Lundi 27 octobre, aux Nations unies, le Salvador a fait l’objet des pressions de neuf pays qui lui demandent de modifier ses lois répressives et archaïques en matière d’avortement. Cette législation a pour effet d’infliger à des femmes et jeunes filles, sous une forme institutionnalisée, des violences, des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, a déclaré Amnesty International.
De surcroît, 12 pays ont exprimé leurs préoccupations relatives à la persistance d’une discrimination envers les femmes dans ce pays.
Le Salvador s’est vu demander, dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies, de réformer les lois qui interdisent l’avortement en toutes circonstances et envoient en prison des femmes jugées pour avoir fait une fausse couche ou avorté clandestinement.
« Nous avons constaté en direct les conséquences désastreuses de ces lois sur les femmes et jeunes filles du Salvador, depuis les femmes qui meurent à la suite d’un avortement clandestin jusqu’à celles qui sont condamnées à plus de 40 ans d’emprisonnement après avoir subi une fausse couche. Aujourd’hui, les représentants de différents pays se sont joints à nous pour affirmer que trop, c’est trop », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.
Parmi les pays qui ont exprimé une demande de changement figurait l’Espagne, qui avait renoncé récemment à son propre projet de loi restreignant le droit à l’avortement. L’Espagne s’est adressée en ces termes au Salvador : « les femmes et jeunes filles doivent avoir accès à une éducation en matière de sexualité et de reproduction » ; « toutes les femmes emprisonnées pour avoir avorté [doivent] être libérées, [ainsi que celles qui sont en prison] pour avoir fait une fausse couche, et leur condamnation doit être effacée de leur casier judiciaire ».
L’Allemagne, l’Australie, l’Islande, le Luxembourg, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède ont également engagé ce pays d’Amérique centrale à réformer sa législation en matière d’avortement.
En raison des lois restrictives du Salvador, les femmes et jeunes filles reconnues coupables d’avoir avorté sont passibles de peines de deux à huit ans de prison. Les médecins peuvent être condamnés à une peine allant jusqu’à 12 ans de prison s’il est prouvé qu’ils ont fourni la possibilité d’avorter.
Le rapport récent d’Amnesty International À deux doigts de la mort. La violence contre les femmes et l’interdiction de l’avortement au Salvador (version longue en anglais : On the brink of death : Violence against women and the abortion ban in El Salvador) présente plusieurs cas de poursuites pénales à l’encontre de femmes ayant subi un avortement ou une fausse couche puis dénoncées à la police par leur médecin, les peines prononcées pouvant aller jusqu’à 50 ans d’emprisonnement.
Le 25 septembre, l’organisation a lancé une pétition demandant à ce pays de réformer sa législation en matière d’avortement. Elle a déjà recueilli plus de 110 000 signatures dans le monde entier.
L’organisation de défense des droits humains demande la libération sans condition, dans les plus brefs délais, de toutes les femmes et jeunes filles incarcérées pour avoir subi un avortement ou une fausse couche.
Amnesty International demande aussi que toutes les femmes, quel que soit leur âge, bénéficient d’une information et de services en matière de contraception, d’une gamme complète de méthodes contraceptives modernes et de qualité, et d’une contraception d’urgence.
Au cours de l’Examen périodique universel, de nombreux pays ont mis en avant les droits des femmes, évoqué le niveau élevé de violences liées au genre mais également souligné les mesures positives prises par le gouvernement lorsqu’il a adopté en 2012 la loi intégrale contre la violence à l’égard des femmes, destinée à s’attaquer aux discriminations et aux violences liées au genre.
« Nous nous joignons aux appels lancés par les États membres de l’ONU qui engagent le Salvador à dépénaliser l’avortement et à autoriser cette pratique au moins dans les cas où la grossesse met en danger la vie de la femme ou sa santé physique ou mentale, dans ceux où le fœtus ne pourra pas survivre hors de l’utérus, et dans ceux où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste », a déclaré Erika Guevara Rosas.
« Ce n’est qu’en tenant compte de ces préoccupations largement répandues que le Salvador s’affirmera comme une société progressiste, humaine et respectueuse des normes internationales en matière de droits humains. »
Le Salvador va maintenant bénéficier d’un laps de temps pour réfléchir aux recommandations qui lui ont été adressées et annoncera en mars 2015 celles qu’il compte adopter.
Complément d’information
L’Examen périodique universel a également abordé, entre autres questions, le problème de l’impunité des crimes commis au cours de la guerre civile au Salvador, l’amélioration des conditions pénitentiaires, et la ratification souhaitable de certains instruments internationaux relatifs aux droits humains, notamment le Statut de Rome.
L’Examen périodique universel est un mécanisme du Conseil des droits de l’homme des Nations unies dans le cadre duquel cet organe évalue régulièrement (tous les quatre ans et demi) la manière dont chacun des 193 États membres de l’ONU s’acquitte de ses obligations et engagements en matière de droits humains. Il s’agit d’un mécanisme coopératif qui repose sur des informations fiables et objectives et une égalité de traitement de tous les États. Il complète le travail des organes de l’ONU assurant le suivi des traités.
Amnesty International demande à tous les États de dépénaliser l’avortement dans toutes les circonstances et d’assurer la possibilité d’avorter légalement, en toute sécurité, au moins dans les cas où la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste et dans ceux où la vie ou la santé de la femme est en danger.
En mars 2014, Amnesty International a lancé une campagne mondiale afin de protéger le droit des personnes à prendre des décisions sur leur santé, leur corps, leur sexualité et la reproduction sans crainte de subir des discriminations et sans que l’État impose son contrôle ou des mesures coercitives.
La campagne Mon corps, mes droits invite les gouvernements à dépénaliser l’avortement.