Tunisie : Des failles dans le nouveau projet de loi antiterroriste

Il faut renforcer les garanties des suspects en détention et abolir la peine de mort

– Les législateurs tunisiens devraient abandonner certaines dispositions problématiques contenues dans le dernier projet de loi antiterroriste.

Telle est l’opinion exprimée par neuf organisations non gouvernementales dans une lettre commune adressée aujourd’hui au parlement. Le projet de loi permettrait une garde à vue prolongée, affaiblirait les garanties d’une procédure régulière pour les personnes inculpées d’actes liés au terrorisme, et autoriserait la peine de mort.

« Alors que la Tunisie intensifie ses efforts pour lutter contre le terrorisme, elle doit veiller à ce que toute action visant à assurer sa sécurité ne sacrifie pas les droits humains.» a déclaré Philip Luther directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Le gouvernement a soumis le nouveau texte au parlement le 26 mars 2015, à la suite de l’attaque du musée du Bardo au cours de laquelle 22 touristes étrangers avaient trouvé la mort. Après qu’un homme armé a tué 38 touristes dans un hôtel de Sousse le 26 juin dernier, les autorités ont annoncé l’accélération de la procédure d’adoption de la loi. Actuellement, les débats sont en cours à la commission de législation générale du parlement.

Le projet de loi antiterroriste que propose le gouvernement tunisien autoriserait la police à maintenir un suspect en garde à vue pendant une durée maximale de 15 jours sur simple accord d’un procureur et sans comparution de la personne devant un juge. Pendant ce délai, le suspect ne serait pas autorisé à communiquer avec un avocat ou avec sa famille, ce qui accentue le risque de mauvais traitement ou de pratique de torture. Aux termes du droit tunisien actuel, les autorités peuvent détenir un suspect en garde à vue pendant six jours au maximum, y compris en cas d’accusation de crimes liés au terrorisme. Le projet de loi prévoirait la peine de mort pour toute personne inculpée d’acte terroriste ayant entraîné la mort, allongeant ainsi la liste des actes sanctionnés par la peine capitale selon le droit national, alors qu’en fait la Tunisie observe un moratoire sur les exécutions depuis 1991.

Le projet de loi conserve également quelques-uns des défauts du texte proposé précédemment, dont sa définition vague et ambiguë du terrorisme qui laisserait au gouvernement la possibilité de réprimer toute une partie des libertés protégées à l’échelle internationale. Le texte pourrait, par exemple, ouvrir la voie à des poursuites pour acte de terrorisme en cas de manifestation publique ayant porté « atteinte à la propriété publique ou privée » ou perturbé des services publics. 

Cosignataires 
Amnesty International
Article 19 
Avocats Sans Frontières – Belgique
Euro Mediterranean Human Rights Network
Fédération Internationale des Droits de l’Homme
Human Rights Watch
Organisation Mondiale Contre la Torture
Reporters Sans Frontières
The Carter Center