Les autorités péruviennes doivent veiller à ce que des enquêtes rigoureuses, indépendantes et impartiales soient menées dans les meilleurs délais sur la mort de deux hommes ces deux dernières semaines dans le cadre d’opérations visant à maintenir l’ordre lors de manifestations dans le sud du pays, a déclaré Amnesty International.
Dans le cas le plus récent, Henry Checlla Chura, 35 ans, a été tué tôt mardi 5 mai quand des policiers ont semble-t-il ouvert le feu sur des manifestants qui bloquaient l’autoroute dans la zone d’Alto Inclán, à Mollendo. Les affrontements qui s’en sont suivis ont fait des dizaines de blessés chez les manifestants comme les policiers.
Sa mort survient après des heurts avec des policiers dans la ville Cocachacra, non loin de Mollendo, le 22 avril, lors desquels Victoriano Huayna Nina, 61 ans, a été tué par balle et 13 autres personnes, dont deux policiers, ont été blessées.
« L’homicide de deux personnes sur fond de troubles sociaux dans le sud du Pérou fait naître des inquiétudes concernant le maintien de l’ordre durant les manifestations en cours. Ces décès doivent donner lieu à des enquêtes indépendantes et impartiales dans les meilleurs délais, et tout policier soupçonné d’avoir commis un crime doit être traduit en justice », a déclaré Guadalupe Marengo, directrice adjointe du Programme Amériques d’Amnesty International.
« Il est inacceptable d’employer une force excessive pour réprimer des actions de protestation. Les citoyens doivent être autorisés à exercer leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. »
Aux termes du droit et des normes internationaux relatifs aux droits humains, la police ne doit recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et proportionné à un objectif légitime. Les armes à feu ne peuvent constituer qu’un dernier recours pour la défense contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, et l’usage volontairement meurtrier des armes à feu n’est admissible que lorsqu’il est absolument inévitable pour protéger des vies.
Si certains groupes de manifestants commettent des actes de violence, la police ne doit pas invoquer les agissements de certains pour justifier la répression du droit à la liberté de réunion pacifique de la majorité, et doit permettre autant que possible que ceux qui manifestent pacifiquement puissent continuer à le faire.
Les actions de protestation ayant actuellement lieu dans la province d’Islay sont en réaction au projet d’extraction de cuivre Tía María, supervisé par la Southern Copper Corporation, dont le siège se trouve en Arizona, aux États-Unis.
L’intensification récente des tensions s’est soldée par un nombre élevé de blessés lors des manifestations, y compris des dizaines de policiers.
Une vidéo inquiétante ayant circulé sur les médias sociaux ces derniers jours montre des policiers péruviens placer subrepticement des « éléments de preuve » dans le but de salir la réputation de certains manifestants.
Un recours excessif à la force systématique
Amnesty International a précédemment attiré l’attention des autorités péruviennes sur le fait que la police nationale emploie souvent une force excessive contre des manifestants, souvent avec des conséquences mortelles. Ces quatre dernières années, près de 40 personnes sont ainsi mortes dans des circonstances semblant indiquer que la police a utilisé une force excessive.
L’immense majorité de ces cas n’a pas encore donné lieu à une enquête. Le 29 avril, en réponse à une lettre envoyée par Amnesty International en janvier, le parquet péruvien a déclaré que les seules enquêtes en cours portaient sur deux morts qui seraient imputables à un recours excessif à la force de la part de la police lors de manifestations précédentes. Cela ne concerne qu’une des personnes figurant sur la liste de presque 40 noms qu’Amnesty International a fournie au parquet.
« Cette impunité doit cesser. Porter un insigne de police ne donne pas à un officier le droit de tuer comme bon lui semble – au contraire, il représente la grande responsabilité consistant à faire respecter la loi et à protéger les droits humains. Les autorités péruviennes doivent adhérer strictement aux règlements internationaux relatifs au recours à la force, et enquêter sur tous les cas de recours excessif à la force par la police afin de faire clairement passer le message que ce type de violence est inacceptable », a déclaré Guadalupe Marengo.