi un nombre important de seigneurs de la guerre qui occupent toujours des postes importants au sein de l’armée et des services de sécurité et même au niveau du gouvernement congolais. Ceci qui rend impossible la tâche de mettre fin aux abus et de rendre justice aux victimes. De plus, l’impunité est consacrée par un système judiciaire qui souffre de la corruption généralisée, du défaut de ressources et d’infrastructures, de conditions de détention déplorables, de l’insuffisance de formation des magistrats et du personnel judiciaire ou encore du manque d’indépendance de la justice. « Des magistrats veulent enquêter sur les personnes ayant commis des crimes lors des conflits, mais ils sont souvent impuissants face à la pression exercée sur eux par le pouvoir exécutif » explique Marie Mossi. Des juges, même de bonne volonté, sont paralysés par la peur de perdre leur poste ou d’être mutés intempestivement. Ayant milité au sein de différentes organisations congolaises de défense des droits humains, Marie Mossi est vice-présidente de l’ ASADHO (Association africaine de défense des droits humains) et membre du RAF (Réseau d’ Action Femmes). Ayant bien connu l’éminent défenseur des droits humains congolais Floribert Chebeya, assassiné le 2 juin 2010, elle parle du climat de peur qui règne parmi les défenseurs des droits humains qui sont souvent victimes de manoeuvres d’intimidation et de harcèlement. « Les défenseurs ont de plus en plus peur, alors qu’avec les élections qui approchent, il y a un travail important d’éducation civique à faire avec la population », déclare Madame Mossi. Quant à son travail avec les enfants soldats et les femmes ex-combattantes, Marie Mossi dénonce l’insuffisance des ressources pour les programmes de démobilisation et de rééducation. Un travail à long terme est nécessaire pour que ces personnes, traumatisées par les violences qu’elles ont subies ou qu’elles ont commises pendant les conflits, puissent réintégrer la société. La visite au Luxembourg de Marie Mossi a été finalement l’occasion pour elle de rencontrer Madame Jacobs, Ministre de la Coopération, et Monsieur Frieden, Directeur des Affaires Politiques du Ministère des Affaires Etrangères, afin de discuter du rôle que le Luxembourg pourrait jouer dans la lutte contre l’impunité en RDC et dans l’aide aux victimes. Lors de ces rencontres, Marie Mossi et les membres de la délégation d’AI-Luxembourg ont mis l’accent sur la nécessité d’accorder une aide financière et politique à la réforme du système judiciaire en RDC, en particulier en matière de lutte contre l’impunité et d’apporter des ressources à long terme aux organisations locales qui viennent en aide aux victimes des violations des droits humains et qui défendent les droits humains de manière générale.