Une spirale du silence en Thaïlande © AFP/Getty Images

Thaïlande. La répression de la liberté d’expression crée une spirale du silence


Les autorités militaires de la Thaïlande doivent mettre un terme à la détérioration inquiétante de la liberté d’expression et de réunion pacifique, et notamment à l’utilisation effrénée de la loi relative au crime de lèse-majesté, a déclaré Amnesty International à l’approche de la Journée des droits de l’homme, le 10 décembre.

« Nous assistons à une spirale du silence en Thaïlande : de sévères et incessantes restrictions répriment la liberté d’expression et étouffent une société civile autrefois très dynamique, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Supprimer tout espace de débat et emprisonner les critiques pacifiques en utilisant la loi répressive relative au crime de lèse-majesté n’aidera en rien à la “réconciliation nationale” promise par les autorités. »

Celles-ci sont extrêmement intolérantes vis-à-vis de ce qu’elles perçoivent comme des critiques. La censure va des contrôles de séminaires universitaires aux pressions exercées sur les médias – les autorités appellent régulièrement les rédacteurs en chef et, ces dernières semaines, elles les ont menacés de poursuites s’ils contrevenaient aux restrictions concernant les sujets qu’ils peuvent couvrir.

Les réunions de plus de cinq personnes demeurent interdites. Dix-neuf manifestants pacifiques ont été arrêtés au cours du dernier mois pour avoir fait le salut du film Hunger Games et huit autres pour avoir distribué des tracts.

« La Journée des droits de l’homme est l’occasion, pour les citoyens du monde entier, de célébrer les progrès réalisés sur le plan des droits humains. Malheureusement, la Thaïlande n’a pas grand-chose à célébrer cette année, a déclaré Richard Bennett.

«  Des garanties complètes en matière de protection des droits humains – notamment de la liberté d’expression et de réunion pacifique – doivent être réintégrées dans la Constitution et respectées dans la pratique.  »

La loi relative au crime de lèse-majesté

Depuis que l’armée a pris le pouvoir, le 22 mai 2014, au moins 24 personnes ont été arrêtées pour avoir soi-disant enfreint l’article 112 du Code pénal – la loi relative au crime de lèse-majesté, qui interdit toute critique de la famille royale thaïlandaise.

Les arrestations se sont multipliées au cours des dernières semaines. Au moins 12 personnes ont été arrêtées pour crime de lèse-majesté depuis un mois et, selon la police, des dizaines d’autres pourraient être appréhendées et inculpées avant la fin de l’année.

« L’utilisation abusive de la justice et le recours incessant à une législation répressive – notamment à la loi relative au crime de lèse-majesté – pour faire taire les personnes considérées comme des dissidents doit cesser immédiatement, a déclaré Richard Bennett.

« La loi relative au crime de lèse-majesté, formulée dans des termes vagues, érige en infraction l’expression pacifique d’opinions et bafoue le droit à la liberté d’expression, que la Thaïlande est tenue de respecter en vertu du droit international. Elle doit être suspendue immédiatement et révisée afin d’être rendue conforme aux engagements du pays en matière de droits humains. »

Les personnes arrêtées au titre de cette loi font l’objet de procès à huis clos devant des tribunaux militaires, dont les observateurs sont exclus, et n’ont pas le droit de faire appel de leur jugement – autant de violations flagrantes du droit à un procès équitable.

Lors du dernier procès en date pour « lèse-majesté » – qui serait le huitième depuis le coup d’État – Prasit Chaisrisa, ancien député du parti Pheu Thai, a été condamné le 3 décembre à cinq ans d’emprisonnement dont 30 mois ferme pour un discours jugé insultant envers le roi.

Dans une autre affaire récente, le 8 décembre, les autorités auraient convoqué pour un interrogatoire une habitante du nord-est qui avait publié une photo sur laquelle elle et des amis portaient des vêtements noirs le jour de l’anniversaire du roi, le 5 décembre.

Les personnes soupçonnées de « lèse-majesté » se voient régulièrement refuser la libération sous caution au motif que leur cas relève de la « sécurité nationale ». Depuis son arrestation en 2011, Somyot Prueksakasemsuk, rédacteur de site Internet condamné pour lèse-majesté en janvier 2013, a vu ses 16 demandes de libération sous caution rejetées, y compris durant sa procédure en appel.

« Amnesty International considère toutes les personnes emprisonnées uniquement pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions comme des prisonniers d’opinion, qui doivent être libérés immédiatement et sans condition  », a déclaré Richard Bennett.