Human rights activist Mahinour El-Masry was sentenced to two years in prison last month after she participated in a protest last December.© AP/Graphics.

Une avocate des droits humains est la dernière victime de la loi répressive sur les manifestations en Égypte

Les autorités égyptiennes doivent annuler la condamnation d’une avocate spécialisée dans la défense des droits humains, incarcérée pour avoir pris part à une manifestation pacifique, a déclaré Amnesty International à la veille de l’audience d’appel prévue samedi 28 juin.

Mahinour El Masry, bien connue en Égypte pour son militantisme politique et son travail en faveur des droits humains, a été condamnée à deux ans de prison le mois dernier, pour avoir participé à une manifestation en décembre 2013. Ce rassemblement était pacifique, mais certains manifestants ont usé de violence lorsque la police l’a dispersé par la force.

" Aucun élément de preuve ne laisse à penser que Mahinour El Masry ait pris part à des violences contre les forces de sécurité. Son cas s’inscrit dans une série de tentatives systématiques des autorités égyptiennes de museler la dissidence, notamment en utilisant la loi relative aux manifestations promulguée en novembre 2013, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.

" Mahinour El Masry est une prisonnière d’opinion, déclarée coupable et condamnée uniquement pour avoir manifesté pacifiquement. Elle doit être libérée immédiatement et sans condition. "

En janvier, Mahinour El Masry a été condamnée par le tribunal correctionnel d’Alexandrie, en son absence, à deux ans de prison, verdict confirmé en appel au mois de février. Ce jugement a été annulé, Mahinour El Masry ayant contesté les décisions rendues en son absence et un nouveau procès ayant été ordonné. Elle a alors été condamnée le 20 mai 2014 par le tribunal correctionnel d’Alexandrie à deux ans de prison et à une amende de 50 000 Livres égyptiennes (environ 5 000 euros), pour participation à une manifestation non autorisée et agression envers les forces de l’ordre.

Après l’examen des vidéos et des photographies prises lors de la manifestation et après des entretiens avec des participants et une organisation locale de défense des droits humains, Amnesty International a conclu que Mahinour El Masry n’était pas impliquée dans les violences.

Le 2 décembre 2013, des manifestants se sont rassemblés devant le tribunal pénal d’Alexandrie, où étaient rejugés les deux policiers accusés d’avoir tué Khaled Said, un jeune homme mort en juin 2010 après avoir été roué de coups en public par des policiers. Les forces de sécurité ont dispersé ce rassemblement à l’aide d’un canon à eau et de gaz lacrymogènes, et appréhendé plusieurs manifestants et au moins un passant. Un membre des forces de sécurité a été pris en photo en train d’asséner des coups de matraque à l’un des manifestants.

Certaines personnes présentes sur les lieux ont alors affronté les forces de sécurité, leur lançant des pierres et d’autres objets. En janvier, le tribunal pénal d’Alexandrie a condamné quatre autres manifestants arrêtés lors de la manifestation à deux années de prison, pour avoir manifesté sans autorisation et attaqué les forces de sécurité.

Il s’agit notamment du poète Omar Hazek et de l’étudiant Islam Hasanien, qui, d’après les avocats et les manifestants, n’avaient pas pris part à la manifestation. Comme pour Mahinour El Masry, leurs condamnations ont été confirmées en appel, en leur absence, au mois de février.

Amnesty International a invité à plusieurs reprises les autorités égyptiennes à abroger la loi relative aux manifestations. Depuis son entrée en vigueur en novembre 2013, les forces de sécurité ont interpellé des dizaines de manifestants ayant pris part à des manifestations non autorisées.

Beaucoup ont fait l’objet de poursuites pénales.

" Cette loi permet aux autorités égyptiennes d’interdire les manifestations selon leur bon vouloir et donne aux forces de sécurité carte blanche pour recourir à la force, y compris aux armes à feu, contre les manifestants pacifiques, en violation flagrante du droit international. Elle fait clairement savoir qu’il n’y a pas de place en Égypte aujourd’hui pour des activités militantes qui ne soient pas cautionnées par l’État ", a déclaré Philip Luther. Le 21 juin, 23 personnes ont été interpellées au Caire à la suite d’une manifestation contre cette loi.

Parmi elles figurent Yara Sallam, défenseure des droits des droits humains et notamment des droits des femmes qui travaille pour l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne, et Sanaa Seif, militante et sœur du militant incarcéré Alaa Abdel Fattah. Ces deux femmes sont des prisonnières d’opinion et doivent être relâchées sans délai et sans condition.