La décision de ne pas appliquer la grâce accordée par le président Pedro Pablo Kuczynski à Alberto Fujimori constitue une avancée importante dans la lutte contre l’impunité pour les crimes commis à Pativilca et renforce l’obligation pour l’État péruvien de garantir le droit des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations, a déclaré Amnesty International.
Le 19 février, le collège B de la Chambre pénale nationale du Pérou a décidé de ne pas appliquer la grâce accordée par le président Kuczynski le 24 décembre 2017, ouvrant la voie à la comparution d’Alberto Fujimori devant les tribunaux pour sa responsabilité présumée dans les homicides de six paysans dans la ville de Pativilca, considérés comme des crimes contre l’humanité.
« Aujourd’hui, les familles des victimes et la société péruvienne ont fait un grand pas vers la justice et la préservation de la mémoire des victimes de ces crimes. Nous continuerons de soutenir les demandes de justice jusqu’à ce que toute la lumière soit faite sur les crimes commis à Pativilca et que les droits des victimes et leurs familles soient garantis », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
Au regard de cette décision historique, Amnesty International engage de nouveau l’État péruvien à respecter l’obligation qui lui incombe d’enquêter et, si des preuves recevables suffisantes sont réunies, de traduire en justice Alberto Fujimori pour les crimes dont il est accusé, et à garantir que les victimes obtiennent vérité, justice et réparations pour les graves atteintes aux droits humains perpétrées durant le conflit armé interne.
Complément d’information
En 2009, l’ancien président Alberto Fujimori a été reconnu coupable de meurtre, d’enlèvement et de blessures graves imputables à ses subordonnés, dont ont été victimes des dizaines de personnes lorsqu’il était à la tête de l’État. Il a été condamné à 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité dans les affaires de Barrios Altos et de La Cantuta.
Le 5 juin 2017, la Cour Suprême du Chili a approuvé l’extradition d’Alberto Fujimori pour homicide avec circonstances aggravantes et association de malfaiteurs, statuant que ces crimes constituaient des crimes contre l’humanité. En juillet de la même année, le Troisième bureau supérieur national du ministère public du Pérou a décidé d’engager des poursuites contre Alberto Fujimori et requis une peine de 25 ans d’emprisonnement. Lorsque le président Pedro Pablo Kuczynski a décidé de gracier Alberto Fujimori le 24 décembre 2017, la procédure pénale engagée contre lui dans l’affaire de Pativilca en était au stade de l’examen des charges.
Communiqué de presse d’Amnesty International avant l’audience sur l’affaire de Pativilca : Pérou. Une occasion historique de mettre fin à l’impunité après la grâce accordée à Alberto Fujimori dans l’affaire de Pativilca, 25 janvier 2018, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/01/peru-historic-opportunity-for-the-state-to-end-the-impunity-created-by-granting-grace-to-alberto-fujimori-in-the-case-of-pativilca/
Déclaration publique d’Amnesty International sur l’impunité engendrée par la grâce accordée à Alberto Fujimori : L’État péruvien est dans l’obligation de mettre fin à l’impunité créée par la grâce accordée à Alberto Fujimori, 25 janvier 2018, https://www.amnesty.org/fr/documents/amr46/7754/2018/fr/
Communiqué de presse d’Amnesty International après la grâce accordée à Alberto Fujimori, qui porte un coup dur à la lutte contre l’impunité au Pérou : Perú: Indulto y Gracia a Alberto Fujimori es duro golpe a la lucha contra impunidad, 25 décembre 2017, https://www.amnesty.org/es/latest/news/2017/12/peru-indulto-y-gracia-a-alberto-fujimori-es-duro-golpe-a-la-lucha-contra-impunidad/ [en espagnol]
Lettre ouverte d’Amnesty International au président Kuczynski eu égard aux rumeurs concernant la grâce qui pourrait être accordée à Alberto Fujimori : Peru: Open Letter to Pedro Pablo Kuczynski Godard, President of Peru (AMR 46/7332/2017), 20 octobre 2017, https://www.amnesty.org/en/documents/amr46/7332/2017/en/ [en anglais et en espagnol]
Déclaration publique d’Amnesty International un an après l’arrestation d’Alberto Fujimori : Pérou/Chili. Un an s’est écoulé depuis l’arrestation d’Alberto Fujimori (AMR 46/026/2006), 6 novembre 2006, https://www.amnesty.org/fr/documents/amr46/026/2006/fr/ [en espagnol et en français]