S’il semble inutile de répéter que l’Europe est actuellement confrontée à la plus grave crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, il est important de souligner une fois de plus la différence entre réfugiés et migrants. Citons l’UNHCR :
« Les réfugiés sont des personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution. Leur situation est souvent si périlleuse et intolérable qu’ils traversent des frontières nationales afin de trouver la sécurité dans des pays voisins, et sont par conséquent reconnus internationalement comme des réfugiés ayant accès à l’aide des États, du HCR et d’autres organisations. On les reconnaît ainsi précisément parce qu’il est dangereux pour eux de retourner dans leur pays et qu’ils ont besoin d’un refuge ailleurs. Refuser l’asile à ces personnes aurait potentiellement des conséquences mortelles. »
Pour les migrants, qui choisissent, tout aussi légitimement, de quitter leur territoire, l’éventuel retour n’implique pas un danger pour leur sécurité.
Si la distinction est claire, notamment au regard du droit international, la confusion porte préjudice à la protection à laquelle les réfugiés ont droit, avec des conséquences potentielles pour leur sécurité et leur vie.
Le « Lëtzebuergerflüchtlingsrot » (LFR) réaffirme ainsi que l’asile est un droit inaliénable, au même titre que l’accueil est un devoir !
Mais qui assume cette responsabilité dans le monde ? Selon les chiffres du UNHCR, le nombre de déplacés et de réfugiés à la suite des multiples conflits dans le monde a atteint le niveau record de 60 millions l’année dernière. Toujours selon l’agence des Nations Unies, près de neuf réfugiés sur dix se retrouvent dans des pays considérés comme économiquement moins développés. Trente-huit pays européens ont reçu 264 000 demandes d’asile: 216 300 de ces demandes ont été déposées dans les 28 Etats membres de l’Union européenne (UE). A titre de comparaison, la Turquie a reçu plus de 1.700.000 demandeurs d’asile et réfugiés originaires de Syrie, d’Iraq et d’autres pays.
Néanmoins, le défi pour l’accueil de ces personnes qui cherchent la sécurité en Europe reste énorme et malheureusement, l’Union européenne tarde à donner une réponse digne de ses valeurs fondamentales.
Tout d’abord, il y a lieu de constater l’échec de l’harmonisation des législations européennes et de la transposition du « Paquet asile », avec tous les délais dépassés, ce qui est le cas, par exemple, du Luxembourg.
Les propositions de la Commission européenne, présentées récemment par Jean-Claude Juncker, notamment la création d’une liste unique de pays sûrs – à condition qu’un traitement équitable et juste de la demande d’asile soit garanti – reçoivent le soutien du LFR . Mais il faut penser aussi à d’autres solutions.
L’une d’elles passe par l’ouverture de couloirs humanitaires pour faire face à l’urgence et éviter que la tragédie ne s’aggrave : parmi les migrants et réfugiés qui ont traversé la Méditerranée depuis janvier, près de 2.800 y sont morts, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
En outre, le règlement de Dublin, qui est déjà dans sa troisième version, s’est montré totalement inefficace, surtout en situation d’urgence. Le texte institue un principe simple en théorie mais qui pose de nombreux problèmes en pratique : le premier pays dans lequel le réfugié pose ses pieds est celui qui est chargé de l’instruction de la demande d’asile et de la décision finale. L’Italie, la Grèce et la Hongrie, par exemple, en font la démonstration claire.
Si la responsabilité est en bonne partie dans le champ de l’Union européenne, le Luxembourg a aussi des éléments de réponse à sa disposition. Un des plus importants est la transposition du « Paquet asile ». Deux projets de loi sont actuellement en appréciation à la Chambre des Députés. Le LFR a déjà émis et présenté publiquement son avis en juin. Il convient néanmoins de mettre en évidence quelques considérations qui ont notamment trait à l’afflux massif des demandeurs de protection internationale.
