Yémen. Le bombardement d’un hôpital de MSF pourrait constituer un crime de guerre

Une enquête indépendante et approfondie doit être ouverte de toute urgence sur le possible crime de guerre que constituent l’attaque et la destruction, semble-t-il délibérées, d’un hôpital soutenu par Médecins sans frontières (MSF) dans le nord du Yémen dans la nuit du 26 au 27 octobre 2015, a déclaré Amnesty International mardi 27 octobre 2015.

Selon des sources sur le terrain, le 26 octobre vers 23 h 30, des forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite auraient mené jusqu’à six raids aériens consécutifs contre l’hôpital d’Haydan, situé dans le district du même nom, dans le gouvernorat de Saada. Plus de 20 personnes se trouvaient alors à l’intérieur, dont trois patients et du personnel médical et autre. Sept membres du personnel ont été blessés, mais ils n’ont pas pu être emmenés dans un autre hôpital – celui de Saada, à 60 kilomètre de là – avant 7 heures du matin par crainte de nouvelles frappes.

« Il semble que ces raids contre l’hôpital d’Haydan constituent une attaque illégale portant préjudice à des civils et à des biens de caractère civil. La répétition des frappes aériennes indique une volonté délibérée de prendre pour cible l’établissement médical. C’est un nouveau jour funeste pour les civils », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Les hôpitaux et les structures médicales doivent être respectés et protégés en toutes circonstances. Ils ne perdent leur protection contre les attaques que s’ils sont utilisés à des fins militaires. La destruction de celui-ci signifie la perte de soins humanitaires vitaux pour les civils de quatre districts du nord du Yémen. »

Le personnel de l’hôpital a confirmé cette attaque, affirmant avoir été témoin de deux raids aériens consécutifs avant de fuir les lieux. Trois ou quatre autres frappes aériennes ont été signalées, à environ cinq minutes d’écart. Selon Hassan Boucenine, chef de mission de MSF au Yémen, la coalition menée par l’Arabie saoudite dispose des coordonnées GPS de tous les hôpitaux de MSF dans le pays, y compris celui d’Haydan.

Le directeur de l’hôpital, Ali al Mughli, a indiqué que l’établissement avait été totalement détruit, à l’exception des salles de stockage. Il a affirmé que, si l’hôpital recevait souvent des combattants blessés, aucune activité militaire ne s’y déroulait au moment de l’attaque.

Haydan se trouve à 60 kilomètre au sud-est de la ville de Saada, où les blessés ont été emmenés. Ali al Mughli a expliqué qu’il avait fallu attendre avant de les conduire dans cette ville, à l’hôpital al Jamhouri, car les convois de personnes sont aussi pris pour cible, ce qui signifie que même les ambulances ne sont pas protégées. L’hôpital a également perdu 60 litres d’essence et 1 000 litres de gasoil dans cette attaque, ce qui constitue une perte considérable en cette période de pénurie de carburant.

Ce n’est pas la première fois qu’un hôpital est la cible d’un raid aérien dans le gouvernorat de Saada depuis le début de l’intervention de la coalition menée par l’Arabie saoudite en mars 2015. Le 4 septembre 2015, la coalition aurait bombardé l’hôpital al Shara, à Razih, dans l’ouest du gouvernorat de Saada, tuant six patients et en blessant six autres. Des membres de MSF qui se sont rendus sur place après l’attaque ont affirmé que rien n’indiquait une quelconque utilisation de l’hôpital à des fins militaires. « Nous appelons toutes les parties au conflit à respecter et à protéger le personnel et les établissements médicaux et à prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger les civils pris dans le conflit. Une enquête indépendante doit être menée afin de déterminer pourquoi des hôpitaux et leurs patients sont pris pour cible, au lieu d’être protégés comme l’impose le droit international humanitaire », a déclaré Philip Luther.

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