Plus de 1 000 personnes, dont de nombreuses familles fuyant le conflit en Syrie, en Afghanistan et en Irak, sont bloquées dans une situation épouvantable et qui se dégrade rapidement le long d’une autoroute serbe depuis que les autorités hongroises ont fermé le point de passage de la frontière, a déclaré Amnesty International mercredi 16 septembre depuis Horgoš en Serbie.
Les organisations humanitaires, notamment l’agence des Nations unies pour les réfugiés, ont été quasiment absentes jusqu’à présent et la seule réaction des autorités serbes a été d’envoyer quelques policiers à la frontière. Des centaines de réfugiés dorment à la dure sur une autoroute fermée ; ils ne disposent que d’une assistance ponctuelle fournie par des bénévoles et n’ont qu’un accès extrêmement restreint à de la nourriture, à l’eau courante et à des toilettes.
« Les réfugiés avec qui nous avons parlé nous ont fait part de l’incertitude et de l’indignation qu’ils ressentent alors qu’ils ne savent plus que faire et manquent totalement d’informations. Ils sont bloqués dans un no-man’s land au niveau de la frontière serbe et de la clôture à la frontière hongroise », a déclaré Tirana Hassan, directrice du programme Réaction aux crises à Amnesty International, depuis Horgoš.
« Un plus grand nombre encore de réfugiés affluent aujourd’hui et la situation se dégrade rapidement. Les autorités serbes et l’Union européenne savaient que cela allait arriver mais elles n’ont pas pris de mesures adéquates pour y faire face, et en conséquence des centaines de personnes faisant partie des plus vulnérables se retrouvent coincées entre le fil barbelé rasoir et une terrible incertitude quant à la suite des événements. »
La délégation d’Amnesty International a parlé avec une femme afghane qui a deux jeunes enfants, dont un fils de huit ans atteint d’un cancer. Depuis la fermeture de la frontière hongroise, ils dorment à la dure et possèdent très peu de choses : sa petite fille n’a même pas de chaussures. Leur bien le plus précieux, c’est le dossier médical du petit garçon.
Comme le secteur du point de passage de la frontière se trouve le long d’une autoroute et en rase campagne, il n’y a ni abris ni nourriture, et l’accès à l’eau courante et à des toilettes est extrêmement limité. Les réfugiés font ce qu’ils peuvent pour rester maîtres de la situation mais les conditions sont très difficiles ; un panneau de fortune rédigé en arabe et en anglais implorait les gens de ne pas « polluer les environs du camp avec [leurs] excréments [sic] ».
Ceux qui ont des tentes les utilisent mais des centaines de réfugiés doivent dormir à la dure sur l’autoroute ou au bord de la route. Amnesty International a parlé avec une famille de 10 personnes venant de Syrie qui possédait une unique tente dans laquelle seuls les enfants pouvaient dormir. D’autres familles qui n’ont rien pour s’abriter sont exposées aux éléments, et certaines cherchent refuge dans des bois à proximité.
L’assistance est fournie de façon ponctuelle, sans que des mesures coordonnées aient été mises en place par le gouvernement serbe jusqu’à présent. Les bénévoles distribuent du lait et des articles de première nécessité, mais cela représente une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux besoins d’aide humanitaire. Les gens ne peuvent pas satisfaire leurs besoins élémentaires ; ils ne peuvent même pas nourrir leur famille, ce qui représente une atteinte supplémentaire à leur dignité.
Les chercheurs d’Amnesty International ont vu un grand nombre de personnes extrêmement vulnérables, dont beaucoup avec un handicap, qui ne disposaient d’aucune aide spécialisée. Une jeune fille de 16 ans en fauteuil roulant venant de Kobané, en Syrie, a dit à l’organisation qu’elle et sa sœur ne pouvaient pas prendre de chambre dans un hôtel car elles n’avaient pas de papiers et qu’elles avaient été forcées de passer la nuit dans le camp de fortune, où une famille les a finalement accueillies dans sa tente bondée.
Les personnes coincées à la frontière serbo-hongroise semblent n’avoir absolument aucune information sur ce qui va se passer ensuite.
Les gens ont systématiquement dit à Amnesty International que cela ne les intéresse pas à long terme de recevoir des dons, mais qu’ils veulent travailler, vivre dans la dignité et participer de manière active à la société. Beaucoup ont dit à l’organisation qu’ils ne veulent pas de cette situation : ils sont obligés d’être là.
« Ce que nous voyons le long de la frontière ce sont des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants qui endurent les conséquences du manque d’humanité dont les autorités hongroises ont fait preuve en fermant hier la frontière et en la militarisant, a déclaré Tirana Hassan.
« Les autorités serbes savaient parfaitement que cela allait arriver mais elles n’ont pas réagi. Des milliers de personnes qui fuient la guerre cherchent une protection dans des pays de l’Union européenne. Au lieu de leur venir en aide, des gouvernements européens érigent des clôtures pour les repousser et semblent incapables de trouver des solutions à long terme. »