Le LFR considère que les notions « nombre important » et « nombre élevé » utilisées par le législateur dans les parties du projet de loi relatives aux délais d’enregistrement de nouvelles demandes et à la durée de la procédure, sont floues et doivent absolument être précisées, De même, les demandeurs de protection internationale hébergés dans les structures d’accueil d’urgence doivent bénéficier de l’ensemble des mesures de l’accueil et non pas de l’accueil de base qui ne comprend pas la gratuité des transports en commun ni le suivi social et psychologique.
Le LFR invite aussi le gouvernement à modifier la législation nationale en matière de regroupement familial des bénéficiaires de la protection internationale en considérant également les personnes qui n’ont pas de liens biologiques, mais qui sont prises en charge au sein de l’unité familiale. Une autre amélioration passe par l’élimination du délai de 3 mois pour l’introduction de la demande par le bénéficiaire d’une protection internationale, sans qu’il doive remplir les conditions générales applicables en matière du regroupement familial relatives aux ressources personnelles stables et au logement approprié.
Dans la partie du « Paquet asile » qui concerne l’accueil des demandeurs de protection internationale (projet de loi 6775), l’intention affichée du Gouvernement est de faciliter l’autonomisation du demandeurs de protection internationale (DPI). Pour le LFR, l’accès au marché de travail est un des éléments clés de cette autonomisation. La législation actuelle permet aux DPI de travailler sous certaines conditions. Ainsi l’article 14 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un accès au marché de l’emploi pour un DPI dans le cas où les autorités n’auraient pas statué sur sa demande neuf mois après le dépôt de celle-ci. Le LFR invite le gouvernement luxembourgeois à faciliter l’accès au marché de l’emploi pour les DPI en raccourcissant, voire en supprimant, le délai d’attente et en révisant la procédure administrative actuelle qui ne permet pas l’accès effectif des DPI au marché de l’emploi.
Mais que pouvons nous faire tout de suite ?
Au-delà de ce qui doit être fait sur le plan législatif, il faut gérer l’urgence. Tout d’abord le LFR se réjouit de la réponse apportée jusqu’à maintenant par le Gouvernement ainsi que son positionnement par rapport aux propositions de la Commissions européenne. Nous aimerions néanmoins rendre l’exécutif attentif à certains aspects de l’accueil.
Pour pouvoir présenter une demande d’asile à un pays de l’UE, les réfugiés ont besoin d’un visa, chose aujourd’hui quasi impossible. Mais s’ils le voulaient, les Etats membres pourraient délivrer facilement des visas humanitaires. Le LFR souscrit ainsi à la résolution du Parlement européen du 10 septembre qui prône « qu’il est nécessaire de modifier le code des visas de l’UE afin d’inclure des dispositions communes plus spécifiques sur les visas humanitaires ». Il invite aussi les États membres à faire en sorte qu’il soit possible de demander l’asile auprès de leurs ambassades et consulats.
Une fois arrivés en territoire luxembourgeois, pour ceux qui arrivent, il faut tout d’abord les héberger. Saluons les efforts du Gouvernement et de quelques communes qui ont annoncé des dispositions spéciales. Rappelons encore qu’il faut éviter à tout prix de loger les réfugiés dans des campings et exclure définitivement l’hébergement dans des tentes. Les expériences du passé nous démontrent qu’il est inacceptable de procéder de la sorte.
Il s’agit sans tarder d’organiser également leur bonne intégration au Luxembourg, qui va au-delà du seul hébergement.
Si la solution du logement par des familles est envisagée, elle devra se limiter aux personnes bénéficiant d’un statut de protection internationale et seulement avec un soutien financier et un encadrement adéquat à la clé.
Il faut aussi saluer l’élan de solidarité envers les réfugiés dont la majorité de la population du Luxembourg fait preuve depuis des semaines, tout en regrettant les amalgames et les discours haineux de quelques uns.
Pour sa part, le LFR continuera son travail dans la durée, réaffirmant sa disponibilité pour collaborer avec l’État et les communes et restera attentif à l’évolution de la situation.
Les valeurs fondamentales de nos sociétés sont mises à l’épreuve, rappelons que le droit d’asile va de pair avec le devoir d’accueillir !