© Amnistia Internacional México/Alonso Garibay

Mexique. L’annonce du ministre de la Justice sur les étudiants disparus est révélatrice des défaillances du gouvernement

La déclaration du ministre de la Justice Jesus Murillo Karam annonçant que les 43 étudiants disparus en septembre pourraient avoir été tués et leur corps brûlés et jetés dans une rivière élude la question de la complicité du gouvernement dans cette tragédie, a déclaré Amnesty International le 8 novembre 2014.

L’enquête sur ces disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires a été limitée et incomplète, les autorités n’ayant pas cherché à remettre en cause la collusion persistante entre l’État et le crime organisé, qui est à la base de ces graves violations des droits humains, a déclaré l’organisation.

« Malheureusement, la disparition forcée de ces élèves-enseignants n’est que la dernière d’une longue liste d’horreurs survenues dans l’État de Guerrero, ainsi que dans le reste du pays. Les signes avant-coureurs de la corruption et de la violence sont présents depuis des années au vu et au su de tous, et ceux qui ont eu la négligence de les ignorer sont complices de cette tragédie », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

Dans son compte rendu – le plus complet qui ait été fourni à ce jour sur la disparition des étudiants –, le ministre de la Justice n’a pas reconnu qu’il s’agissait d’un crime d’État, et non d’un incident isolé.

Il n’a pas évoqué non plus la négligence et la complicité de l’État dans les enquêtes sur la série d’accusations pesant sur le maire d’Iguala, ni le fait que les policiers fédéraux et locaux impliqués dans le meurtre et la torture d’autres étudiants d’Ayotzinapa en 2011 n’aient jamais eu à rendre de comptes.

Le maire d’Iguala, principal suspect de la disparition forcée des étudiants, est soupçonné depuis longtemps de corruption et de crimes graves. En juin 2013, l’une des victimes d’une attaque contre huit militants locaux, qui a fait trois morts, a indiqué que le maire avait participé directement aux homicides. Cette personne a fourni un récit détaillé, qui a été remis à un notaire par crainte des complicités au sein de la police. Le procureur de l’État n’a pas ouvert d’enquête sur ces allégations.

Malgré les éléments de preuve mettant en cause le maire, le dossier a semble-t-il été clos en mai 2014.

« Si des enquêtes avaient été menées sur les accusations portées contre le maire d’Iguala et la police fédérale et locale lors de précédentes violations des droits humains, il est plus que probable que l’on n’aurait pas eu à déplorer les homicides et les disparitions forcées de ces étudiants », a déclaré Erika Guevara Rosas.

Les familles des étudiants ont aussi affirmé qu’elles n’auraient pas confiance dans les informations présentées par le ministre de la Justice tant que celles-ci ne seraient pas étayées par des preuves scientifiques recueillies par des experts médicolégaux indépendants argentins et tant que l’État n’aurait pas reconnu sa responsabilité.

Le président Enrique Peña Nieto n’a pas respecté les engagements qu’il avait pris devant les familles des étudiants disparus. Son gouvernement a refusé l’aide technique internationale proposée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme. En outre, en plein cœur de cette crise profonde, il va partir en déplacement à l’étranger pour assister au Forum de la Coopération économique des pays d’Asie-Pacifique, ce qui témoigne de son faible intérêt pour la recherche de solutions à la situation très grave des droits humains au Mexique.

« Les autorités doivent traduire en justice tous ceux qui sont complices de ces graves violations des droits humains, tant au niveau de l’État que sur le plan fédéral, ainsi que ceux qui ont négligé leur devoir d’enquêter sur ces actes et de résoudre la crise de longue date en matière de droits humains », a conclu Erika Guevara Rosas.

Complément d’information

Dans le cadre des recherches visant à retrouver les étudiants disparus, 19 charniers ont été découverts à Iguala et aux alentours. Quelque 74 personnes ont été arrêtées à ce jour dans cette affaire, qui a débuté quand la police locale a attaqué les élèves-enseignants le 26 septembre 2014, faisant six morts et 43 disparus.

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