Pakistan. L’exécution d’un mineur délinquant met en évidence des problèmes endémiques au sein du système de justice

L’exécution honteuse au Pakistan d’un homme qui n’avait que 15 ans au moment du crime pour lequel il a été condamné met en relief les nombreux graves motifs de préoccupation entourant le recours à la peine de mort dans ce pays, a déclaré Amnesty International.

Aftab Bahadur a été pendu dans une prison de Lahore mercredi 10 juin dans la matinée. En septembre 1992, âgé de 15 ans, il a été arrêté, puis inculpé du meurtre d’une femme et des deux fils de celle-ci, survenu plus tôt ce mois-là.

Aftab Bahadur a été incriminé par son coaccusé, Ghulam Mustafa, qui a plus tard soutenu qu’on l’avait torturé afin de lui faire « avouer » leur implication dans ce crime alors qu’il était en garde à vue. Ghulam Mustafa devait lui aussi être mis à mort mercredi 10 juin mais son exécution a été reportée à la dernière minute.

« Ceci est un jour terriblement triste – Aftab Bahadur a passé plus de deux décennies à languir dans le quartier des condamnés à mort en dépit de l’émergence d’éléments semblant attester son innocence, et il a fini par monter à la potence. Il a toujours affirmé qu’il était innocent et qu’on l’avait torturé afin de lui arracher des "aveux" », a déclaré David Griffiths, directeur adjoint du programme Asie Pacifique d’Amnesty International.

« Ce cas illustre de nombreux problèmes graves en rapport avec l’imposition de condamnations à mort et les exécutions menées au Pakistan – le système de justice est gangrené par des atteintes aux normes d’équité des procès et des condamnations s’appuyant sur des déclarations arrachées sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitements. Aftab Bahadur n’avait que 15 ans au moment de sa condamnation. »

« Le droit international est on ne peut plus clair sur la prohibition de l’application de la peine capitale aux mineurs délinquants. Malgré cela, il pourrait y avoir dans le quartier des condamnés à mort au Pakistan un nombre considérable de personnes qui étaient mineures au moment des faits qu’on leur reproche. Depuis la reprise des exécutions en décembre dernier, toutes ces personnes, ainsi que des milliers d’autres condamnés à mort, voient désormais leur vie menacée – le Pakistan doit immédiatement imposer un moratoire sur les exécutions, dans l’objectif d’abolir pleinement la peine de mort. »

Le rythme des exécutions s’est accéléré de manière alarmante ces dernières semaines au Pakistan, et au moins 150 personnes ont été envoyées à la potence depuis que le moratoire a été levé en décembre 2014.

À ce jour, 140 pays ont aboli la peine capitale en droit ou en pratique. Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à ce châtiment, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.

Complément d’information

Ghulam Mustafa, un collègue d’Aftab Bahadur, a affirmé qu’on l’avait torturé en garde à vue pour lui faire « avouer » le crime, et que ce n’est que sous la torture qu’il a accusé Aftab Bahadur. Il était prêt à signer une déclaration clamant l’innocence d’Aftab Bahadur avant l’exécution de celui-ci, mais les autorités carcérales de Multan, au Pakistan, ont empêché les avocats d’Aftab Bahadur d’obtenir cette signature.

Le seul témoin à charge, qui a affirmé avoir vu Ghulam Mustafa et Aftab Bahadur commettre ce meurtre, a plus tard dit que sa déclaration initiale était fausse, et que la police avait fait pression sur lui pour qu’il déclare avoir été témoin des faits.

Au moment du meurtre, les policiers qui menaient l’enquête étaient tenus, au titre de la loi de 1991 sur les procédures accélérées, désormais abrogée, de soumettre les résultats de leurs investigations à un tribunal d’exception dans les 14 jours suivant l’infraction. Le tribunal devait alors prendre sa décision dans les 30 jours, laissant peu de temps à Aftab Bahadur et son avocat pour préparer une défense, notamment en attirant l’attention de la justice sur le fait que l’âge qui lui était attribué dans son dossier, 21 ans, était incorrect et qu’il était en réalité mineur.