Placer les droits humains au coeur des solutions pour aider les Roms de la Serbie

« Les Roms en Serbie, et d’ailleurs en Europe ne vont pas bien…mais le Luxembourg n’est pas le lieu où tous leurs problèmes pourront être résolus », a déclaré le Premier Ministre Jean Claude Juncker, deux jours avant la journée internationale des Roms, dans son discours sur l’état de la Nation au sujet des nombreuses personnes serbes, en majorité Roms, qui ont déposé des demandes d’asile au Luxembourg ces derniers mois. Si le Luxembourg n’est pas en effet « le lieu où leurs problèmes pourront être résolus », Amnesty International Luxembourg demande au gouvernement que le Luxembourg, en tant que membre de l’UE et au travers de ses programmes de coopération en Serbie, contribue à lutter contre la discrimination généralisée, voire systématique à l’égard des Roms dans ce pays.

Marginalisés par la société, les Roms vivent souvent dans des conditions déplorables en Serbie comme en témoigne le nouveau rapport d’Amnesty International « Home is more than a roof over your head : Stop forced evictions of Roma in Serbia ». Il rend compte en particulier d’une amplification des expulsions forcées de Roms depuis le mois d’avril 2009 en particulier dans la capitale, Belgrade, qui en oblige certains à habiter dans des conteneurs en métal dans des quartiers isolés et d’autres à retourner vivre dans la pauvreté dans le sud de la Serbie, souvent dans de mauvaises conditions de logement. Depuis avril 2009, au moins sept évacuations forcées de quartiers informels ont eu lieu, la plus importante étant au mois d’août 2009 lorsque environ 220 familles ont été expulsées de leurs logements sous le pont Gazela à Belgrade. Par ailleurs, cette expulsion forcée, ainsi que plusieurs autres, s’inscrivent dans le cadre d’un projet de l’Assemblée de la ville de Belgrade, élaboré en 2009, qui prévoit la réalisation de projets d’infrastructure de grande envergure, financés au moyen de prêts de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et de la Banque européenne d’investissement. On estime que ces projets devraient affecter les habitants d’au moins 50 des 100 quartiers roms situés dans la ville de Belgrade. « Les autorités serbes doivent mettre un terme à ces pratiques pour s’acquitter des obligations internationales qui leur incombent. Cela implique notamment de garantir aux Roms le droit à un logement raccordé à un réseau d’assainissement, situé de façon à ce qu’ils puissent utiliser les infrastructures publiques et avoir des perspectives d’emploi, et où ils soient à l’abri de la menace d’une expulsion forcée », a déclaré Sian Jones, chercheuse pour les Balkans d’Amnesty International. Privés du droit à un logement décent, près d’un tiers des Roms de Belgrade n’ont pas d’autre solution que de vivre dans des quartiers informels, où ils n’ont ni approvisionnement régulier en eau, ni installations d’assainissement et autres services essentiels. De plus, étant dans l’incapacité de se faire reconnaître comme citoyens de Belgrade, ces habitants sont souvent privés d’accès à l’emploi, à la sécurité sociale, aux soins et à l’éducation. Dans ces quartiers informels, on trouve de nombreux groupes vulnérables, notamment des Roms qui ont fui la guerre de 1999 au Kosovo. D’autres Roms, qui sont allés chercher du travail ou une protection internationale dans les pays d’Europe de l’Ouest, comme le Luxembourg, et qui sont actuellement renvoyés de force en Serbie, finissent également par rejoindre ces quartiers informels. Dans une lettre adressée le 13 avril au Premier Ministre, M. Jean-Claude JUNCKER, en réaction à son discours sur l’état de la nation, AI-Luxembourg a appelé le Luxembourg à collaborer d’une manière constructive avec les autorités serbes, les autres Etats membres de l’UE, mais aussi avec des représentants de la communauté rom pour faire cesser les violations des droits humains dont les Roms sont victimes en Serbie. La section luxembourgeoise d’Amnesty a notamment demandé à ce que le Luxembourg appelle les autorités serbes à mettre fin à toutes les expulsions forcées, à garantir que les projets d’infrastructure n’entrainent pas de nouvelles expulsions et à faire le nécessaire pour que les personnes expulsées puissent exercer des voies de recours efficaces et puissent prétendre notamment à une indemnisation, ainsi qu’à une solution de relogement adaptée. Les pouvoirs publics serbes devraient également consulter les Roms au sujet de toute proposition ou option de relogement et leur donner la possibilité de proposer des solutions s’ils le souhaitent. Finalement il faut qu’ils dressent la liste des logements sociaux et autres solutions de logement envisageables dans des endroits où les habitants ne sont pas regroupés par origine ethnique, afin que les familles roms aient la possibilité de vivre ailleurs que dans des lieux où elles se retrouvent uniquement entre elles.

Complément d’information

Certaines sources permettent d’établir que la présence des Roms en Serbie remonte au moins au XIVe siècle. Selon les estimations du gouvernement, ils représentent une population de 250 000 à 500 000 personnes. La majorité des Roms de Serbie sont victimes d’une discrimination généralisée, voire systématique. Ce rapport repose sur des travaux de recherche conduits par Amnesty International en Serbie en 2010 et en 2011, notamment des entretiens avec des Roms victimes d’expulsions forcées à Belgrade ; des organisations non gouvernementales (ONG) roms et non roms serbes et des particuliers oeuvrant à la défense des droits des Roms ; des responsables gouvernementaux et municipaux ainsi que des ONG internationales.