Une nouvelle coalition mondiale exhorte les gouvernements à réglementer les technologies de surveillance

Les dirigeants du monde doivent faire en sorte que les technologies et les systèmes intrusifs de surveillance ne se retrouvent pas entre les mains de dictateurs ou de régimes répressifs, a déclaré une nouvelle coalition mondiale d’organisations de défense des droits humains à l’occasion de son lancement à Bruxelles, le 4 avril.

La Coalition contre l’exportation illégale de technologies de surveillance (CAUSE), qui regroupe Amnesty International, Digitale Gesellschaft, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), Human Rights Watch, New America Foundation’s Open Technology Institute, Privacy International et Reporters sans frontières, demande que les gouvernements et les entreprises privées rendent des comptes pour les atteintes aux droits humains liées au commerce international des technologies de surveillance des communications, commerce en pleine croissance qui représente plus de 3,5 milliards d’euros. Les gouvernements utilisent de plus en plus les logiciels et les équipements d’espionnage et les outils connexes pour bafouer le droit au respect de la vie privée et nombre de droits humains.

« Ces technologies permettent aux régimes d’écraser la dissidence et la critique, de supprimer la liberté d’expression et de piétiner les droits fondamentaux. La coalition CAUSE a recensé plusieurs cas où les technologies de surveillance de communication ont servi à espionner la vie privée des gens, mais ont aussi aidé les gouvernements à emprisonner et torturer leurs détracteurs », a déclaré Ara Marcen Naval, coordonnatrice Contrôle des armes, commerce de la sécurité et droits humains à Amnesty International.

« Un nombre croissant d’éléments de preuve montre que ces technologies de surveillance sont utilisées par les régimes répressifs pour piétiner allègrement les droits des individus. Le développement, la vente et l’exportation non contrôlés de ces technologies n’est pas justifiable. Les gouvernements doivent prendre rapidement des mesures pour empêcher qu’elles ne se retrouvent entre des mains dangereuses », a déclaré Kenneth Page, chargé de la politique à Privacy International. 

Dans une lettre ouverte publiée le 4 avril sur le site de CAUSE (http://www.globalcause.net), les organisations tirent la sonnette d’alarme face au commerce mondial très peu réglementé des équipements de surveillance des communications.

Le site détaille les différentes technologies conçues et fournies par des compagnies privées et braque les projecteurs sur les pays où ces entreprises ont leur siège. Il révèle que ces technologies sont utilisées dans divers pays tels que Bahreïn, le Brésil, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, l’Éthiopie, la Libye, le Nigeria, le Maroc, le Turkménistan, les Émirats arabes unis. 

« Personne n’est à l’abri du danger que représentent ces technologies pour le droit à la vie privée et bien d’autres droits fondamentaux. Ceux qui surveillent aujourd’hui seront surveillés demain, a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH. CAUSE a été créée pour réclamer une réglementation responsable de ce commerce et mettre fin aux violations des droits humains qu’il favorise. »

Bien que plusieurs gouvernements commencent à débattre de la façon de restreindre ce commerce, des préoccupations subsistent. Sans une pression internationale exercée de manière soutenue sur les gouvernements pour mettre en place des contrôles rigoureux et globaux fondés sur les normes internationales relatives aux droits humains, cette technologie intrusive en plein essor continuera de proliférer, générant de nouvelles atteintes aux droits humains.

« Les gouvernements doivent saisir cette occasion unique de faire face à ce problème et revoir leurs réglementations en vue de s’aligner sur les évolutions technologiques », a déclaré Tim Maurer, chargé des recherches à New America’s Open Technology Institute. 

« Un nombre croissant de journalistes, de cybercitoyens et de dissidents se retrouvent derrière les barreaux parce que leurs communications en ligne ont été interceptées. Il est essentiel d’adopter un cadre juridique qui protège les libertés numériques, tant au regard de la question globale de la surveillance d’Internet que du problème particulier des entreprises qui exportent des outils de surveillance », a déclaré Grégoire Pouget, expert en sécurité numérique à Reporters sans frontières.

« Nous avons observé les effets dévastateurs de ces technologies sur la vie des gens et le fonctionnement de la société civile. L’inaction ne fera qu’enhardir les négociants et les agences de sécurité totalement irresponsables, normalisant la surveillance arbitraire par l’État. Nous invitons les gouvernements à collaborer et à prendre rapidement des mesures responsables », a déclaré Wenzel Michalski, directeur Allemagne à Human Rights Watch. 

Ces technologies sont notamment : les logiciels malveillants qui permettent l’extraction furtive de données sur des ordinateurs personnels, les outils utilisés pour intercepter les échanges de télécommunications, les logiciels espions permettant de géolocaliser les téléphones portables, les centres de surveillance qui permettent aux autorités de suivre des populations entières, les écoutes anonymes et les caméras espions sur les ordinateurs et les téléphones portables, et les appareils utilisés pour mettre sur écoute les câbles sous-marins en fibres optiques afin de surveiller et filtrer l’Internet de masse.

« En tant que membres de la coalition CAUSE, nous appelons les gouvernements à agir immédiatement pour enrayer la prolifération de cette technologie dangereuse et garantir un contrôle efficace de ce commerce, dans la transparence et la responsabilisation » a déclaré Volker Tripp, chargé de la politique à Digitale Gesellschaft. 

Les ONG regroupées au sein de CAUSE ont cherché à savoir comment ces technologies finissent entre les mains d’agences de sécurité qui affichent un bilan consternant en termes de droits humains, donnant les moyens aux agents de sécurité de s’attaquer arbitrairement à des journalistes, des manifestants, des organisations de la société civile et des opposants politiques.

Voici des exemples de cas recensés par les membres de la coalition :  – des technologies de surveillance allemandes utilisées pour aider à torturer à Bahreïn ; – des logiciels malveillants conçus en Italie qui ont aidé les autorités du Maroc et des Émirats arabes unis à réprimer la liberté d’expression et emprisonner les détracteurs ;  – des logiciels de surveillance vendus par des entreprises européennes au gouvernement du Turkménistan, pays bien connu pour réprimer violemment la dissidence.

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