Nouveau meurtre d’un avocat au Daghestan : les autorités russes doivent retrouver ceux qui ont tué Magomed Goutchoutchaliev et les déférer à la justice

Le 12 juillet dans la soirée, l’avocat Magomed Goutchoutchaliev a été abattu par deux hommes armés près de son domicile dans la banlieue de Makhachkala, la capitale de la République du Daghestan, dans le Caucase du Nord. Magomed Goutchoutchaliev était en route vers la mosquée pour la prière du vendredi soir. On ignore l’identité de ceux qui l’ont tué.

Amnesty International est vivement préoccupée par les actes d’intimidation et les menaces que des services de la police et des individus non identifiés font fréquemment subir aux avocats de la défense dans le Caucase du Nord. Elle a recensé et signalé de nombreux cas de violences physiques infligées ces dernières années à des juristes dans la région et en particulier le meurtre d’un autre avocat dans le Daghestan en 2012.

Magomed Goutchoutchaliev présidait, jusqu’en septembre 2012, le cabinet d’avocats Kavkaz. Depuis des années, les membres de ce cabinet reçoivent des menaces en lien avec leurs activités professionnelles et sont harcelés par les autorités. Un collègue de Magomed Goutchoutchaliev, Konstantin Moudounov, a survécu à un tentative d’assassinat le 19 novembre 2008.

Le 20 janvier 2012, un autre membre du cabinet Kavkaz, l’avocat Omar Saïdmagomedov, et son cousin ont été tués par des agents de sécurité dans une rue de Makhachkala.

Les autorités ont enregistré les faits comme l’homicide de deux membres d’un groupe armé, alors qu’il y a de bonnes raisons de penser que l’avocat a été pris pour cible en raison de son activité professionnelle et qu’il a fait l’objet d’une exécution extrajudiciaire. Les allégations évoquant une telle exécution n’ont donné lieu à aucune véritable enquête. Lorsque les collègues d’Omar Saïdmagomedov ont voulu par la suite veiller à ce que les autorités enquêtent de manière impartiale sur sa mort, ils se sont heurtés à des réticences et ont été eux-mêmes harcelés par les agents chargés de l’enquête.(pour plus d’informations sur cet homicide et sur le harcèlement du cabinet Kavkaz, ainsi que sur les manœuvres d’intimidation et les agressions physiques dont sont plus généralement victimes les avocats de la défense dans le Caucase du Nord, reportez-vous au document intitulé Affronter le cercle de l’injustice .menaces et pressions à l’encontre des avocats dans le Caucase du Nord (extraits), http://amnesty.org/fr/library/info/EUR46/003/2013/fr. Au printemps 2012, Magomed Goutchoutchaliev avait lui-même évoqué les menaces dont il avait fait l’objet. En mars 2012, son domicile avait été fouillé par des membres des forces de l’ordre, qui n’avaient rien trouvé d’illicite.

Des collègues de Magomed Goutchoutchaliev ont indiqué à Amnesty International que l’homicide dont il avait été victime pourrait être lié à son travail mais pourrait aussi être un moyen de faire pression sur son fils Sirajoudoun que les autorités ont arrêté plus tôt dans l’année parce qu’elles le soupçonnaient d’appartenir à un groupe armé. Un avocat de Sirajoudoun Goutchoutchaliev a indiqué qu’il lui était régulièrement interdit de rencontrer son client, en violation du droit russe et du droit international relatif aux droits humains. Cependant, lors d’une brève rencontre que cet avocat avait pu avoir avec Sirajoudoun Goutchoutchaliev avant le meurtre de son père, son client s’était plaint de pressions et de menaces, et du fait notamment qu’on l’avait averti que s’il ne faisait pas la déposition que les enquêteurs attendaient son père et d’autres de ses proches allaient souffrir.

Les autorités russes doivent veiller à ce que les avocats qui travaillent dans le Caucase du Nord puissent exercer leur profession sans être intimidés, dissuadés, harcelés ni avoir à subir des interférences inopportunes. Amnesty International demande aux autorités locales et fédérales d’enquêter sans délai sur le meurtre de Magomed Goutchoutchaliev, d’identifier ceux qui en sont à l’origine et l’ont commandité et de les déférer à la justice. Toutes les attaques et les menaces dont ont fait précédemment l’objet des avocats dans le Caucase du Nord doivent également donner lieu rapidement à des enquêtes impartiales, et les personnes soupçonnées d’en être responsables doivent elles aussi être jugées.