Les autorités philippines doivent abandonner sans délai les poursuites engagées contre la sénatrice Leila de Lima et libérer cette prisonnière d’opinion, adversaire déclarée du président Duterte, incarcérée sur la base d’accusations d’infractions à la législation sur les stupéfiants, charges motivées par des considérations politiques, a déclaré Amnesty International à l’occasion de la date anniversaire de son arrestation.
La sénatrice Leila de Lima a été appréhendée le 24 février 2017 après avoir été accusée de trois charges forgées de toutes pièces en lien avec la Loi relative aux drogues dangereuses. Avant son arrestation, le président Duterte et des sympathisants de celui-ci avaient mené une campagne de harcèlement et d’intimidation contre la sénatrice et tenté de faire injustement croire qu’elle était impliquée dans un trafic de stupéfiants.
« Les charges retenues contre la sénatrice Leila de Lima relèvent de la fiction. Elle a été prise pour cible au seul motif de son opposition courageuse aux politiques consternantes du président Duterte. Nous la considérons comme une prisonnière d’opinion et demandons aux autorités de la libérer immédiatement et sans condition », a déclaré James Gomez, directeur pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique à Amnesty International.
La sénatrice de Lima critique de longue date et ouvertement la sanglante « guerre contre la drogue » menée par le président Duterte, dans le cadre de laquelle des policiers ont illégalement tué des milliers de personnes appartenant pour la plupart à des populations pauvres et marginalisées. La sénatrice s’est attirée les foudres du gouvernement lorsqu’elle a demandé que la police et les hauts fonctionnaires concernés, y compris le président, rendent des comptes, et quand elle a pris les rênes d’enquêtes sénatoriales sur ces tueries.
En 2012, en tant que présidente de la Commission philippine des droits humains, la sénatrice a également ouvert une enquête sur le rôle joué par le président Duterte dans des exécutions extrajudiciaires lorsqu’il était maire de la ville de Davao ; les conclusions de celles-ci recommandaient que les services du médiateur mènent des investigations sur lui. En 2016, le président Duterte a déclaré aux médias qu’il voulait « la détruire en public ».
Les avocats de Leila de Lima ont exprimé de sérieux doutes sur l’existence d’éléments étayant les charges retenues contre elle. Les autorités auraient par ailleurs adopté des mesures punitives contre elle en détention.
Elle est incarcérée à la direction de la police à Camp Crane, dans la ville de Quezon, où on lui refuse l’accès à Internet, à un téléphone portable, à une télévision ou encore une radio. La police a par ailleurs fait fi de la requête formulée par son médecin pour qu’un climatiseur soit installé dans sa cellule.
« Il est regrettable que le gouvernement des Philippines préfère enfermer des personnes qui le critiquent plutôt qu’empêcher la police de tuer des milliers de personnes majoritairement pauvres. Nous assistons de toute évidence à une tentative d’accabler une militante courageuse et chevronnée, et d’adresser une mise en garde à ceux et celles qui osent attirer l’attention sur les agissements meurtriers du président Duterte », a déclaré James Gomez.
Vaste répression
L’anniversaire de l’arrestation de la sénatrice Leila de Lima survient alors que le gouvernement philippin intensifie sa répression contre les voix critiques au sein des médias et de la société civile.
En janvier, le gouvernement a ordonné la fermeture de Rappler, une publication en ligne indépendante, menant ainsi une nouvelle attaque ouvertement politique contre le droit à la liberté d’expression. Des observateurs ont également accusé le gouvernement Duterte d’exercer des pressions sur les propriétaires de The Inquirer – l’un des médias indépendants les plus influents du pays – afin de les inciter à vendre ce journal à de nouveaux acteurs entretenant des liens étroits avec le pouvoir.
Le président Duterte a aussi menacé d’autres défenseurs des droits humains en public. En août 2017, il a encouragé la police à faire feu sur des militants qui « entravaient le fonctionnement de la justice », ou à les accuser de conspiration. Le président s’en est par ailleurs pris à d’autres personnalités l’ayant critiqué sur la scène nationale ou internationale, notamment Chito Gascon, le président actuel de la Commission des droits humains, et Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, lors de violentes attaques verbales.
« Il est de plus en plus dangereux aux Philippines de se prononcer contre le gouvernement Duterte, et en particulier contre ses politiques meurtrières en matière de stupéfiants. Il est grand temps que la communauté internationale, notamment les Nations unies, exerce des pressions plus fortes sur ce gouvernement et se prononce en faveur d’une enquête internationale sur les Philippines », a déclaré James Gomez.
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