Russie. Le harcèlement des ONG doit cesser

Index AI : EUR 46/049/2012

23 novembre 2012

Amnesty International est préoccupée par les récents actes de harcèlement dont plusieurs organisations non gouvernementales russes ont été l’objet le jour de l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi portant sur ce type d’organisations, et elle appelle les autorités à enquêter sans délai et de manière approfondie sur ces faits.

Amnesty International exprime sa solidarité avec Memorial, le Mouvement public « Pour les droits humains » et le Groupe Helsinki de Moscou, trois organisations russes de défense des droits humains, contre le vandalisme visant leurs locaux respectifs dans la capitale russe et se dit de nouveau inquiète face à la détérioration rapide de l’environnement de travail pour les défenseurs des droits humains en Russie.

Le 21 novembre, des graffitis ont été dessinés sur le bâtiment qui abrite l’ONG Memorial et le Mouvement public « Pour les droits humains ». Ils contenaient notamment le message suivant, inscrit en russe : « Agents étrangers, ♥ USA ». Des autocollants portant l’inscription « Agent étranger » ont également été collés sur le bâtiment du Groupe Helsinki de Moscou.

Le même jour, le mouvement de jeunes pro-gouvernemental « Jeune Russie » a formé un cordon de protestation devant les locaux de Transparency International Russie. D’après la déclaration publiée sur le site internet de Jeune Russie, les militants ont appelé les représentants de l’organisation à s’enregistrer en tant qu’« agents étrangers ».

Amnesty International s’inquiète de ce que ces faits se sont produits le jour de l’entrée en vigueur de la loi fédérale portant modification de certains points de la législation russe « en matière de régulation des activités des organisations à but non lucratif remplissant les fonctions d’agents étrangers ».

Amnesty International a déjà fait part de ses graves préoccupations quant aux implications de cette loi pour la liberté d’association en Russie et, plus particulièrement, pour le travail des organisations de défense des droits humains dans le pays. Comme l’ont déjà fait remarquer Amnesty International et de nombreux autres militants des droits humains, dans le pays et en dehors, la nouvelle obligation pour les ONG percevant des fonds étrangers de s’enregistrer en tant qu’« agents étrangers » ajoute un fardeau administratif supplémentaire et, surtout, risque de générer une mauvaise image de leurs activités en raison de la connotation négative de l’expression « agent étranger » en russe. Il est en outre probable que cette démarche s’inscrive dans le cadre d’une vague de répression plus générale contre la société civile dans le pays.

Amnesty International s’inquiète particulièrement de la détérioration actuelle des conditions dans lesquelles les organisations de défense des droits fondamentaux opèrent. Dans les mois qui ont suivi l’investiture de Vladimir Poutine en tant que nouveau président de la Russie, un certain nombre de dispositions législatives ont été modifiées par l’introduction de nouvelles restrictions sur les libertés de réunion, d’association et d’expression. En plus de l’obligation pour les ONG de se déclarer en tant qu’« organisations remplissant les fonctions d’agents étrangers », ces modifications incluent des limitations plus sévères sur les manifestations publiques et des amandes plus élevées si elles ne sont pas respectées, le rétablissement des poursuites pénales pour diffamation et l’introduction de définitions plus larges et plus vagues des notions de haute-trahison et d’espionnage. Une autre proposition de loi, qui rendrait le blasphème passible de poursuites pénales, est actuellement à l’étude au Parlement russe.

Les faits mentionnés ci-dessus ne font que renforcer les préoccupations liées aux conséquences néfastes de cette loi. D’autre part, Amnesty International est particulièrement préoccupée par ces faits cas ils s’inscrivent dans une tendance générale d’intimidation et de harcèlement de défenseurs des droits humains, de journalistes et de militants de la société civile en Russie. Il y a un mois à peine, l’organisation exprimait sa vive inquiétude face aux menaces adressées à un éminent défenseur des droits fondamentaux et membre du personnel de Human Rights Watch. Peu de temps auparavant, dans un rapport paru en octobre 2011 (Russie. Passés à tabac pour avoir parlé. Agressions contre des défenseurs des droits humains et des journalistes en Fédération de Russie, EUR 46/038/2011), Amnesty International avait décrit les actes d’intimidation, de harcèlement et d’agression visant des défenseurs des droits fondamentaux en Russie. Ce rapport indiquait que les défenseurs des droits humains, les journalistes et les militants de la société civile sont pris pour cible en raison de leur travail ; ces agissements ne font pas l’objet d’enquêtes complètes et impartiales et leurs auteurs ne sont pas traduits en justice.

D’après les informations dont dispose Amnesty International, les actes de vandalisme commis contre les locaux de Memorial et du Mouvement public « Pour les droits humains » ont été dûment signalés aux autorités compétentes et le Groupe Helsinki de Moscou a l’intention d’en faire autant sous peu. À cet égard, Amnesty International appelle vivement les autorités russes à ouvrir une enquête prompte, efficace et impartiale et à traduire en justice les auteurs de ces actions. L’organisation rappelle que le harcèlement et les agressions visant des militants de la société civile, y compris des défenseurs des droits fondamentaux, doivent faire l’objet d’enquêtes efficaces, même lorsque ces actes sont commis par des acteurs privés ; l’incapacité des autorités à respecter ce principe constitue une infraction aux obligations de la Russie en matière de droits humains.

Amnesty International invite aussi de nouveau vivement les autorités russes à veiller à ce que les personnes qui défendent les droits fondamentaux puissent travailler librement et sans crainte de représailles, à s’abstenir de dénigrer publiquement les défenseurs des droits humains et à montrer qu’elles s’engagent en faveur de la protection des droits humains et des libertés fondamentales en façonnant un environnement favorisant une plus grande participation de la société civile dans les affaires publiques et encourageant la critique légitime des actions du gouvernement.