Manifestations pour la justice raciale suite à la mort de George Floyd lors d'un violent affrontement avec la police dans le Minnesota. Centre de Washington, DC, États-Unis, 3 juin 2020. © Amnesty International (Photo: Alli Jarrar)

Mohammed al Roken – Il faut vraiment être une personne extraordinaire…

L’avocat Mohammed al Roken a été condamné à 10 ansd’emprisonnement en juillet 2013 à la suite d’une vague de répression contre les militants politiques et les défenseurs des droits humains aux Émirats arabes unis.

Nous avons rencontré trois personnes qui ont travaillé à ses côtés et nous parlent de ce courageux défenseur des droits humains.


Il n’a jamais lâché l’affaire

Jennie Pasquarella est une avocate américaine qui a travaillé avec Mohammed al Roken en 2011 lors du procès de militants des droits humains (les « Cinq des Émirats »). La réputation de Doubaï, c’est le luxe et le prestige, mais si l’on fouille un peu sous la surface on découvre une réalité qui n’a rien de reluisant.

Les Émirats arabes unis sont un État espion, où tout le monde fait l’objet d’une surveillance maladive, et surtout ceux qui sont censés mettre le pays en danger. C’est un pays qui ne respecte pas l’état de droit – ici on met les gens sous les verrous pour en tirer un profit politique.Tout au long du procès nous avons eu des rencontres quotidiennes avec Mohamed al Roken.

Il nous donnait tous les détails sur la situation des droits humains aux Émirats et nous expliquait tous les stratagèmes du tribunal. Il nous a consacré un temps incroyable – il était totalement dévoué à la cause des droits humains, de la démocratie, de l’avènement d’une société plus ouverte.

Nos rencontres avaient lieu dans des lieux publics et il y avait presque constamment des gens qui le surveillaient. Parfois il disait : « Il faut qu’on parte, ces types-là nous écoutent ». Mais il n’a jamais lâché l’affaire – même lorsque des avocats comme lui recevaient des menaces de mort. Il faut vraiment être une personne extraordinaire pour travailler dans un pareil climat.

Je suis affligée par son arrestation. C’est décourageant. C’est la dernière personne au monde à mériter cela. J’espère qu’une immense armée va se mobiliser en sa faveur. Il a défendu tant de gens !

Il croit aux droits humains
Ahmed Mansoor est un militant des droits humains de premier plan, que Mohammed al Roken a défendu lors du procès des « Cinq des Émirats », en 2011. Nous avons particulièrement apprécié la contribution de Mohammed al Roken lorsque nous avons rédigé une pétition réclamant l’élection du Parlement au suffrage universel. C’est une grande figure dans le domaine des droits humains, et il suit toutes les évolutions de la situation dans la région.

C’est un homme qui inspire confiance. Cela fait des années qu’il défend les droits humains aux Émirats arabes unis. Ici, il y a des gens qui sont persécutés simplement en raison de leurs antécédents intellectuels, et finissent par être mutés ou contraints à prendre leur retraite. Il est le seul à s’occuper de ces affaires, pas pour de l’argent mais parce qu’il croit aux droits humains. C’est terrible de l’avoir arrêté. Quelqu’un comme lui devrait conseiller les plus hautes instances du pays. Il ne devrait pas avoir à passer un seul jour de sa vie en prison. Quelques semaines avant son arrestation, un membre haut placé de la famille royale à Abou Dhabi l’avait consulté pour un problème personnel.

Qu’est-ce qui justifie une pareille volte-face ?C’est une grande perte pour les Émirats arabes unis de ne plus pouvoir faire appel à cet homme. Maintenant qu’il est emprisonné, nous n’avons plus personne pour défendre ces cas. Il faut le libérer, dès aujourd’hui – en fait, il aurait dû être libéré hier.

Un pionnier d’Amnesty International

Lorsqu’il était chercheur sur l’Arabie saoudite pour Amnesty, Lamri Chirouf a travaillé avec Mohammed al Roken pendant de longues années.À Amnesty, on ne pouvait pas aller à Doubaï sans aller voir Mohammed al Roken. Il a été l’un des pionniers de notre travail dans les pays du Golfe. Quand nous lui demandions son avis sur un point de droit, il ne nous facturait jamais rien.

Sans des gens comme lui Amnesty ne serait pas connue dans le Golfe.C’était une personne extrêmement dévouée. Il était toujours là quand nous organisions des activités dans la région.

Nous avons mené un grand projet sur les droits des femmes dans les pays du Golfe, et il nous a aidés à obtenir des soutiens. C’est impossible de trouver un reproche à lui faire. Il est tellement impliqué. Il écrit, il participe à des séminaires, il agit. C’est un homme très dynamique.

Et il a un fameux sens de l’humour aussi. J’espère qu’il l’a conservé, même après tout ce temps en prison.